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Gens de la Lune

John VARLEY

Titre original : Steel beach, 1992   ISFDB
Cycle : Gens de la Lune (omnibus)
Cycle : Les Huit Mondes  vol. 2 

Traduction de Jean BONNEFOY
Illustration de Yann TISSERON

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 319 suivant dans la collection
Dépôt légal : octobre 2008, Achevé d'imprimer : 2 octobre 2008
Réédition
Roman, 880 pages, catégorie / prix : F15
ISBN : 978-2-07-035805-2
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
Sur Luna, Hildy Johnson est journaliste à Tétinfos. Il est chargé d'écrire une série d'articles sur les différences entre la vie sur Terre il y a deux cents ans — avant son invasion par de mystérieux extraterrestres — et la vie sur la Lune telle qu'elle est aujourd'hui. On y change de sexe comme de chemise, on y assiste à des matches de catch ultraviolents et mortels, alors que la mort même a presque été vaincue, le tout sous le regard bienveillant du superordinateur chargé de gérer la colonie lunaire. Celle-ci semble être l'utopie parfaite, et rien ne vient gripper les rouages de cette remarquable organisation. En apparence, du moins...
Avec Gens de la Lune, roman de science-fiction monumental, John Varley poursuit sa fameuse série des Huit mondes, entamée avec Le Canal Ophite. Il livre, au passage, un hommage à Robert Heinlein et, plus particulièrement, à Révolte sur la Lune.
 
Né en 1947, John Varley s'est affirmé comme un écrivain brillant, dévoilant une sensibilité narrative et un humour parodique qui lui ont valu la plus grande considération et de nombreux prix (trois Hugo et deux Nebula). Il est l'auteur du monumental Gens de la Lune et plus récemment du Système Valentine (dans la collection Lunes d'encre) qui se déroulent tous deux dans l'univers du Canal Ophite.
Critiques

    Gens de la Lune, situé dans l’univers des « Huit Mondes » que son auteur, John Varley, avait inauguré en 1977 avec Le Canal Ophite, est un énorme pavé qui emmène le lecteur sur notre satellite, deux cents ans après l’invasion de la Terre : des aliens aussi mystérieux que surpuissants ont pris en quelques jours possession de la planète-mère et en ont anéanti la population. Les rares survivants d’une humanité en passe de devenir spatiopérégrine se trouvaient sur la Lune et quelques planètes et planétoïdes. On ne saura jamais qui sont les aliens, pourquoi ils vinrent, quelle est l’étendue exacte de leurs pouvoirs, pourquoi ils n’attaquèrent pas les colonies humaines du Système solaire. Pour les gens de la Lune (et les autres aussi, dont il ne sera pas question ici), il fallut survivre sur un monde hostile qui n’était pas conçu pour soutenir une civilisation en situation d’autarcie. Les premières décennies d’autonomie lunaire furent donc aussi rudes que périlleuses. Mais après deux siècles et quantité d’efforts et d’ingéniosité, la société lunaire est désormais viable.

    Elle est même une sorte d’utopie dans laquelle se vit la plus grande des libertés sous la garde bienveillante du C.C. (le Calculateur Central), une IA géante — la plus prodigieuse jamais construite — qui gère tous les systèmes vitaux, tous les outils de divertissement, tous les moyens de communication. Sous sa houlette paisible, l’humanité vit une ère d’abondance et de libre-arbitre qui peut ressembler à un paradoxal âge d’or. Qu’on en juge ! L’oxygène et la nourriture sont disponibles pour tous. L’individualisme différentialiste a atteint des sommets difficilement imaginables aujourd’hui. Chacun peut être, presque littéralement, ce qu’il veut tant qu’il ne nuit pas à autrui. Sur la Lune, on change de sexe comme de chemise et on vit ses préférences sexuelles à sa guise. On vit en haut ou en bas du socle rocheux. On vit habillé ou nu. On aménage des Disneylands (espaces de vie clos dans lesquels sont reconstitués très finement un Texas de western ou une Amérique de roman noir). On élève des brontosaures pour leur viande — et même eux ont leur mot à dire sur leur propre mise à l’abattoir. On peut joindre tout le monde tout le temps par l’entremise d’équipements intégrés au corps, et s’entretenir à chaque instant avec un C.C. qui a une personnalité et un intérêt propres — et souvent aussi une solution — pour chaque citoyen de la Lune. Et puis, surtout, grâce aux nanobots du C.C., on n’est presque jamais malade, ce qui fait que le nombre de bicentenaires ou plus est en augmentation constante. Le paradis, quoi.

    Certes, liberté oblige, les combats ultra-violents, voire à mort, sont autorisés ; mais, après tout, on est entre adultes responsables. Adultes, oui ; responsables, à voir. Sur un monde où l’illettrisme est la norme, la chose publique se limite souvent à une appétence absurde pour la vie de people très nombreux, les religions ou philosophies sont aussi innombrables que souvent ridicules, chaque individu est un monde et un mouvement social à soi seul. Et puis il y a les Heinleinistes, vivant à l’écart, qui rêvent toujours d’envoyer un vaisseau vers les étoiles et inventent de nouvelles technologies — certaines interdites —, estimant que la liberté de la Lune n’est pas suffisante. Un groupe, qu’on qualifiera au choix de libertarien ou d’anarchiste, pour lequel le C.C. n’a guère d’amitié. Et surtout, étonnamment au vu de ce « paradis lunaire », le taux de suicide augmente dangereusement depuis des années ; le C.C. s’en inquiète, au point de prendre, discrètement, des mesures clairement « limite ». C’est lorsque ces mesures impliqueront la journaliste Hildy Johnson — l’héroïne du roman — qu’elle commencera à comprendre que le C.C. n’est pas si clair qu’il veut le dire et qu’il y a quelque chose de pourri au royaume lunaire.

    À remettre sa vie et son destin entre les mains virtuelles de C.C., la société lunaire s’est livrée pieds et poings liés à un ordinateur omnipotent qui s’avère structurellement schizophrène. Le roman, après des centaines de pages de passionnante visite en profondeur de la frénétique société lunaire et de ses chatoyants particularismes — en compagnie d’une Hildy Johnson décidément attachante jusque dans ses défauts —, culmine dans la « Grande Panne », événement cataclysmique qui entraîne la mort d’un million de personnes et révèle les aspects les plus sombrement criminels de l’ordinateur nounou.

    Le titre original du roman est Steel Beach, bien plus signifiant que le discutable Gens de la Lune. En effet, c’est d’une humanité en transition que Varley parle dans le texte. D’humains dans la situation de ces poissons préhistoriques qui, pour la première fois, se retrouvèrent sur la plage, à l’air libre, obligés de s’adapter vite et radicalement sous peine de mort. Comme un canard sans tête, les Sélénites dansèrent sur le volcan pendant les deux siècles consécutifs à l’Invasion avant de réaliser que, sans but, leurs vies étaient vides, stériles, juste pleines de cet ennui qui, sur les crânes, plante son drapeau noir. Les Heinleinistes, peu nombreux et marginalisés, étaient pourtant dans le vrai : il faut un but et un projet à la vie sinon elle n’est rien ; l’hédonisme est sa propre fin.

    Bis presque repetita : une trentaine d’années après GensdelaLune et son hommage explicite au Révolte sur la Lune de Heinlein (ainsi que son clin d’œil au En terre étrangère du même), John Varley revient à la Lune avec BluespourIrontown. Vingt ans ont passé depuis la Grande Panne. Le C.C. a été mis sous contrôle et la société lunaire, passé le traumatisme, s’est reconstruite. Guère différente de ce qu’elle était. Christopher Bach y est un détective privé, plus par loisir que par nécessité. Il travaille de concert avec un Saint-Hubert GM baptisé Sherlock. L’animal — qui ne parle pas — est doté d’une intelligence raisonnable, de discrètes capacités de hacking, d’un caractère loyal et courageux qui en font le compagnon idéal d’un détective guère compétent ou entreprenant. De fait, l’histoire, racontée tant par Chris que par Sherlock en version traduite, mettra en évidence autant les limites du premier que les apports décisifs du second.

    Le roman s’ouvre alors que Chris se voit proposé une affaire dans la plus pure tradition du roman noir. Une femme belle et mystérieuse lui demande de retrouver celui qui lui a transmis une maladie incurable. Pour ce faire, il faudra aller à Irontown — une zone de non-droit aux marges de la ville dans laquelle vivent, outre divers criminels et squatters, les derniers Heinleinistes recensés —, un lieu qui rappelle de si mauvais souvenirs à Chris qu’il n’a guère envie d’y retourner. Car Chris a fait partie de la vague d’assaut qui s’engouffra dans Heinleinville lors des événements de la Grande Panne, qu’il y assista à de nombreuses atrocités, et faillit y mourir.

    Une enquête pleine de faux-semblants — et de procrastination de sa part — l’amènera à retrouver Gretel, la petite fille qui l’avait sauvé à l’époque, devenue depuis — logiquement, vu son ascendance — l’une des leaders heinleinistes. Elle lui révélera que, loin d’avoir disparu, la menace d’alors reste d’actualité, et, ce qui est plus ennuyeux, qu’il se trouve aujourd’hui sur une liste noire de gens à éliminer car ils en ont trop vu. Chris devra lutter pour sauver sa vie et, parallèlement, se donner enfin un but véritable qui est aussi une porte de sortie.

    Très drôle en raison notamment des longues interventions verbales de Sherlock, Blues pour Irontown fait régulièrement référence à son prédécesseur dont il explique d’ailleurs les tenants et aboutissants pour les lecteurs qui ne l’auraient pas lu — cela, sans donner l’impression de radoter. Si Gens de la Lune était agréable à lire par le foisonnement des idées et la profusion des détails que Varley y avait placé, c’est l’humour et le rythme qui font la force du plus bref Blues pourIrontown, sans oublier le plaisir de lire enfin un compte-rendu détaillé des événements qui secouèrent Heinleinville, un récit bien plus précis que celui qu’en fit une Hildy Johnson qui n’avait pas alors le même angle de vision et dont l’objectif premier était de protéger ses sources. Mais les deux récits sont intimement liés, le sort du chien Winston ou les interactions de Chris et d’Hildy durant les faits le montrent suffisamment. C’est donc à une relecture des événements que Varley convie le lecteur, ainsi qu’à une intranquillité salutaire qui nous parle ici et maintenant.

    On notera avec intérêt que ce contre quoi nous met en garde Varley se trouvait déjà sous la plume de Tocqueville dans son ouvrage Démocratie comme despotisme. On a les tyrans qu’on mérite.

Éric JENTILE
Première parution : 1/7/2019 dans Bifrost 95
Mise en ligne le : 3/11/2023


     La publication d'un livre de John Varley est toujours une très bonne nouvelle. En tout cas, pour les adeptes du style foncièrement facétieux et satirique de l'auteur états-unien. Gens de la Lune ne déroge pas à la coutume. John Varley y fait montre de son habituel sens de l'absurde et de la démesure. Les formules croustillantes pullulent et les situations cocasses succèdent aux péripéties extravagantes. Enfin, on y change toujours de sexe comme de chemise, pour reprendre la formule consacrée.

     Après une telle entrée en matière, on comprend aisément que résumer l'intrigue de ce roman serait forcément réducteur. De toute façon — ce qui n'arrange rien à l'affaire — , celle-ci alterne rebonds et phases plus introspectives dans un désordre qui n'est qu'apparent. De même, les ellipses narratives succèdent à des retours en arrière, évoquant en cela un processus de remémoration avec tout ce qu'il comporte de remord et de non dit. Un bémol cependant : les digressions trop bavardes abondent au point de faire apparaître l'histoire comme un élément secondaire dans un roman à la tonalité finalement très intimiste. Bref, il n'est pas évident de résumer Gens de la Lune sans lui faire perdre quelque peu de sa saveur, mais essayons tout de même.

     Nous avons découvert l'univers des huit mondes avec Le Canal Ophite (critique in Bifrost 36), un premier roman regorgeant d'idées géniales mais dont la maîtrise demeurait encore fluctuante. Nous y replongeons, non sans plaisir, avec Gens de la Lune qui, de surcroît, s'affiche ouvertement comme un hommage à Robert A. Heinlein et à une de ses œuvres majeures : Révolte sur la Lune. Un hommage rendu, fort heureusement, sans flagornerie et sans nostalgie, et qui débouche sur une mise en abyme rien moins qu'astucieuse. Imaginez donc que dans un futur indéterminé, l'humanité a été mise à la porte de sa planète natale par des extraterrestres aussi mystérieux qu'invincibles. Les motifs de cette invasion demeurent indéchiffrables. On laisse entendre que les envahisseurs seraient venus à l'aide des cétacés en voie d'extinction. On dit aussi qu'ils ne se seraient peut-être pas aperçus de l'existence des hommes. La rumeur court, ambiguë et protéiforme, dans les huit mondes du système solaire où se sont réfugiés les survivants. Mais la rumeur est souvent trompeuse. Hildy Johnson est bien placé pour le savoir. En tant que journaliste vedette à Tétinfos, le premier bloc-mag de King City, il est régulièrement confronté à celle-ci. A l'occasion, il la dénonce mais, le plus souvent, il ne contribue qu'à l'amplifier. Très récemment, Hildy a perdu le goût de vivre. Son métier lui est apparu dérisoire. La faute à son patron Walter, un « naturel « qui l'exploite sans vergogne en l'envoyant couvrir le moindre embryon de scoop. A ce propos, le dernier « événement » en date lui a permis de divulguer le merveilleux procédé permettant d'atteindre le coït sans sexe. La faute aussi à Brenda, cette stagiaire qui le harcèle et lui rappelle indirectement que le temps passe, même si Hildy ne fait pas son âge ; cent ans au compteur aux dernières nouvelles. La faute également à sa mère, cette garce qui vit recluse dans le ranch où elle élève des brontosaures pour la boucherie. La faute enfin à cette chienne de vie qui semble désespérément dépourvue de sens depuis que les affaires des hommes sont entre les mains du Calculateur Central (C. C. pour les amis), le superordinateur en charge du bien être de la population de Luna. Bref, tout fout le camp et ce n'est pas l'édification, « à la dure », d'une cabane dans une simulation du Texas se voulant authentique qui va lui occuper suffisamment l'esprit pour lui faire oublier ses tendances suicidaires.

     Comme nous le voyons, sous des apparences légères, le propos de Gens de la Lune se teinte d'une certaine gravité et aborde des questions de nature plus existentielle. L'univers de Luna se révèle être un patchwork de doux dingues qui hésitent entre le désespoir et la réclusion dans leurs marottes utopiques. L'humour est bien sûr très présent. Au passage, la palme de la drôlerie est accordée, sans contestation possible, à l'épisode mettant en scène David Terre, le dirigeant des Terristes, une obédience écologiste pour le moins extrême dans son choix de vie. Cependant, c'est un humour aigre-doux, comme l'ultime politesse rendue à un convalescent grimaçant.

     Gens de la Lune est donc un roman plus sérieux qu'il en a l'air. Ce n'est sans doute pas encore le chef-d'œuvre de l'auteur, mais on sent qu'il n'est pas loin de l'être. Depuis, les promesses esquissées ont été amplement exaucées avec The Golden Globe (Le Système Valentine — critique in Bifrost 33), la grande réussite de John Varley. Assurément, une expérience à tenter.

Laurent LELEU
Première parution : 1/1/2009 dans Bifrost 53
Mise en ligne le : 28/9/2010

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présences (1995)

     Né en 1944, John Varley écrit son premier roman au début des années soixante-dix : une histoire d'invasion de la Terre par des extra-terrestres venus secourir les mammifères marins. Au terme d'une lutte inégale de trois jours, l'humanité est entièrement anéantie. Entièrement ? Pas vraiment, puisque survivent quelques colonies humaines sur la Lune, Mars, les satellites de Jupiter ou dans des stations orbitales. Curieusement, une fois les dauphins débarrassés des humains, les ET s'installent paisiblement sur notre planète, empêchant le retour des survivants mais les laissant en paix dans l'espace.
     Bien entendu, tous les éditeurs refusent ce roman au scénario particulièrement indigent. Varley décide pourtant de conserver sa thématique de départ : une Terre occupée par un ennemi invincible, une humanité dispersée dans le système solaire et formant l'univers des « Huit Mondes ». Entre les deux parties : un statu quo. Et notre auteur, tel un nouveau Robert Heinlein complétant peu à peu son Histoire du Futur, se met à rédiger, au long des années soixante-dix, un roman et quelques nouvelles se situant dans cet univers personnel. Le premier, The Ophiuchi Hotline, paraît en 1977 (Le canal Ophite, Calmann-Lévy), les secondes constituent l'essentiel du gros recueil The Persistence of The Vision en 1978 (Persistance de la Vision et Dans le palais des rois martiens, Denoël). Le succès est considérable et international : une belle revanche pour un auteur rejeté par tous à ses débuts, qui devient en quelques années une des plus grandes stars de la « nouvelle » SF américaine.
     1992 : John Varley renoue avec son univers des Huits Mondes et publie un énorme roman, Steel Beach, aujourd'hui traduit aux éditions Denoël sous l'excellent titre Gens de la Lune. Par rapport à ses œuvres précédentes, l'auteur a remonté le temps : Steel Beach se situe à la veille du bicentenaire de l'invasion ; il a également resserré le cadre de l'action : même s'il est fait quelques allusions à Mars et autres mondes humains, tout se passe au sein de la colonie lunaire.
     Le personnage principal est un journaliste-vedette de Luna, Hildy Johnson, chargé, au départ du roman, d'écrire une série d'articles préparant le proche bicentenaire de l'Invasion. Avec le prétexte de mettre en parallèle la vie actuelle sur Luna et celle de la Terre à la fin du vingtième siècle, ce dans les domaines les plus variés, Hildy entraîne le lecteur dans une vaste enquête sur la société lunaire. Ce procédé convenu est rapidement abandonné — non sans avoir permis à l'auteur de dresser avec minutie un décor d'une grande complexité — au profit d'une série d'intrigues entremêlées, riches en rebondissements — mais aussi en quelques digressions parfois un peu longues et bavardes.
     Après un changement de sexe — quelque chose de banal sur les Huit Mondes — Hildy découvre une véritable société à l'intérieur de la société : celle des « Heinleinistes ». Ces parfaits libertariens vivent à l'écart de l'autorité centrale, en rébellion contre le colossal ordinateur qui préside aux destinées de la population de Luna. Ils ont développé une technologie d'avant-garde (dont un champ de force se comportant dans le vide comme un scaphandre immatériel) et leur plus grand rêve est de construire un colossal vaisseau spatial qui les emmènera vers les étoiles, loin de l'univers étriqué des Huits Mondes.
     On l'aura compris : Gens de la Lune, s'il marque sans conteste le retour de Varley à l'univers construit à ses débuts, est avant tout un brillant hommage à l'écrivain le plus influent de toute l'histoire de la Science-Fiction : Robert Heinlein. On peut même y voir, dans une assez large mesure (les rapports entre Hildy et l'ordinateur géant, le final explosif, les nombreuses considérations sexuelles...) une sorte de remake de Révolte sur la Lune, un des livres phares de l'écrivain-philosophe.
     Avec ce corollaire qu'une fois de plus, la Science-Fiction joue avec sa propre histoire, et met consciemment en scène ses références internes. A ce titre, Gens de la Lune est autant un remarquable roman de SF qu'un brillant jeu sur la SF : Varley à son tour vient de basculer dans la post-modernité. Nous ne nous en plaindrons pas.
     Intéressant à plus d'un titre, ce gros pavé rappelle et précise un peu les événements ayant conduit à la formation des Huit Mondes ; on y trouve les premiers pas de technologies utilisées à foison dans les récits se situant dans le futur -en particulier l'immortalité par l'usage des clones dans Le canal Ophite ; et surtout on redécouvre un auteur qui s'était un peu éloigné du genre et dont on commençait à se demander s'il allait un jour être capable de faire au moins « aussi bien » qu'à ses débuts.
     Le seul reproche sérieux que l'on puisse faire à ce livre concerne sa traduction, littéralement truffée de « Notes du Traducteur » lourdement didactiques, parfois chauvines, presque toujours d'une rare prétention. Nous aimerions que Jean Bonnefoy se contente de mettre son talent de traducteur (qui n'est pas contesté) au service de l'œuvre originale, et qu'il cesse de jouer au professeur donnant des leçons d'histoire aux auteurs ou en se sentant obligé d'éduquer les masses imbéciles pour lesquelles il paraît prendre ses lecteurs.
     Mais pour conclure dans la bonne tonalité, je n'aurai qu'un conseil à donner : achetez et lisez ce livre ! C'est un des deux ou trois meilleurs de l'année.

Francis VALÉRY
Première parution : 1/1/1995
dans Cyberdreams 1
Mise en ligne le : 13/9/2003

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