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Le Dieu fou

Michael MOORCOCK

Titre original : Sorcerer's Amulet / The Mad God's Amulet, 1968
Première parution : New York, USA : Lancer Books, 1968 (sous le titre "Sorcerer's Amulet")
Cycle : Hawkmoon (la légende de) / Runes (la saga des)  vol. 2 

Traduction de Jacques GUIOD
Illustration de Marc MORENO

POCKET (Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy n° 5307
Dépôt légal : octobre 2007
Réédition
Roman
ISBN : 978-2-266-17295-0
Genre : Fantasy


Autres éditions
   Jean-Claude LATTÈS, 1973, 1979
   in La Légende de Hawkmoon, OMNIBUS, 2009
   POCKET, 1988, 1990, 1990, 1992, 1993, 2001
   in La Légende de Hawkmoon - Intégrale 1 - L'histoire du secret des runes, 2015

Quatrième de couverture
     Le comte Airain a perdu le désir de vivre.
     Sa fille, la douce Ysselda, a été enlevée et livrée au Dieu fou. Dorian Hawkmoon, le fiancé de la belle, guerroie au loin contre les Granbretons. C'est pourtant lui qui, sur le chemin du retour, rencontre les adorateurs du Dieu fou. Ces gladiateurs nus, luisants et drogués, se reconnaissent à leur rire sauvage, pareil à celui de tous les damnés de l'enfer. Ils n'ont qu'un plaisir : détruire. Seul Hawkmoon pourra libérer Ysselda et anéantir le Dieu fou.
     Mais à quel prix ?
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition Jean-Claude LATTÈS, Titres/SF (1980)

 
     LA SAGA DES RUNES

     Le Joyau Noir (The Jewel intheSkull, 1967) ; Le Dieu Fou (The Mad God's Amulet, 1968) ; L'Epée de l'Aurore (The Sword of the Dawn, 1968). Michael Moorcock — 3 vol. chez J.C. Lattes coll. Titres SF.

     Ces derniers mois, la collection Titres SF a mis trois volets de la Saga des Runes à notre disposition. Les deux premiers (Le Joyau Noir et Le Dieu Fou) furent publiés par Lattes en 73. L'Epée de l'Aurore par contre est inédit, comme le sera Le Secret des Runes promis pour mars 80. En se situant délibérément dans le registre classique, codé, de l'heroic-fantasy, Moorcock se pose comme un styliste. Et de ce point de vue, si l'on n'est pas réfractaire au genre, c'est une réussite, bien que le présent cycle souffre un peu de la comparaison avec la Saga d'Elric. La lecture globale des trois volumes permet de mieux palper le fonctionnement de ce proche parent de la SF. Luttes de type féodal, brassage uchronique, barbarie (à visage moorcockien), quêtes, science et sorcellerie. Un retour au mythe, à l'épopée. Mais aussi, un jeu sur le langage. Par les accents légendaires, le maniérisme des dialogues. Et surtout, l'indice que le rêve s'enclenche autour du Nom, que les phonèmes sont générateurs de l'effet d'ailleurs par leur volonté explicite de signifier. L'imagination va puiser dans leurs connotations (références ethniques, historiques, géographiques, littéraires, etc.) : Hawkmoon, Ysselda, Medialus, Oladahn... Dans leur distorsion : Granbretanne, Kamarg, Asiacommunista... Par ce biais, les significations du récit sont une seconde fois délivrées et, ainsi redoublées, s'enrobent de lyrisme. En ce sens, l'heroic-fantasy (au moins telle que Moorcock nous la donne à voir) est un genre plus « idéalement littéraire » qu'on pourrait le croire.

Bruno LECIGNE
Première parution : 1/2/1980
dans Fiction 306
Mise en ligne le : 19/12/2010


Edition Jean-Claude LATTÈS, Science-fiction (1973)

     Michael Moorcock ne s'en est jamais caché : pour lui, l'écriture de l'heroic-fantasy obéit à des motifs d'ordre purement alimentaire, et il pond ses productions dans le genre exactement comme un auteur consciencieux du Fleuve Noir qui sait combien il lui faut fournir de manuscrits par an pour vivre. La saga d'EIric, que nous avons découverte en premier lieu, n'avait pas cet aspect de littérature à la chaîne, d'abord parce qu'elle avait ses sources au début de la carrière de Moorcock, ensuite parce qu'elle était parue sous forme de nouvelles dispersées, à la publication étalée sur des années. Il ne faut cependant pas croire que tout Moorcock est de la même veine. Les admirateurs d'EIric, s'ils se jettent sur la saga des Runes dont nous sont offerts ici les deux premiers volumes, risquent d'être déçus au premier contact. Dorian Hawkmoon est un héros qui n'a pas la sombre grandeur d'EIric, et l'environnement, le climat de l'action, ne sont pas édifiés avec autant de puissance. Pourtant, dans un deuxième temps, la magie opère : la technique de Moorcock, même quand elle fonctionne un peu à vide, prend le dessus et on se laisse emporter par le flot. Chef-d'œuvre, donc, non ; mais œuvre de série à la qualité non négligeable.

Serge BERTRAND
Première parution : 1/8/1973
dans Fiction 236
Mise en ligne le : 28/10/2002


Edition Jean-Claude LATTÈS, Science-fiction (1973)

 
     Edition Spéciale de J.C. Lattès semble se faire une spécialité de ce que l'on a coutume d'appeler « heroic fantasy » ( non sans parfois, en France, quelque... fantaisie dans l'orthographe ; alors pourquoi pas « fantaisie héroïque » ou mieux « épique » ?), branche de la science-fiction où la science se fait très rare et cède volontiers la place à la magie, et où par « fiction » il faut entendre « aventure ». La devise de la collection, « Des romans de science-fiction qui sont d'abord des romans », peut se traduire par : romans picaresques qui n'empruntent à la science-fiction qu'un cadre éloigné dans l'espace (la série des John Carter sur Barsoom, le Mars d'Edgar Rice Burroughs — dont le tome 6 se fait bien attendre), dans le passé (la série des aventures de Conan, de Robert Howard, revues et éventuellement complétées après sa mort prématurée en 1936 par Sprague de Camp et quelques autres) ou dans le futur (c'est le cas des deux volumes de Moorcock). Disons-le tout de suite, au risque de faire hurler les zélateurs de la nouvelle vague : Michael Moorcock est capable du meilleur comme du pire. Le meilleur, c'est sans conteste Voici l'Homme, publié par Pierre Versins dans sa collection « Outrepart », et dont Eliane Pons et Marcel Thaon ont montré dans Fiction 222 tout ce qu'il apportait à la science-fiction en fait de profondeur psychologique et même philosophique. Le pire, c'est, à mon sens, les diverses jerrycornéliuseries collectives ou non, où le nouveau est remplacé par le farfelu. Où se situe La saga des runes, le cycle dont les deux premiers romans nous sont présentés maintenant, sur cette échelle des valeurs ? La réponse est : aux antipodes de Voici l'Homme.
     Cette œuvre pourrait bien sûr être bonne d'une manière différente ; mais si l'on loue, comme Eliane Pons et Marcel Thaon, l'absence dans Voici I'Homme de ce qu'ils appellent — peu élégamment ! — « stéréotypes comportementaux », on ne peut qu'en blâmer l'usage et l'abus dans Le joyau noir et Le dieu fou. Les « insuffisances artistiques » de Voici I'Homme, en revanche, ne sont pas absentes de ces deux volumes ; elles sont même plus criantes encore. Et quand je lis au dos du livre : « mettant son style puissant au service de l'heroic fantasy », excusez-moi, mais je ne vois pas bien de quoi il s'agit. Par ailleurs, quand on se mêle d'écrire une épopée, il faut surtout être capable de tenir des quantités de bouts de ficelle, de ne pas les mélanger et de n'en lâcher aucun ; Tolkien y est parvenu magistralement dans son Seigneur des anneaux malgré ses quelque 1 500 pages ; avouons que c'est singulièrement plus aisé dans une « épopée » aux épisodes quelque peu maigrelets de 250 pages en très gros caractères, et à l'intrigue assez simplette. Et pourtant Moorcock n'y est pas parvenu : voir la contradiction, entre les pages 22 et 210 du tome II, sur le sort fait par le héros Dorian Hawkmoon à son ennemi le baron Méliadus. A moins qu'il ne s'agisse d'une traduction défectueuse : car si les traducteurs du tome l, Jean-Luc Fromental et François Landon, ont fait du bon travail (à part l'inévitable traduction de to stare par « fixer », terme ambigu dont déjà Voltaire se moquait), celui du tome II, Jacques Guiod, accumule les fautes de français (par exemple, p. 123, les « péripéties » du héros ; p. 160, « leurs quatre opposants »), les anglicismes (par exemple, p. 66, « déception » pour « supercherie » ; p. 219, « l'un d'entre eux produisit une gourde ») et les faux-sens (p. 188, « je vais te marier » pour « t'épouser »). Il est remarquable, d'ailleurs, que ces méfaits ne soient pas signés, et que le nom de leur auteur soit seulement annoncé à la fin du tome I ! Signalons enfin, parmi les défauts formels, une énorme faute d'impression (les deux premières lignes de la page 28 du tome I ont disparu, remplacées par celles de la page 29) qui rend un passage totalement incompréhensible, et qui est tout à fait inadmissible dans une édition plutôt chère : l'honnêteté la plus élémentaire voudrait qu'on retirât ce volume de la vente.
     Pour en venir maintenant au fond, notons d'abord un point commun avec Voici I'Homme : la part très restreinte de la science-fiction proprement dite. Dans Voici I'Homme, il n'y avait que l'hypothèse du retour dans le passé, bien classique, sans rationalisation (comme la quatrième dimension chez Wells, les vents d'énergie chez Daniel Drode dans La rose des énervents, la chronopathie chez Cordwainer Smith dans Le vaisseau d'or) ni exploitation pour elle-même (paradoxes temporels comme dans Le voyageur imprudent de Barjavel, histoire parallèle comme chez Poul Anderson, etc.), mais utilisée seulement pour l'intérêt humain. Dans La saga des runes, il y a, nous l'avons dit, un cadre situé dans le futur : l'ère des principautés, néo-médiévale, après une catastrophe atomique ; là non plus, il n'y a pas rationalisation (comment le monde politique s'est désintégré : histoire du futur) ni étude de la situation (comment les hommes vivent dans les conditions nouvelles : veine utopique). Seulement, ce n'est pas à l'intérêt humain que sont sacrifiés cette fois ces aspects traditionnels de la science-fiction, mais uniquement à l'aventure, sous sa forme la plus fruste et la plus brutale : avec les méthodes modernes de massacre en masse, à distance, mathématique, la guerre a perdu tout romantisme ; pour le lui rendre, il fallait imaginer un retour aux beaux étripages d'antan. Quelques « gadgets » ont été conservés, mais là encore toute explication est refusée, parfois assez grossièrement, notamment pour le plus important d'entre eux, celui qui met successivement deux villes menacées à l'abri de l'ennemi « dans un autre système de dimensions spatio-temporelles » : « Vous ne comprendriez rien aux paroles que je serais forcé d'employer », répond (p. 242 du tome II) à la question de Hawkmoon le « Guerrier d'Or et de Jais » (dont l'origine, la nature, la fonction et les méthodes d'action restent également mystérieuses — jusqu'à un volume ultérieur de la Saga peut-être). Ainsi, de même que le « Bâton Runique » dont il est le serviteur, tous les dispositifs — et en particulier le « joyau noir » que les ennemis greffent dans le front de Hawkmoon pour voir ce qu'il regarde, à quelque distance qu'il soit — relèvent davantage de la magie que de la science.
     Voilà donc une littérature beaucoup plus sensationnelle qu'intellectuelle, où l'invention cherche essentiellement ce qui peut avoir le plus fort « impact » sur la sensibilité du lecteur. De ce point de vue, la plus belle trouvaille de Moorcock est sans doute ces masques de bêtes (Loups, Sangliers, Vautours, etc.) portés par les membres du Ténébreux Empire selon l'ordre auquel ils appartiennent, masques plus ou moins riches selon leur rang, et qu'ils répugnent à ôter en public. Il n'est pas sans saveur non plus que ce Ténébreux Empire, qui étend peu à peu son ombre impitoyable, cruelle, sur l'Europe morcelée, à la manière de l'impérialisme nazi, soit la « Granbretanne » : Moorcock fait en passant œuvre satirique, attaquant ses compatriotes pour leur hypocrisie ( les masques), leur étroit particularisme (« la Granbretanne a donné le jour à une race d'hommes dont les pensées et les actions sont étrangères à tous ceux qui ne vivent pas dans cette île » : II, 131), faisant des allusions malicieuses à l'actualité, comme par exemple la campagne de propreté civique « Keep Britain Tidy » (« Il était évidemment impossible d'entretenir parfaitement une voie aussi fréquentée » — le pont sur la Manche — « mais d'une certaine manière, cette chaussée souillée symbolisait l'esprit de l'étrange civilisation granbretonne » : I, 113) et ne reculant pas même devant le lèse-majesté (« La silhouette fœtale du roi-empereur, dernier et immortel descendant d'une dynastie fondée près de trois mille ans auparavant, se découpa un moment sur la paroi sphérique » : f, 104) ; mes trois huitièmes de sang britannique m'ont permis d'apprécier ce genre de choc-là ! Mais, dans l'ensemble, comme auteur à sensation, Moorcock n'arrive pas à la cheville de Burroughs, ni surtout de Howard, qui avaient l'un et l'autre le génie de peindre en quelques coups de brosse des peuples curieux et divers, fortement typés, et de les lancer ensuite, en grandes masses, les uns contre les autres.
     On objectera peut-être que, du point de vue moral du moins, Dorian Hawkmoon vaut mieux que Conan, puisque ce dernier n'est mû que par l'ambition (barbare du nord-ouest, il ravage les royaumes d'orient dans le but de se tailler un empire), alors que Hawkmoon a une vocation (tout comme Carter, d'ailleurs, qui pacifie et unifie les peuples de Mars pour résister à la décadence de la planète). Seulement, Hawkmoon ignore complètement sa mission au début, ne commence à la deviner que dans les beaux yeux de la princesse qu'il était censé enlever (Yisselda de Kamarg, d'ailleurs beaucoup moins fascinante qu'une Yasmina, Devi de Vendhya, qui s'éprend sensuellement de son beau ravisseur Conan, mais non cependant jusqu'à en faire son roi !) et s'entend proclamer Serviteur du Bâton Runique sans savoir de quoi il s'agit. Il y a là encore un point commun entre Hawkmoon et Glogauer, lui aussi Messie à son insu, Sauveur à contrecœur ; mais là encore cette ressemblance ne fait que rendre le contraste plus net : Hawkmoon est ce que Toynbee appelle dans A study of history « the Saviour witb the Sword » (le sauveur armé d'un glaive), dont il dénonce la tentation pour les civilisations en décadence. S'il réussit, l'empire qu'il fonde ne fait que masquer la décadence, et au fond la précipite par l'uniformisation, la pétrification (c'est ce que Burroughs ne semble pas avoir vu pour son Barsoom, et c'est une des gloires d'Asimov de l'avoir montré à l'échelle cosmique dans Fondation, Fondation et Empire et Seconde Fondation) ; s'il échoue, il ne fait que perpétuer et multiplier les divisions, et engendrer la violence par la violence. Car la violence a sa propre logique, plus forte que la cause, aussi bonne soit-elle, qu'elle prétend servir : « Ami ou ennemi, il pourfendait quiconque génait sa progression », dit Moorcock de son héros à la fin du premier volume. Il n'est pas sans danger de proposer à l'admiration des adolescents (car ces livres ne sauraient prétendre dépasser leur niveau intellectuel, et sont par ailleurs plus pudiques que ceux de Howard et même de Burroughs) une pure machine à tuer. Il devait connaître la science-fiction à travers Edition Spéciale, ce garçon (cité par Christian Grenier dans Jeunesse et science-fiction, Magnard, 1972) qui, en réponse à une enquête, donnait cette définition lapidaire de la science-fiction : « De la bagarre ».

George W. BARLOW
Première parution : 1/10/1973
dans Fiction 238
Mise en ligne le : 23/7/2017

Critique de la série par Bruno PARACritique de la série par Jean-Marc LIGNY
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Jean-Bernard Oms : Top 100 Carnage Mondain (liste parue en 1989)  pour la série : Hawkmoon (la légende de) / Runes (la saga des)

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