Lorsque Christophe Crockett La Cruz, également connu sous le nom de Petit Crâne, débarque sur la Terre en provenance de Circumluna, vaste satellite artificiel autour de la lune (économiquement autonome, habité par quelques savants russes et américains, de nombreux hippies, artistes et autres marginaux), il n'en croit pas ses yeux. Dieu, que le monde a changé depuis un siècle ! Après la guerre nucléaire, le Texas a enfin absorbé les Etats-Unis et, à l'exception des nations noires de Californie et de Floride, il s'étend du Guatemala à la Russie. Par les bienfaits d'une hormone de synthèse, les Texans atteignent la taille de deux mètres cinquante, ce qui leur permet de dominer définitivement les "bossus" : Mexicains, Indiens et autres pauvres blancs réduits en servitude. Arrivé à Dallas en touriste, voilà Christopher Crockett La Cruz emporté par la tourmente de l'histoire, sur une terre où rôdent les fantômes de Lyndon Johnson, Malcom X, David Crockett, et Adolf Hitler...
Christopher Crockett La Cruz n'est pas un milliardaire titanien, c'est un acteur « sacabon » (venant du Sac, ensemble de bulles de plastique accroché au satellite Circumluna, et où ont été relégués « hippies, beatnicks, étudiants ayant lâché leurs études, stilyagi, acteurs, écrivains, pachukos, jeunes apaches, bohémiens et autres rebelles... ») ; ce n'est pas un beau jeune homme mais une sorte de monstre, un « Maigre », transformé par une existence dans un milieu sans gravité, et qui doit porter un exosquelette pour survivre sur Terre ; il n'aborde pas notre planète dans l'apothéose technologique et capitaliste du XXIIIe siècle, mais en la République de l'Etoile Solitaire, autrement dit le Texas d'après la 3e guerre mondiale, un Texas dont les frontières vont de la Sibérie à l'Equateur et dont les habitants, qui vénèrent la mémoire de Lyndon (Jonhson) ont matérialisé l'importance qu'ils se donnent en se gavant d'une hormone de synthèse qui les transforme en géants (ainsi que leurs cheveux !) ; enfin, il ne fait pas une visite de courtoisie mais déclenche une révolution. Voilà tout ce qui, au départ et sur un sujet similaire, sépareTerre, planète impérialeet Un spectre hante le Texas,Clarke et Leiber. Et si l'on peut oublier le sérieux papale du premier, on n'oubliera pas la gouaille satirique du second. Bien sûr il nous noie sous un bavardage intarissable et des détails superflus qui empêchent sans doute cet excellent bouquin d'être un grand livre — mais quoi ! Ce sont les petits défauts de Leiber...