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Je suis une légende

Richard MATHESON

Titre original : I Am Legend, 1954
Première parution : New York, USA : Gold Medal Books, 1954   ISFDB
Traduction de Claude ELSEN
Illustration de Jean-Yves KERVÉVAN

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur précédent dans la collection n° 10 suivant dans la collection
Dépôt légal : mars 1998
Retirage
Roman, 194 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : 2-207-50010-1
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction

Autres éditions
   CAL (Culture, Arts, Loisir), 1973
   DENOËL, 1955, 1958, 1969, 1972, 1973, 1977, 1979, 1981, 1983, 1987, 1990, 1991, 1993, 1995, 1999
   in Légendes de la nuit, 2003
   FRANCE LOISIRS, 2004
   in Je suis une légende - Le jeune homme, la mort et le temps - L'homme qui rétrécit, 2013
   GALLIMARD, 2001, 2003, 2007, 2008, 2009, 2010
   in Par-delà la légende, 2014
   GALLIMARD, 2019

Quatrième de couverture
     Comme vous, il croyait que les vampires ne hantaient que les mythes de l'Europe centrale et la littérature d'épouvante. Comme vous, il se trompait. Il est aujourd'hui l'ultime survivant d'une étrange épidémie qui a fait subir à l'humanité une mutation irréversible : le virus qui contraint les hommes à se nourrir de sang les empêche aussi de mourir tout à fait et les oblige à fuir les rayons du soleil. Ainsi, chaque jour, Robert Neville doit organiser sa survie, et chaque nuit, subir les assauts des morts-vivants affamés. Mais l'horreur atteint son paroxysme lorsqu'il doit résister à l'appel suppliant de la femme qu'il aime... C'était Charlton Heston qui incarnait Le Survivant dans le film du même nom de Boris Sagal, sorti en 1971.

     L'auteur
     Richard Matheson, né en 1926, a d'emblée atteint la notoriété en 1950 avec son premier texte publié, Journal d'un monstre, qui devait être suivi de dizaines de nouvelles mémorables. Dans les années 60, il se tourne vers le roman policier, puis vers la télévision et le cinéma (on lui doit le scénario de nombreux épisodes de La Quatrième Dimension, l'adaptation des contes d'Edgar Poe portés à l'écran par Roger Corman et le scénario de Duel, le premier film de Steven Spielberg). Son dernier roman, A sept pas de minuit, est paru dans la collection « Présences » (Denoël) en 1995.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition GALLIMARD, Folio SF (2010)

     Robert Neville est le dernier homme sur Terre. C'est du moins ce que tout semble indiquer. Mais il n'est pas seul pour autant. Chaque nuit, ils se massent aux abords de sa maison. Et son voisin Ben Cortman est là, qui l'appelle : « Neville ! Viens, Neville ! » Mais Ben Cortman et ses semblables n'ont plus rien d'humain. Ce sont des vampires. Victimes d'une étrange épidémie qui a balayé la planète entière, ils n'ont absolument rien de surnaturel en dépit des apparences. Mais ce sont bien, pour Neville, des monstres, des prédateurs assoiffés de son sang. Sa femme elle-même n'est-elle pas sortie de sa tombe pour tenter de le tuer... ?

     Et Neville de se battre pour survivre. Le jour, quand les vampires sombrent dans leur étrange coma, il arpente la ville déserte, seul, bardé de croix et armé de pieux, quand il n'améliore pas les défenses de sa maison aux fenêtres barrées et surchargées de gousses d'ail. Neville tue pour survivre. Et il s'interroge ; il cherche à comprendre la raison de l'existence de ces vampires : d'où viennent-ils ? Comment l'épidémie s'est-elle propagée ? Pourquoi est-il immunisé ? Pourquoi cherchent-ils à boire le sang des humains ? Pourquoi ont-ils ces réactions face à l'ail et la croix ?

     Ainsi débute Je suis une légende, sans doute le plus célèbre roman de Richard Matheson avec L'Homme qui rétrécit. Célèbre pour ses qualités intrinsèques, mais aussi pour son abondante postérité, notamment cinématographique : Je suis une légende a été adapté trois fois pour le grand écran (avec beaucoup de libertés... pour ne pas parler de trahison pure et simple, notamment dans le dernier exemple en date) ; de plus, en « rationalisant » le vampirisme — une voie qu'emprunteront par la suite d'autres auteurs à leur manière, tels Theodore Sturgeon (Un peu de ton sang) et Dan Simmons (Les Fils des ténèbres), pour n'en citer que deux — , et en décrivant ce cadre post-apocalyptique (l'anticipation est à court terme...) d'une planète submergée par une épidémie transformant les humains en monstres, Richard Matheson a contribué à façonner le concept moderne du zombie (George A. Romero et John Russo n'ont jamais caché s'être inspirés essentiellement de ce roman pour créer La Nuit des morts-vivants). C'est dire l'importance de Je suis une légende, roman séminal comme on n'en lit que rarement.

     Mais, au-delà de cet héritage, Je suis une légende est avant tout un très grand roman d'horreur comme de science-fiction (davantage que de fantastique, justement du fait de la rationalisation du vampirisme — qu'on la juge convaincante ou pas). Et même, osons le terme, un chef-d'œuvre du genre, dont la lecture marque durablement.

     Dès les premières pages, où Matheson fait preuve d'un réel talent pour l'attaque en force, le lecteur est immédiatement accroché et s'identifie bien vite à Neville, le dernier homme sur Terre. Sa détresse est palpable à chaque page, au-delà des seuls impératifs de la lutte pour la survie. Car Neville est bel et bien humain, avec ses faiblesses. C'est un homme triste et reclus dans sa solitude autant qu'un combattant, un homme qui a perdu sa famille dans le drame, et que seul l'instinct de conservation semble encore rattacher à la vie. Ce qui, sans surprise, l'amène régulièrement à sombrer dans la dépression et l'alcoolisme... Mais le pire est probablement que Neville reste de temps à autre sensible à de futiles espoirs ; ainsi dans cette magnifique séquence, tout simplement déchirante, où Neville rencontre un chien errant et tente de s'en faire un compagnon...

     Car Neville est bien au centre de Je suis une légende, ainsi que ce titre magnifique, justifié par une conclusion bouleversante, le laisse déjà entendre. Et tandis qu'il s'interroge, avec méthode, sur la raison d'être et l'origine des vampires, le lecteur franchit une étape supplémentaire et questionne pour sa part l'homme, le sens de sa vie, sa place dans le monde. Et le court roman « de genre » de se transformer en subtile allégorie, riche en niveaux de lecture.

     Palpitant, Je suis une légende est un bref roman cauchemardesque que l'on dévore littéralement, en l'espace d'une nuit (bien sûr...). Les scènes marquantes pullulent, très visuelles pour certaines d'entre elles. Et l'on tremble et l'on souffre à maintes reprises pour ce héros malgré lui...

     Plus de cinquante ans après sa parution, Je suis une légende n'a pas pris une ride et reste un des sommets de la littérature vampirique. Un classique incontournable à la lecture indispensable.

Bertrand BONNET
Première parution : 1/10/2010
dans Bifrost 60
Mise en ligne le : 12/1/2013


Edition DENOËL, Présence du futur (1955)

    Donc, « Présence du Futur » et Denoël nous offrent « Je suis une légende » – et « Fiction » vient d’acquérir les droits de plusieurs nouvelles de Matheson dont on reparlera… Les amateurs sont gâtés ! La peu banale carrière de Matheson vous est relatée dans ce numéro, comme épilogue à ce coup de poing entre les yeux qu’est son premier conte. Je suppose que je n’aurais pas même besoin de parler de son roman pour que beaucoup d’entre vous, sur cette seule référence, l’achètent de confiance. Pour les autres, les saints Thomas, je veux bien essayer de dire pourquoi « Je suis une légende » est une si inoubliable chose, mais c’est peu facile. C’est que son pouvoir de choc est concentré dans son sujet et que celui-ci demande de préférence à être reçu d’un esprit-non préparé. Il faudrait même s’abstenir de lire la « prière d’insérer » sur la jaquette du volume. La force de cette œuvre est de frapper une case vierge de notre imagination par un thème qui ne ressemble strictement à rien de déjà vu. On vous aurait gâché le plaisir en vous relatant à l’avance le pourquoi et le comment de « Journal d’un monstre ». Tout autant je m’en voudrais de « raconter » « Je suis une légende » – et de donner l’explication de son admirable titre. Les deux cas se valent.

    Sachez cependant que Mr. Matheson, qui est un jeune homme extrêmement peu enclin à la douceur intellectuelle et aux gentils sentiments (voyez sa photo sur la jaquette de son roman « Les seins de glace », à la « Série Noire », et vous comprendrez), que Mr. Matheson, donc, a conçu, dans un repli sombre de son cerveau, un thème d’horreur inédit, à enterrer tous les autres thèmes d’horreur ; qu’il y a mêlé les implications sinistres d’un mythe fantastique traditionnel à des développements basés sur une idée scientifique éblouissante et neuve ; qu’il a réussi, ce faisant, le tour de force de renouveler complètement le mythe en question, en l’envisageant sous l’angle de la psycho-physiologie moderne ; que ce sujet a été prétexte pour lui à un livre-cauchemar – dont la puissance d’effets est obtenue par une simplicité de moyens et une sobriété de ton extraordinaire – et enfin que ce roman m’a fait l’effet d’une découverte, même après avoir lu une vingtaine de nouvelles de Matheson en anglais (ce qui supposait déjà une certaine dose de réactions admiratives).

    Techniquement, « Je suis une légende » présente une gageure : c’est un roman à un seul personnage (ou presque). Matheson a parfaitement maîtrisé la difficulté qui en ressortait et sa narration coule de source, sans aucune monotonie pour en ternir le cours. Son style, quant à lui, frappe au cœur de la cible et a la dureté d’arête du silex. Il sert de véhicule à des évocations épouvantables sans perdre une ombre de son objectivité glacée. On a là exactement l’antithèse de la manière d’un Lovecraft ; au lieu des descriptions exubérantes de celui-ci, Matheson procède par allusions sèches et coupantes, qui se gravent en vous comme au fer rouge. Soit dit en passant, ce parallèle Lovecraft-Matheson n’est pas sans parenté avec le parallèle Jean Ray-Thomas Owen.

    Ce livre est, à tous les sens du mot, un ouvrage noir. « Nocturne », « ténébreux », sont les épithètes qui lui conviennent. L’élément « nuit » est d’ailleurs inhérent à l’action. C’est la nuit, que s’en déroule la plus grande partie, c’est la nuit que le cortège des monstres s’ébranle. Les scènes de plein jour semblent en luire d’un éclat factice comme celui d’une lumière artificielle ; tout y est mort, immobile, absent. Revient le soir : les ombres se déchaînent, les cauchemars renaissent et sortent des pierres – tout rentre dans l’ordre, la terreur accoutumée, les sueurs froides, la longue guérilla entre l’homme seul barricadé et les êtres immondes.

    Attention : rien d’immatériel dans tout cela. Pas de spectres, pas d’agents surnaturels. Il n’y a pas de fantastique plus matérialiste que celui de « Je suis une légende ». L’œuvre tient solidement à la terre. On n’en admire que plus Matheson de parvenir à ce climat d’irréalité si foncièrement dépaysant.

    Bien des auteurs avant lui avaient décrit le monde mort d’après une guerre future (puisque tel est le cadre de cet ouvrage qui feint de se rattacher à la « science-fiction » pour mieux prouver ensuite sa liberté de formule). Mais aucun – jamais – n’en avait donné une image à ce point insolite et hallucinante.

    Il me reste à louer l’étonnante idée du dénouement, qui éclaircit le titre. J’ai d’ailleurs vu peu de romans « boucler la boucle » en allant aussi loin dans l’effet psychologique et le retournement de situation ! En quelques lignes, Matheson suggère un éclairage nouveau, qui modifie radicalement l’optique précédemment imposée par lui. Toute l’intrigue qu’on a vu se dérouler apparaît brusquement comme l’envers d’une trame dont l’endroit vous serait seulement dévoilé in extremis, comme un négatif photographique dont le tirage positif révèle l’aspect inversé. C’est du grand art.

    Ai-je assez fait comprendre l’es raisons qu’on peut avoir, d’aimer cette œuvre ? Assez souligné son originalité et son intelligence ? Après un tel livre, il semble, en fait, qu’on puisse tout attendre du talent cruel de Richard Matheson… tout, sinon précisément de ne jamais prendre des couleurs aimables ! Voilà qui fournirait des armes à ce membre du Club Mystère-Fiction qui, dans une récente Tribune Libre de « Cellules Grises », accusait la littérature fantastique d’être « pessimiste, morbide et malsaine ». Mais que Matheson continue encore longtemps à nous pervertir l’imagination, c’est la grâce que je nous souhaite !

Alain DORÉMIEUX
Première parution : 1/12/1955
Fiction 25
Mise en ligne le : 7/4/2025

Prix obtenus
Bram Stoker, Prix spécial, 2012


Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Denoël : Catalogue analytique Denoël (liste)
Annick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)
Jacques Sadoul : Anthologie de la littérature de science-fiction (liste parue en 1981)
Albin Michel : La Bibliothèque idéale de SF (liste parue en 1988)
Jean-Bernard Oms : Top 100 Carnage Mondain (liste parue en 1989)
Lorris Murail : Les Maîtres de la science-fiction (liste parue en 1993)
Stan Barets : Le Science-Fictionnaire - 2 (liste parue en 1994)
Denis Guiot, Stéphane Nicot & Alain Laurie : Dictionnaire de la science-fiction (liste parue en 1998)
Association Infini : Infini (1 - liste primaire) (liste parue en 1998)
Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000)
Jean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Science-fiction (liste parue en 2002)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Last Man on Earth (The) , 1964, Ubaldo Ragona & Sidney Salkow
Soy leyenda , 1967, Mario Gómez Martín
Le Survivant , 1971, Boris Sagal
I Am Omega , 2007, Griff Furst
Je suis une légende , 2007, Francis Lawrence

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