Robert A. HEINLEIN Titre original : The Puppet Masters, 1951 Première parution : Galaxy Science Fiction, septembre à novembre 1951. En volume, Doubleday, 11 octobre 1951ISFDB Traduction de Alain GLATIGNY Illustration de Stéphane DUMONT
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 159 Dépôt légal : 4ème trimestre 1979 Roman, 320 pages, catégorie / prix : 3 ISBN : néant Format : 11,0 x 18,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
En 2007, une soucoupe volante atterrit près de Des Moines, aux Etats-Unis. Elle vient de Titan, le sixième satellite de Saturne. Son équipage est composé de sortes de larves qui se fixent sur le dos des humains, comme des ventouses, et les transforment instantanément en marionnettes. Devant pareil fléau, le gouvernement est impuissant et il faudra la brillante intelligence du patron des services secrets pour vaincre les envahisseurs d'une manière inattendue.
L'auteur :
Né en 1907 dans le Missouri. Après avoir passé dix ans dans la Marine, il exerce divers métiers et mène des activités politiques. Sa première nouvelle paraît en 1939, mais c'est en 1940 qu'il fait ses véritables débuts avec les premiers fragments de son Histoire du Futur, et qu'il se place d'emblée parmi les chefs de file de la S.-F. classique américaine.
Paru quatre ans avant L'Invasion des Profanateurs de Jack Finney, l'autre classique du genre, Marionnettes humaines, s'il n'est sans doute pas à classer parmi les œuvres majeures de Robert Heinlein, est un roman qui occupe une place non négligeable dans l'histoire de la science-fiction, et qui, avec le recul, apparaît comme particulièrement symptomatique de l'époque à laquelle il a été écrit.
Le récit, situé en 2007, débute par la découverte d'une soucoupe volante dans les environs de Des Moines, dans l'Iowa. A première vue, tout laisse à penser qu'il s'agit d'un canular, l'appareil en question s'avérant n'être qu'une maquette grandeur nature fabriquée par quelques gamins farceurs pour soutirer aux touristes un peu d'argent. Sauf que certains détails ne collent pas dans cette histoire, à commencer par le fait que les premiers agents envoyés sur place par la Section, agence américaine ultrasecrète, ont disparu sans laisser de trace. Il ne fait bientôt plus aucun doute qu'un vaisseau d'origine extraterrestre a bien atterri dans la région, et que ses occupants, de peu ragoûtantes sangsues capables de contrôler l'esprit des humains en s'accrochant à la base de leur nuque, ont pour objectif de conquérir la planète.
Dès lors qu'il est clairement établi que n'importe qui peut tomber sous la coupe de ces aliens tout en continuant de mener une vie en apparence ordinaire, le roman va baigner dans une ambiance de paranoïa permanente qui ne le quittera plus. Hormis une bosse suspecte au niveau du col de la chemise, il est quasiment impossible de différencier les victimes des larves du reste de la population. Et Robert Heinlein enfonce le clou très tôt dans le roman en faisant tomber Sam Nivens, le narrateur, sous le contrôle des extraterrestres, le temps de quelques chapitres. Outre le fait de renforcer l'idée que personne n'est à l'abri, ce passage permet également au romancier à la fois de décrire de l'intérieur la manière dont les envahisseurs s'insinuent progressivement dans toutes les strates de la société américaine, mais aussi de donner au lecteur à ressentir toute l'horreur éprouvée par les victimes des larves.
Marionnettes humaines s'inscrit dans une longue tradition de récits d'invasions originaires d'une autre planète, dont La Guerre des mondes de H. G. Wells reste le plus fameux. L'idée même des parasites extraterrestres n'est pas nouvelle. Dans Science Fiction : The Gernsback Years, Everett F. Bleiler attribue la paternité de telles créatures à un autre Wells, Hal de son prénom, dont la nouvelle « The Purple Brain » (Astounding Stories, décembre 1933) mettait en scène des sortes de méduses tuant leurs victimes pour prendre place dans leur boîte crânienne. On retrouve des êtres identiques aux larves d'Heinlein dans « Parasite » (Amazing Stories, juillet 1935) de Harl Vincent ou encore, le même mois, dans « Brain Leeches » (Astounding Stories) d'Edward S. Mund.
Ce type de récits, dans lequel les extraterrestres se dissimulent au sein d'une communauté humaine, en se substituant à eux ou en se cachant à leur regard, connaîtra un succès certain dans les années suivantes. Parmi les textes les plus intéressants, quoique dans des registres très différents, on citera la nouvelle de John W. Campbell, signée du pseudonyme de Don A. Stuart, « La Bête d'un autre monde » (« Who goes there ? » in Astounding Science-Fiction, août 1938), ou encore le roman d'Eric Frank RussellGuerre aux Invisibles (Sinister Barrier, in Unknown, mars 1939). Le genre deviendra plus populaire encore dans les années 50, en particulier au cinéma, qu'il s'agisse d'adaptations de nouvelles ou romans (Marionnettes humaines le sera une première fois en 1958, sans l'accord de Heinlein, sous le titre The Brain Eaters) ou de scénarios originaux.
Marionnettes humaines effectue une sorte de synthèse des textes qui l'ont précédé, et en élargit le champ d'action. Cette fois, si l'invasion se veut discrète, elle ne se limite pas à une zone géographique restreinte mais commence très vite à s'étendre à l'ensemble du territoire américain.
Bien évidemment, on ne peut faire abstraction à la lecture de ce roman du contexte dans lequel il a été écrit, en pleine période de Guerre Froide. Heinlein s'amuse d'ailleurs régulièrement à faire le parallèle entre ses larves et les soviétiques. « Je me demandai en passant pourquoi les titans ne s'étaient pas d'abord attaqués à la Russie : c'était un pays qui leur serait allé comme un gant. A la réflexion, je me demandais s'ils ne l'avaient pas fait. En réfléchissant davantage encore, je me demandai quelle différence cela aurait pu faire de toute façon ! » Dans la première version de Marionnettes humaines, élaguée à l'époque par les éditeurs américains, les références au régime communiste abondent. Néanmoins, et bien que l'action se situe quelques années après une guerre atomique ayant opposé l'Est et l'Ouest, guerre dont les stigmates sont encore visibles, les Soviétiques sont ici plus souvent tournés en dérision que considérés comme une menace véritable.
Quant au climat paranoïaque qui règne sur l'ensemble de cette histoire, il fait lui aussi écho aux évènements de l'époque, à un moment où la chasse aux sorcières et le maccarthysme étaient à leur apogée aux Etats-Unis. Cela dit, jamais Heinlein dans ce roman ne justifie de quelque manière que ce soit l'un ou l'autre. D'ailleurs, s'il ne manque aucune occasion de fustiger le régime soviétique, il ne se montre guère plus clément avec l'administration américaine, en particulier lors d'une scène où les héros tentent de convaincre une commission sénatoriale de la menace que représentent les extraterrestres. Le romancier y décrit les élus américains de manière assez peu élogieuse, enclins à se laisser aller à leurs habituelles manœuvres politiciennes et incapables de prendre les mesures qui s'imposent en période de crise.
Robert Heinlein avait déjà mis en scène une invasion des Etats-Unis, dix ans plus tôt, dans Sixième colonne. L'ennemi ne provenait pas alors d'outre-espace mais d'Asie. Le roman est calamiteux de bout en bout, probablement le pire de son auteur, sombrant régulièrement dans le ridicule quand bien même il se prend on ne peut plus au sérieux. Un rapide comparatif des deux œuvres permet d'évaluer combien l'auteur a progressé en une décennie. Marionnettes humaines est l'œuvre d'un écrivain maîtrisant son outil, capable de tenir son récit d'un bout à l'autre tout en jouant sur différents registres et sur plusieurs niveaux. Ainsi la romance entre Sam et Mary, sa jeune et jolie collègue, outre le fait d'aménager quelques moments plus calmes dans le cours de l'histoire, permet également d'en dramatiser les enjeux lorsque la jeune femme tombe à son tour sous le contrôle des larves.
Plus étonnant, Heinlein s'octroie quelques moments de comédie, inattendus dans un tel contexte, en particulier lorsque, pour repérer plus facilement les humains sous contrôle alien, est lancée l'opération « Bain de soleil » qui oblige l'ensemble de la population américaine à se dévêtir entièrement. Difficile de garder son sérieux face à un gradé ne portant rien d'autre qu'un brassard...
- Métal de mort de Vargo Statten, Fleuve noir Anticipation n° 38]
Une nouvelle collection d’A. S. est née le mois dernier. Intitulée « Série 2.000 » et éditée par les Ed. Métal, elle ne publiera, sauf exception, que des auteurs de langue française. Son premier volume, « La Dixième Planète » de C.-H. Badet, sans être une révélation, est agréable à lire et je suis persuadé que cet auteur nous donnera d’ici peu des ouvrages qui pourront efficacement concurrencer les Anglo-Américains. La principale faiblesse de « La Dixième Planète », c’est son début : cette histoire de clochard qui, par inadvertance, déclenche le mécanisme d’une fusée n’est pas très drôle, et le style, très « clochard » également, n’est pas fait pour arranger les choses. Mais, les trente ou trente-cinq premières pages digérées, on commence à se rendre compte des véritables intentions de C.-H. Badet – son roman est avant tout une satire de mœurs. Car ledit clochard, après avoir parcouru des milliards de kilomètres dans l’espace, finit par atterrir sur la planète Mère, une réplique quasi parfaite de notre bonne vieille Terre, mais située de l’autre côté du Soleil (et c’est la raison pour laquelle nous ne la voyons pas). À partir de ce moment, tout devient clair : l’auteur n’a pas cherché à faire vraisemblable, scientifiquement parlant. Non ! Il lui fallait simplement un prétexte pour nous entraîner sur cette planète inconnue, pour opposer sa civilisation à la nôtre. Et cette étude comparée se lit avec beaucoup d’agrément. Le style, redevenu normal (le clochard a perdu ses expressions vulgaires et s’est souvenu de l’homme qu’il était avant sa déchéance) est léger, gaulois par moments. Les « Mériens » ne vivent que par ou pour la Raison et cela donne à M. Badet l’occasion, plus d’une fois, de mettre en boîte, de la façon la plus malicieuse qui soit, les tendances à l’enrégimentation spirituelle ou autre qui se manifestent périodiquement en divers endroits de notre planète. Sous ce rapport, certains chapitres de « La Dixième Planète » ne sont pas sans rappeler des passages du « Voyageur Imprudent » de Barjavel. En résumé, un volume qui vous fera passer deux heures de distraction, à condition de ne pas vous montrer trop exigeants sur le caractère scientifique de cette anticipation.
Avec « L’homme illustré » (The Illustrated Man) de Ray Bradbury, les Ed. Denoël nous offrent, une fois de plus, un recueil de dix-huit excellentes nouvelles de « science-fiction ». Certaines d’entre elles sont de véritables petits chefs-d’œuvre. Je fais allusion, en particulier, à « Boules de Feu », que je ne suis pas loin de considérer comme la meilleure du volume, et où l’on voit deux missionnaires américains expédiés sur Mars afin de sauver les Martiens du péché originel ; à « La Brousse », où le réel et l’irréel se mélangent de façon hallucinante ; au « Visiteur », qui retrace la venue sur Mars d’un hypnotiseur ; à « La Bétonneuse », pastiche fort spirituel de l’arrivée des premiers Martiens sur Terre ; à « L’Homme de l’Espace », à la fin poignante. « L’Homme Illustré » n’a peut-être pas toujours le « fini » des « Chroniques martiennes » – car le lien entre les divers contes et nouvelles est plus arbitraire – mais certains des récits, grâce justement à leur indépendance, offrent un aspect plus compact. À mon avis, la meilleure A. S. romancée du mois.
« Marionnettes humaines » (The Puppet Masters) de Robert Heinlein (Gallimard) eût été un parfait roman de « science-fiction » s’il ne souffrait pas d’un certain nombre de longueurs qu’il eût été facile d’éliminer à l’adaptation (fort bonne, d’Alain Glatiny). L’action se déroule en l’an de grâce 2007, aux États-Unis, dont une partie du territoire a été envahie par des boules gélatineuses qui se fixent sur le dos des humains qu’elles réduisent spirituellement et physiquement à leur merci. Les États non atteints par l’invasion déclenchent des opérations contre les larves, originaires de la planète Titan, mais comment les tuer sans, pour cela, trucider la moitié de la population américaine ? Trois personnes : le « Patron », chef des services secrets des U.S.A., sou fils Elisée et une jeune femme, Mary, vont par tous les moyens s’employer à délivrer leur pays et à rendre leur liberté aux « marionnettes humaines ». Autant qu’un roman d’anticipation, c’est un ouvrage d’aventures dont certains chapitres vous communiquent une espèce de malaise physique. Et il s’en dégage un suspense que bien des auteurs de romans policiers pourraient envier.
« Métal de mort » (The Catalyst) de Vargo Statten (Fleuve Noir) commence sur Mercure où un couple d’astronautes atterrit pour recueillir des spécimens de la flore locale. Hélas, parmi ce qu’ils ramènent sur Terre figure, en dehors d’une impressionnante quantité de diamants, une espèce de mâchefer qui, allié à l’eau, transforme en or tout ce qu’il touche : hommes, bêtes, plantes. Un moment arrive où notre Planète tout entière risque de se transformer en métal précieux et il faudra toute l’ingéniosité de l’homme pour venir à bout du danger et pour éviter qu’il ne s’étende aux autres planètes de notre système.
Comme dans tous les romans de Vargo Statten, le rôle du « personnage noir » est joué par un industriel ambitieux (qui finira mal, comme on s’en doute). Les héros, Scott et Nan Andrews, sont bien sympathiques, mais Nan est parfois trop femme et pas assez savante. Le récit est bien mené, il y a d’excellents coups de théâtre et, scientifiquement, tout a l’air on ne peut plus logique.
Igor B. MASLOWSKI Première parution : 1/7/1954 Fiction 8 Mise en ligne le : 1/3/2025