Enfermé dans une cabane en plein désert, Luke Deveraux, auteur de science-fiction en mal d'invention, invoque désespérément sa muse — visiblement retenue ailleurs. Quand soudain... on frappe à la porte : un petit homme vert, goguenard, l'apostrophe d'un désinvolte « Salut Toto ! ».
Non, ce n'est pas un Martien égaré sur la Terre : c'est un milliard d'entre eux qui l'ont envahie ! Et tous hâbleurs, exaspérants, mal embouchés, d'une familiarité répugnante, révélant tous les secrets, clamant partout la vérité.
Mais que peut-il advenir si tout mensonge s'avère impossible ?
L'humanité entière, unie dans sa misère commune, s'écrie d'une seule voix : « Comment s'en débarrasser ? »
Fredric Brown (1906-1972) a exercé à peu près tous les métiers avant de débuter dans la littérature par des romans policiers. Mais c'est une satire de la science-fiction, L'Univers en folie, qui a fait sa célébrité.
Ses nouvelles, très nombreuses, et tout aussi côtée que ses romans, sont de petits bijoux d'humour et d'invention qui la placent parmi les auteurs-cultes de la S.-F. américaine.
Voici un petit roman de SF parodique qui connaît la bonne fortune, depuis sa première parution en français en 1957, d'être souvent réédité, aux côtés d'éternels chefs d'oeuvre ( ?) comme Dune ou Le Seigneur des Anneaux. Rares, pourtant, sont ces romans que le temps n'oublie pas au milieu des nouveaux ouvrages des littératures de l'Imaginaire, et plus rares encore, ceux de SF humoristique. Celui-ci doit son immortalité au fait qu'il est de ces romans (encore plus rares) qui, d'une manière ou d'une autre, s'actualisent ou restent actuels.
L'histoire, c'est l'invasion de la terre par les extraterrestres. On en connaît des tas. Trop. Et Fredric Brown fut de ceux qui ont vu à quel point ce thème se prêtait à la parodie. À son époque déjà, des créatures aussi immondes que cruelles envahissaient les écrans et les librairies. Ces histoires se sont toujours vendues, car elles font appel à la peur de l'Etranger et au goût du public pour les sensations fortes. Pour tourner le sujet en ridicule, Brown s'appuie sur le fait que la SF « avait toujours évité le plus banal des clichés... (...) Les Martiens étaient vraiment des petits hommes verts » !
Son invasion atypique, non contente de tourner nos émotions en dérision, nous présente ses Martiens en petits gnomes rigolards et irrespectueux, sans cesse à la recherche de nos défauts, de nos secrets, de nos hontes. Et Brown s'en donne à cœur joie lorsqu'on faisant parler ses agaçants petits personnages, il pulvérise lui-même nos défenses et nos pudeurs, sans jamais se départir de son humour bon enfant.
Fredric Brown mène son roman sur un rythme soutenu, dans une tradition assez proche de celle de Wul ou Spitz. On ne s'étonnera plus, dès lors, que la France l'ait toujours gardé sur ses étagères. Son expérience du polar lui permet de conclure sur un final parfaitement minuté, dont l'effet est malheureusement gâché par l'épilogue. On pourra regretter que le roman ait un peu vieilli, sur certains aspects géopolitiques ou technologiques, mais le lecteur peut très facilement actualiser la forme de cette histoire aussi loufoque que caustique.
En bref, Martiens, Go Home ! s'adresse à tous les amateurs de SF qui ne peuvent supporter de voir leur genre favori être livré à de plus en plus nombreux Alien ou Indépendance Day surgis tout droit d'Hollywood.
Xavier NOŸ Première parution : 1/12/2000 dans Galaxies 19 Mise en ligne le : 1/3/2002