Voici enfin, après deux ans d'attente, Superfuturs, l'anthologie de la jeune, très jeune SF française, puisque l'objectif de Philippe Curval (et d'Elisabeth Gille, directrice de collection) était de donner leur chance à de jeunes auteurs débutants n'ayant, dans la majorité des cas, jamais publié. Et ce alors que se fait sentir un net mollissement de la SF française, la majorité des auteurs intéressants ayant opéré une reconversion aussi rapide qu'inattendue (Bruno Lecigne, Daniel Martinange, Patrice Duvic, René Durand...) ou ayant purement et simplement disparu (Dominique Douay, Henry-Luc Planchat, Jacques Boireau, Michel Lamart, Lionel Evrard, la liste est longue).
C'est dire l'importance de la chose, d'autant que Futurs au présent, qui partait du même principe, s'était bien vendue et avait permis à Jean-Pierre Vernay, Jean-Marc Ligny, Danielle Fernandez et plusieurs des auteurs précités de faire des débuts remarqués.
Bref, outre une préface où nous retrouvons l'humour sous-jacent, le bon sens et aussi la mauvaise foi à peine dissimulée de l'anthologiste, dix-neuf nouvelles nous sont proposées. Et dire que ça va du médiocre à l'excellent ne surprendra probablement personne.
Si on laisse de côté celles retenant à peine l'attention, reste douze nouvelles plaisantes que l'on pourrait répartir en toute subjectivité entre les genres suivants : SF d'aventure, SF « technologique », Conte philosophique et Spéculative-Fiction.
Pour ce qui est de la SF d'aventure, là aussi, personne ne sera surpris d'apprendre que c'est le courant le mieux représenté dans cette anthologie. A une époque où les romans ambitieux sont de moins en moins nombreux, disparaissant au profit de l'Heroic-Fantasy et du Space-Opera, quoi de plus normal ? Cela dit, nos jeunes auteurs, André Cabaret (connu pour avoir publié quelques nouvelles de Fantastique), Joël Couttausse, Michel de Pracontal (avec un texte hilarant) et, surtout, Patrick Leclère, s'en tirent plutôt bien et réussissent à nous tenir en haleine du début à la fin.
La SF technologique (une SF prenant en compte les avancées scientifiques, les progrès énormes effectués par l'informatique), quant à elle, n'est présente qu'à travers les nouvelles de Jean-Paul Couthier et Pierre Sahnoun. S'agirait-il là d'un début d'école, parallèle au courant Cyberpunk anglo-saxon, plus précisément américain ?
Plus étonnante est la présence ici de deux contes brillants, intimistes et touchants, « Complainte pour un garçon oublié » et « Farandole », que nous devons à deux jeunes débutants, respectivement Gérard Dupriez et Dominique Defert. Il va sans dire que nous espérons les revoir bientôt.
La principale inconnue concernait la Spéculative. Nous pouvions en effet nous demander, à la lecture du prière d'insérer annonçant le projet, si Curval sélectionnerait des nouvelles relevant du genre qui avait donné ses lettres de noblesse à la SF et avait contribué à sa reconnaissance. Lecteurs amateurs de nouveautés, amoureux de Littérature, passionnés d'Avant-garde, rassurez-vous, il y en a aussi pour vous ! Car le carré d'as du volume est composé de quatre réussites majeures : « L'anniversaire » de Colette Fayard (que l'on avait déjà vue dans Univers, Imagine et Démons & Merveilles), « Le visage trop net » de Guy Grudzien (connu, lui aussi, pour quelques nouvelles dans Fiction, Imagine et Proxima), « Futur C.V... No future » de Vincent Antoine (qui à dix-sept ans nous a fait une très forte impression) et « La maison de l'araignée » de Wildy Petoud (un nom qui fleure bon le pseudonyme), la meilleure du volume ; quatre textes valant à eux seuls l'achat de l'anthologie.
Superfuturs : une anthologie manquant quelque peu de folie, de temps à autre de tenue littéraire, mais de bon niveau si l'on considère que de manière générale les nouvelles des débutants sont le reflet de ce qui se fait plus largement dans l'édition, et en tout cas indispensable à quiconque désire se tenir au courant de l'évolution de la Science-Fiction d'expression française !