Les hommes ont disparu depuis si longtemps de la surface de la Terre que la civilisation canine, qui les a remplacés, peine à se les rappeler. Ont-ils véritablement existé ou ne sont-ils qu'une invention des conteurs, une belle histoire que les chiens se racontent à la veillée pour chasser les ténèbres qui menacent d'engloutir leur propre culture ?
Fable moderne, portrait doux-amer d'une humanité à la dérive, Demain les chiens est devenu un classique de la littérature. Il est ici publié dans une nouvelle traduction, avec l'épilogue ajouté ultérieurement par l'auteur et une postface de Robert Silverberg.
Bien qu'il s'agisse de son plus célèbre livre, Clifford Donald Simak (1904 — 1988) n'est pas l'auteur du seul Demain les chiens, mais d'une cinquantaine de romans et de recueils de nouvelles, certains récompensés par les plus prestigieux prix internationaux. Fermement attaché aux valeurs de la terre, il a tout au long de sa vie défendu une science-fiction humaniste et bucolique.
Si vous êtes un amateur exigeant d’anticipation scientifique, ne manquez pas de lire « Demain, les chiens » (City), de Clifford D. Simak (Club Français du Livre), que nous ne sommes pas loin de considérer comme le meilleur ouvrage de S.-F. publié en France depuis que le genre y a été réintroduit après la guerre. C’est une série de huit contes, d’ailleurs reliés entre eux et racontant sur une période de 10.000 ans l’histoire de la famille Webster. Nous assistons à la disparition de la cité (d’où le titre américain), puis à celle de l’humanité, enfin à l’avènement de l’ère des chiens et des robots… Fresque puissante, bouleversante par moments (le quatrième conte : « Les Déserteurs », ou encore le dernier : « Un moyen bien simple »), d’une imagination illimitée, d’une richesse philosophique étonnante, c’est un authentique chef-d’œuvre que, pour notre part, nous avons relu de nombreuses fois en l’espace de deux mois. À côté de « Demain, les chiens », les autres ouvrages d’A. S. parus depuis le dernier numéro de « Fiction » semblent ternes. Il y en a pourtant d’excellents parmi eux.
« L’Enfant de la science » (Beyond This Horizon), de Robert Heinlein (Rayon Fantastique-Gallimard), est un roman où la fantaisie le dispute à l’humour. En un temps où l’humanité quasi entière est heureuse – elle ne peut faire autrement, on l’y oblige – un homme sent la révolte sourdre en lui : Hamilton Félix. La cause de ses soucis ? On veut l’obliger à avoir des enfants. Or Félix estime que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Se révolter ? Difficile. Le côté « mœurs futures » – mélange de politesse en usage aux États-Unis vers les années 1860 et d’utilisation courante du pistolet atomique – est fort pittoresque. Mais la fin laisse le lecteur sur une impression d’inachevé. Tel quel, néanmoins, le roman est à lire.
Dans la même collection, « Germes devie » (Seeds of Life), de John Taine, débute comme un ouvrage fantastique classique, mais se termine sur un chapitre grandguignolesque à l’issue duquel on pousse un sincère soupir de soulagement. C’est l’histoire d’un savant raté, Neils Bork, qui, à la suite d’un sabotage dont il est l’auteur, se voit transformé physiquement et moralement en un individu brillant, en avance de plusieurs siècles sur les générations actuelles. La thèse soutenue par John Taine est : peut-on envisager la possibilité d’une évolution à rebours, d’un retour à la préhistoire, et ceci non pas progressivement, mais en très peu de temps ? Thèse curieuse, comme on le voit, habilement développée et bien narrée.
Au Fleuve Noir, le nouveau roman de Jimmy Guieu : « La Dimension X », nous emmène au Thibet où une expédition scientifique connaît une série d’avatars pour échouer finalement dans une dimension inconnue et, à l’aide des habitants de celle-ci, délivrer la Terre d’un immense danger qui la menace. Plus qu’un ouvrage d’A. S., c’est un roman d’aventures fantastiques, tour à tour suspense et espionnage, mystérieux à souhait, jamais ennuyeux.
Chez le même éditeur, « Agonie des civilisés », de Jean-Gaston Vandel, a pour héros les membres d’une expédition dans le Temps qui, pour des raisons scientifiques, décident de ne retourner sur la Terre que dix mille ans (terrestres) après leur départ. Ils trouvent, inutile de le dire, notre globe fort différent, gouverné par une caste d’êtres « supérieurs » dont le premier geste est de réduire les nouveaux venus en esclavage. Il en résulte une guerre civile ( ?) dans laquelle nos voyageurs ont pour alliés leurs descendants devenus parias. C’est fort bien raconté, plein de mouvement, écrit dans un style simple, mais agréable. Bref, un bon ouvrage de la série « Anticipation ».
Également au Fleuve Noir, « Le Martien vengeur » (The Avenging Martian), de Vargo Statten, commence par un conflit entre Mars et Vénus à une époque où, sur Terre, l’humanité n’a pas encore inventé la roue (et bien d’autres choses encore). Un seul couple s’échappe de Mars dévasté et atterrit sur notre globe ; l’homme a pour mission de venger son peuple assassiné. La seconde partie se déroule de nos jours et le descendant du Martien tiendra la promesse faite il y a des siècles. L’auteur a bien développé son sujet, encore que la fin soit quelque peu mélodramatique. L’histoire est néanmoins plausible et, sans être un chef-d’œuvre, le roman est intéressant.
« L’Attaque des Vénusiens », de G. Brainin et H. Keller (Sciences Anticipation – Le Trotteur), est un ouvrage curieux. Plus métaphysique que fantastique, il est bourré de qualités et de défauts. Côté actif, une imagination puissante, une variété impressionnante de détails, un mouvement qui rappelle un perpetuum mobile. Côté passif, une histoire plutôt décousue, pas mal de banalités et un style quelconque. On a parfois l’impression que les auteurs ont cherché à condenser en un seul roman la matière de plusieurs. Mais, ne fût-ce qu’en raison des passages les plus intéressants – et il y en a ! – nous n’osons prononcer de verdict net. Le mieux est que vous preniez personnellement connaissance de ce livre à la fois irritant et attachant.
Si enfin, un jour, vous n’avez pas plus de 15 francs à mettre dans l’A. S., « La Course aux étoiles », de L. Massiéra, pourra faire votre affaire. Petit opuscule de 32 pages, celui-ci nous narre les aventures de trois, appareils interplanétaires engagés dans une course mi-sportive mi-scientifique. Pas de problèmes philosophiques ici, rien que de l’aventure. Pourquoi pas, après tout ?
Igor B. MASLOWSKI Première parution : 1/2/1954 Fiction 3 Mise en ligne le : 21/2/2025