Il a suffit d'une nuit pour que l'humanité devienne aveugle. Cette nuit fameuse où, dans un ciel zébré d'éclairs verdâtres, une mystérieuse comète est passée à proximité de la Terre, ne laissant la vue qu'à quelques rares « chanceux ». Le monde entier est aussitôt devenue la proie du chaos. Effrayés, tels des animaux enragés, les hommes se sont retournés les uns contre les autres, oubliant toute mesure.
Parce qu'il se trouvait dans un hôpital, temporairement privé de l'usage de la vue lors du passage de la comète, Bill Masen a été épargné par ce fléau. Désespérement, il tente de préserver des bribes de civilisation sur cette Terre devenue folle. Mais le pire est à venir, car bientôt apparaît une horde de plantes intelligentes capables de se déplacer ; des plantes qui commencent à détruire leurs pathétiques proies humaines... Les Triffides veulent envahir la Terre, exterminer l'humanité, et seul Bill Masen est peut-être en mesure de les en empêcher.
Chef-d'oeuvre impérissable de la science-fiction cataclysmique britannique, aux côtés des oeuvres de J.G. Ballard et de John Christopher, Le Jour des Triffides a donné lieu à une adaptation cinématographique en 1963, sous le titre La Révolte des Triffides.
Critiques
Une comète passe et l'humanité devient soudainement aveugle. Seuls quelques chanceux, protégés au moment fatidique, ont conservé la vue. Ils tentent d'organiser la survie, tandis que les Triffides — d'étranges plantes, cultivées pour leur huile remarquable, mais venimeuses et capables de se déplacer — semblent vouloir prendre possession de la planète...
Scènes de panique et de pillage, puis organisation de communautés décidées à lutter, Le Jour des Triffides est un modèle du roman post-cataclysmique. En moins de 250 pages, John Wyndham explore toutes les options qui s'offrent à l'humanité : l'entraide universelle ou la sélection raisonnée de ceux qui ont les meilleures chances, les organisations de type militaire ou scientifique, les communautés prônant la polygamie et l'amour libre pour hâter la naissance d'enfants voyants ou le retour à un puritanisme rigide, etc.
Le Jour des Triffides se distingue en outre par la nature double et très originale du cataclysme. Non content de décrire les conséquences d'un aveuglement brutal de l'humanité, l'auteur mène la danse de ces plantes devenues de redoutables prédateurs dans cette circonstance si particulière. Wyndham suggère que ces végétaux envahissants sont le fruit d'expériences mal contrôlées, c'est à dire ce que l'on appelle aujourd'hui des OGM. Il insinue également que la fameuse comète ne serait qu'une catastrophe peut-être nucléaire survenue dans un satellite placés en orbite. Bref, plus de cinquante ans après sa parution, l'argument de ce roman demeure tout à fait actuel et parfaitement crédible.
Roman efficace, brillant et incisif, Le Jour des Triffides est un des grands classiques de la SF, un chef d'oeuvre inégalé et qui a fort peu vieilli.
On mesure la fragilité de la société humaine à la facilité avec laquelle sa civilisation peut s'effondrer. Ici, la perte de la vue suite au fascinant spectacle d'éclairs verts au passage d'une comète suffit au retour de la barbarie. Les aveugles paniques, espérant en vain des secours, pillent les magasins pour emporter des conserves. En une semaine les métropoles deviennent des cimetières.
Cette cécité fut précédée par l'apparition des Triffides, des plantes carnivores capables de se déplacer et de tuer avec un fouet injectant un redoutable poison. Comme elle donnait une l'huile extraordinairement pure, cette curiosité botanique fut cependant cultivée et son sac à venin régulièrement vidé. À présent, les Triffides n'ont aucun mal à repérer les poches de résistances où se terrent les humains pour les tuer et s'en repaître. Bill Masen, qui a gardé la vue, lutte pour empêcher la disparition de l'humanité ou son retour à la vie sauvage.
Ce roman catastrophe ne cède pas à la facilité d'un épique combat contre les végétaux mais décrit la lente désagrégation de la société et les différentes solutions, bonnes ou mauvaises, pour sauver l'humanité : s'occuper de tous les aveugles est utopique, la survie des générations suivantes consiste à épargner les travaux pénibles à une élite éclairée capable de diriger, éduquer, inventer.
Il faut saluer la réédition de ce chef-d'œuvre adapté au cinéma en 1963 et qui ne connut que deux éditions en France : La Révolte des Triffides, version tronquée au Fleuve Noir en 1953, et Les Triffides, en 1974, dans la collection Anti-mondes chez Opta. Il est regrettable que ce fin conteur ne survive aujourd'hui dans les mémoires que par l'adaptation cinématographique des Coucous de Midwich, devenu le classique qu'est Le Village des damnés. C'est tout à l'honneur de Sébastien Guillot que d'inaugurer la nouvelle collection Poussière d'étoiles par cette réédition, magnifiquement illustrée par Éric Scala.
Imaginez qu'un jour l'humanité, dans sa presque totalité, devienne aveugle à la suite d'un phénomène céleste qui a brûlé les yeux des humains ; imaginez qu'en même temps notre planète ait été envahie par des « triffides », plantes intelligentes qui, après une période de croissance enracinée, sont capables de se détacher de la terre et de marcher, plantes vénéneuses, n'hésitant pas à tuer un homme d'un coup d'une de leurs « branches » ; imaginez également que seuls de rares êtres aient réussi à conserver la vue, qu'ils se soient montrés moins curieux que leurs congénères ou qu'ils aient été empêchés de regarder la lumière aveuglante. Imaginez tout cela et vous aurez une idée de « Révolte des Triffides » (The day of the Triffids), de John Wyndham, un des meilleurs spécialistes britanniques d'A.S. (Fleuve Noir). Ce roman, souvent terrifiant, a toutes les caractéristiques d'une œuvre d'outre-Manche, il est beaucoup plus « individuel », moins « moutonnier » que bien des ouvrages américains. Il fait également ressortir les réactions spécifiquement « humaines » de ses personnages. William Masen, son héros, est un Anglais moyen que les circonstances – et aussi l'amour – obligent à affirmer sa personnalité en face des événements qu'il vit. La fin de « Révolte des Triffides » est assez déprimante, malgré son optimisme relatif.
Elle m'a fait penser à celle de ce chef-d'œuvre qu'on ferait bien de rééditer, « Le manuscrit Hopkins », de R.C. Sherriff. Mais, pour revenir À Wyndham, je crois que son roman est promis au succès, même auprès de lecteurs difficiles. Regrettons simplement les coupes sombres qui ont amputé le texte original du tiers (soit d'une centaine de pages !).
Igor B. MASLOWSKI Première parution : 1/6/1956 Fiction 31 Mise en ligne le : 5/6/2025