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La Machine à explorer l'espace

Christopher PRIEST

Titre original : The Space Machine, 1976
Première parution : Faber and Faber, mars 1976   ISFDB
Traduction de France-Marie WATKINS
Illustration de Bastien LECOUFFE-DEHARME

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 69 suivant dans la collection
Date de parution : 5 mars 2015
Dépôt légal : février 2015
Roman, 448 pages, catégorie / prix : F10
ISBN : 978-2-07-046428-9
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     1893. Victoria règne sur un empire aux dimensions du monde. Le jeune Edward Turnbull, représentant de commerce débutant, fait par hasard la connaissance de la douce Amelia Fitzgibbon. Celle-ci se révèle être l'assistante de Sir William Reynolds, inventeur aussi génial que versatile. Ainsi, à peine celui-ci a-t-il commencé à travailler sur un appareil volant plus lourd que l'air qu'il abandonne ce projet pour un autre encore plus fou : construire une machine à explorer le temps. Devant l'incrédulité d'Edward, Amelia lui propose d'essayer cette merveille. Mais rien ne va se passer comme prévu et les deux jeunes gens vont se retrouver propulsés dans une aventure interplanétaire hors du commun.

     Roman steampunk avant l'heure, annonçant Les voies d'Anubis de Tim Powers, La Machine à explorer l'Espace rend un hommage brillant et délicieusement irrévérencieux aux chefs-d'œuvre de H. G. Wells.

     Considéré comme l'un des écrivains les plus originaux de la littérature anglo-saxonne, Christopher Priest a écrit quelques-uns des textes majeurs de l'imaginaire contemporain : Le monde inverti, La séparation ou encore La fontaine pétrifiante. Son chef-d'œuvre, Le prestige, a été adapté au cinéma par Christopher Nolan.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition GALLIMARD, Folio SF (2001)

     Comme son titre l'indique, ce roman de Christopher Priest, initialement paru en 1976, est un hommage à l'œuvre de H.G. Wells. Priest revisite ici les romans du grand maître, et plus particulièrement La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes. Reprenant le style et l'esprit de l'époque victorienne (ce qui fait de La Machine à explorer l'Espace un roman steampunk avant l'invention du terme), Priest démontre une fois encore que son talent possède bien des facettes.
     Tout commence par le coup de foudre — car le livre est aussi une histoire d'amour — d'Edward Turnbull, un représentant de commerce inventif, pour une de ses collègues. Seule femme à exercer sa profession, Amelia Fitzgibbon est également la protégée d'un savant excentrique en avance sur son siècle, qui tente de mettre au point les inventions les plus folles. À la suite d'une fausse manœuvre, Edward et Amelia se retrouvent bloqués sur Mars. Ayant perdu l'espoir de revenir un jour sur Terre, ils tentent de s'adapter à la société martienne...
     Priest promène avec humour ses deux héros dans de multiples situations périlleuses, sans qu'ils en oublient pour autant leur légendaire flegme britannique. Outre la dimension d'hommage à Wells (qui est un personnage du roman), qui rappellera bien des souvenirs au lecteur, La Machine à explorer l'Espace est aussi un roman prenant et bien construit. Hybride intemporel, à cheval entre le XIXe et le XXe siècle, il donne certes envie de se replonger dans les œuvres de Wells, mais montre aussi une certaine érudition et une facilité de plume qui incitent à découvrir les univers plus personnels de Christopher Priest.

Marie-Laure VAUGE
Première parution : 1/12/2001
dans Galaxies 23
Mise en ligne le : 1/9/2003


Edition J'AI LU, Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) (1999)

     Dans la très victorienne et très puritaine Angleterre de la fin du 19ème siècle, un jeune représentant de commerce, Edward, britannique jusqu'au bout des ongles, se lie d'amitié avec Amélia, la non moins victorienne assistante d'un savant génial, Sir William Reynolds. Ce savant, entre autres merveilles, a inventé une machine à voyager dans le temps et dans l'espace. Par un malheureux incident, cette machine envoie nos deux tourtereaux dans un monde étrange, un monde qui va rapidement s'avérer être la planète Mars. Les deux naufragés l'explorent, et découvrent la civilisation martienne, sa technologie, son organisation sociale. En effet, Mars est peuplée de créatures humanoïdes, que dominent des martiens monstrueux et tentaculeux à souhait, et à côtés desquels Jabba The Hutt est un Adonis digne de figurer parmi les chanteurs de To Be Three. Or, ces monstres se préparent à envahir la Terre, à l'aide de machines de guerre tripodes munies de « rayons de chaleur », et en traversant l'espace à bord de vastes cylindres expulsés par de gigantesques canons.

     À ce niveau du récit, on a bien sûr compris que Christopher Priest a situé La machine à explorer l'espace dans l'univers de La guerre des mondes. Ainsi, on retrouve nombre d'éléments du classique de H. G. Wells : la physiologie des martiens, leurs véhicules interplanétaires, les machines tripodes, les rayons de chaleur, les noms des villes anglaises attaquées, le vicaire fou, etc. (ce qui, soit dit en passant, gâche un peu le suspens, puisque le lecteur du roman de Wells devinera aisément le dénouement). Mais là où Wells était resté sur la Terre pour raconter la guerre qui s'y déroule, Priest, lui, nous emmène auparavant sur Mars pour nous montrer la préparation de l'invasion, et pour développer des aspects ignorés par Wells, tels que la civilisation martienne, ou bien le détail du pilotage des vaisseaux-cylindres.

     La machine à explorer l'espace aurait pu n'être qu'une « prequel » de La guerre des mondes, ce qui déjà n'aurait pas été si mal. Mais ce roman est beaucoup plus fou, car il n'a de cesse de jouer avec l'œuvre de Wells et de multiplier les clins d'œil. Parfois de façon anecdotique, en faisant allusion à Les premiers hommes dans la Lune lorsque l'un des personnages affirme : « Quand nous aurons maîtrisé la gravité, nous irons sur la Lune aussi facilement que nous allons aujourd'hui à Birmingham ». Et de façon plus évidente par l'utilisation de la machine à explorer le temps, qui joue un rôle fondamental au début et à la fin du roman. Priest pousse le vice jusqu'à nous apprendre, au détour d'un paragraphe, que Sir William s'est rendu dans un futur très lointain, qu'il a vu « bon nombre de choses fort étranges », et qu'après être provisoirement revenu dans son époque pour raconter ses aventures, il est reparti définitivement. Ce qui n'est rien d'autre que la trame de La machine à explorer le temps !

     Non content de jouer avec l'œuvre de Wells, Christopher Priest a aussi imité la SF du début du siècle, avec ses clichés et les erreurs dues aux connaissances de l'époque : les canaux de Mars, le voyage dans « l'éther » de l'espace, les extraterrestres humanoïdes. Sans oublier l'inévitable savant génial dans son laboratoire privé, qui chante les louanges de la science triomphante et de l'esprit scientifique. La machine à explorer l'espace mérite bien son sous-titre de « Roman scientifique ». De plus, Priest a écrit La machine à explorer l'espace dans le style de Wells, en particulier celui de La guerre des mondes, c'est à dire une narration à la première personne et dans un style soutenu.

     Mais la cerise au dessus de ce savoureux gâteau, c'est quand Edward et Amélia, revenus sur Terre après bien des péripéties, rencontrent un certain Wells, écrivain de son état. Wells, qui a recueilli l'histoire de Sir Williams et va la publier ! Wells, encore, qui va écrire un ouvrage sur cette « guerre des mondes » dont il a été témoin. Wells aussi, qui, à l'instar du narrateur de La guerre des mondes, s'inquiète pour sa femme dont l'invasion l'a séparé.

     Christopher Priest multiplie les clins d'oeil, il s'amuse, et nous aussi. Et c'est ce double niveau de lecture qui donne toute sa dimension à ce qui ne serait sans cela qu'un agréable récit au charme un peu suranné. 1.

Notes :

1. Cette chronique est également parue dans le no 19 (juil. 2001) de Dragon & Microchips. [Note de nooSFere]

Philippe HEURTEL (site web)
Première parution : 1/4/1999
Clepsydre 1
Mise en ligne le : 22/10/2003


Edition J'AI LU, Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) (1977)


     Ni pastiche (hélas : car c'eût été plus drôle), ni exercice distancé (hélas : car c'eût été plus percutant), mais simple « à la manière de » Wells, pour La machine à explorer le temps (avec imprégnation du film de George Pal) et La guerre des mondes. Résultat : une entrée en matière plaisante (avec satire gentillette, puis rapidement lourdingue, des mœurs victoriennes) ; une morne partie centrale martienne où l'imagination reste pauvre ; une simple réécriture de certains épisodes de La guerre des mondes (qui n'arrive pas à la cheville de l'original) ; une rencontre des héros avec Wells en personne, mais qui en reste à la plus désolante banalité. Où est passé le Priest original et brillant du Monde inverti ? Ce roman n'est pas trop ennuyeux et on y sourit parfois, mais ça reste quand même un livre pour rien.
 

Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/1/1977
dans Fiction 276
Mise en ligne le : 6/12/2012


Edition J'AI LU, Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) (1977)

     À propos de Wells, J.L. Borgès écrit : « Dans la vaste et diverse bibliothèque qu’il nous a laissée, rien ne me séduit plus que l’histoire de quelques miracles atroces, comme The time machine, The island of Dr Moreau, The plattner story, The first men in the moon. Ce sont les premiers livres que j’ai lus ; ce seront peut-être les derniers que je lirai… »

     En 1976, Christopher Priest rejoint le projet de Wells, s’en empare, le personnifie, le met curieusement en abîme, l’exalte vers des hauteurs littéraires intenses (la prose de grand-père H.G. était tout de même assez plate) et le propulse soudain sur le chemin de la speculative-fiction avec un enthousiasme hors du commun. Pour l’heure, ce livre est son chef-d’œuvre. Toutefois, je tiens à dire qu’il ne me semble pas oblitérer le savant parcours du Monde inverti, si ingénieusement descriptif du projet de Priest, mais qui ne répondait encore qu’à lui-même et de façon parfois obscure, maladroite. Ce premier livre qui nous le fit connaître et dont la valeur est incontestable, avait pour défaut de n’être pas assez significatif – dès l’abord – pour un public encore naïvement extérieur à la scène où se déroulent enfin, au seuil d’une ère nouvelle, les noces métalliques de Jules Verne et Raymond Roussel… Priest me dirait qu’il n’en a cure. Et pourtant ! Il prouve lui-même avec ce livre, qu’il éprouve le plus grand intérêt pour la mise en place d’une dramaturgie nouvelle, qui use de la récurrence des thèmes (avec le décalage nécessaire) cille de la dérision des mythes-gadgets avec une infinie souplesse d’écriture et une ouverture totale au lecteur. Cette fois, en effet, le projet de Mr Priest apparaît dans toute sa splendeur et avec une évidence accrue, sans toutefois faire de concessions aux modes – je crois plutôt qu’il aiderait, mais tant pis, à en créer !

     De quoi s’agit-il ? Notre auteur s’empare, je l’ai dit, du matériau wellsien. Fasciné sans doute, comme son éminent collègue argentin, par la « fleur du futur cueillie dans le passé », Priest imagine une mise en scène quasi-vaudevillesque pour nouer (à tous les sens du terme) les intrigues de La machine à explorer le temps et La guerre des mondes. À partir de cela, il lance deux héros victoriens – truculents, distanciés et fougueusement dignes des récits d’anticipation de naguère – dans l’aventure martienne. Sans cesse ; Priest reste lui-même, évitant l’ornière de la reduplication comme une trop grande fraternisation avec les œuvres parallèles et complices de Spinrad (Le chaos final) ou Moorcock (Le seigneur des airs). Il colle étroitement à son projet qui est de nous confronter plus que jamais avec le vertige que suscite l’inadéquation profonde, liée à l’imperfection de nos pauvres structures mentales fossilisées, entre perception et réalité : réalité vécue et réel suggéré, amplifié par les fabuleux remous du rêve, the time-machine !

     Et que se passe-t-il ? Edward et Amélia, en 1893, vivent une fraction de leur futur (une femme brûle), sont projetés dans l’espace-temps martien, aident à l’émancipation des pauvres indigènes assujettis par les monstres grouillants et se retrouvent bientôt sur terre, toujours au même endroit, c’est-à-dire du côté de Chertsey et Shepperton, ce lieu que Wells et Ballard aiment tant, pour participer à la guerre des mondes. Cette fois, le mythe se fabrique et s’anéantit sous leurs yeux. Mieux : Mr Wells lui-même est mis en scène, instigateur du vertige dont je parlais plus haut, qui se trouve à présent retourné comme un doigt de gant, irréalisé encore davantage, puisque cette fois, les éléments romanesques du récit sont mis en avant en tant que tels, c’est-à-dire dépris de toute tentative de crédibilité aux yeux du lecteur, même moyen.

     À présent, en effet, Christopher Priest entend bien mettre en pleine lumière sa propre opinion sur tout cela. À mon sens, cet écrivain plein de talent se veut métaphysicien ; en tout cas, il parvient d’une façon malicieusement détournée à des fins qui ne sont pas étrangères à cette ambition. La dérision affectée qui entoure son propos, et qui à mon sens lui donne plus de poids que dans Le monde inverti, accroît la sensation de malaise qui s’empare de nous à la lecture de cette longue et passionnante parabole. L’espace et le temps : figurés de la façon la plus métaphorique (comme, par exemple, dans La mort et la boussole de Borgès ou Time out of joint de Philip Dick) ainsi que le désire l’auteur, ils deviennent les véritables acteurs du drame que joue cette fiction-à-rebours inaugurée par Priest avec l’aide involontaire de Wells. D’une manière décisive, le texte nous implique dans l’examen attentif – au fil d’anecdotes et de péripéties dont l’importance est toujours autre que celle benoîtement suggérée par celui-ci – de cette faille qui s’ouvre et ne peut se refermer, cette odieuse sensation d’irréalité qui se dégage de l’emploi des règles du jeu…

     De plus en plus, la jeune génération de romanciers – il importe à présent de ne plus leur coller systématiquement l’étiquette SF sur le dos – se préoccupe de mettre en cause la démarche même qui, par définition doit être la leur. Les contempleurs de ce Nouveau Roman tant décrié (encore une étiquette peu flatteuse et, à mon sens, ridicule !) qui ne fut que la première vague de cette prise de conscience collective, quand bien même de grands phares s’étaient allumés vers la fin du XIXe siècle, ces rétrogrades à courte vue sont tout simplement des lecteurs dénués d’intuition : c’est eux, je pense ; que la manière sournoise et fort efficace de Chris Priest devrait aider à déciller. C’est cette masse encore nombreuse de martiens grouillants dans leurs tripodes psychologiques, matelassés de cartésianisme et d’humanisme faisandé, que les travaux audacieux mais enrobés d’une matière habilement structurée « pour faire (encore) vrai » de la seconde vague qui déferle maintenant va pousser dans ses derniers retranchements, acculer définitivement au bord de l’abîme. Voyez Papa Wells, il ne s’en tire pas mal – il fraternise, se laisse faire gentiment. Mais n’est-ce pas un double androïde ? N’est-ce pas un simulacre d’auteur de SF ? Tout ce qui est écrit n’est-il pas déjà l’ultime recours aux fausses apparences de la réalité perçue, déjà soulevée et placée dans le second réceptacle de cette sublime entreprise-gigogne qu’est la littérature ?

François RIVIÈRE
Première parution : 1/2/1977
Fiction 277
Mise en ligne le : 13/8/2022

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Steampunk

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