Un trappeur demeuré de la région montagneuse des Catskill est interné en 1901 pour avoir sauvagement tué un homme. Ses visions sont d'une précision et d'une beauté telles qu'il faut bien croire qu'une âme exceptionnelle est prisonnière de ce corps grossier...
En 1923, un Américain revient s'installer dans le château de ses ancêtres, aux confins du pays de Galles. Mais l'horreur attachée à ce lieu est toujours vivante, cinquante mille ans après sa première apparition...
Présentés dans une traduction remise à jour, quatre nouvelles et un court roman par le plus inspiré des grands imaginatifs. Qu'il s'enfonce dans les méandres des malédictions ou qu'il renouvelle le récit policier, il faut se rendre à l'évidence : Lovecraft fait partie des rares « voyants » de la littérature.
L'auteur
H. P. Lovecraft, né en 1890 à Providence, où il passera toute son existence, a publié ses premiers récits à partir de 1922, mais uniquement dans les magazines dont le célèbre Weird Tales. Ce n'est qu'après sa mort (1937) que son œuvre a accédé à la notoriété, jusqu'à devenir l'objet d'un véritable culte.
1 - Par-delà le mur du sommeil (Beyond the Wall of Sleep, 1919), pages 7 à 24, nouvelle, trad. Simone LAMBLIN & Jacques PAPY 2 - Les Rats dans les murs (The Rats in the Walls, 1924), pages 25 à 54, nouvelle, trad. Isabelle EMIN & Simone LAMBLIN & Jacques PAPY 3 - Le Monstre sur le seuil (The Thing on the Doorstep, 1937), pages 55 à 94, nouvelle, trad. Simone LAMBLIN & Jacques PAPY 4 - Celui qui hantait les ténèbres (The Haunter of the Dark, 1936), pages 95 à 122, nouvelle, trad. Jacques PAPY 5 - L'Affaire Charles Dexter Ward (The Case of Charles Dexter Ward, 1941), pages 123 à 308, nouvelle, trad. Simone LAMBLIN & Jacques PAPY
Les vieux renards comme moi se demandent toujours — avec condescendance — comment de jeunes lecteurs peuvent, encore aujourd'hui, se plonger dans les écrits de Lovecraft, les apprécier et, ainsi, faire fructifier un fonds de commerce rentable pour les éditeurs du reclus de Providence. Fort de nos certitudes, nous avons tendance à croire que cette jeune génération d'amateurs est issue du jeu de rôles et que, finalement, ils n'ont que le manque de goût qu'ils méritent, ces jeunes incultes remuants. Mais lorsque nous devons nous-même relire les nouvelles de Lovecraft, celles qui ont enchanté notre pré-adolescence, nous faisons la fine bouche et imaginons à l'avance les heures d'ennui et d'irritation qui vont suivre. Nous nous trompons. Force est d'admettre que nous avions oublié le plaisir du frisson viscéral, l'intemporalité des récits et des personnages, l'agréable morsure de la terreur suggérée, l'intelligence et le sens du récit de l'écrivain américain. Relire Lovecraft, c'est découvrir à quel point nous sommes victimes de nos propres faux souvenirs, clichés et préjugés (nés des différentes biographies publiées et des légendes entourant l'auteur maudit).
Par-delà le mur du sommeil est un recueil de cinq nouvelles dont le plat de résistance — et quel plat ! — s'intitule L'Affaire Charles Dexter Ward, certainement l'un des plus longs et intenses récits du créateur de cette cosmogonie fascinante sur laquelle règne l'ombre de la créature la plus connue du mythe : Cthulhu. Ce court roman est un hommage à peine déguisé aux romans gothiques du XIXe siècle et surtout à Frankenstein de Mary Shelley. Ambiance et décors hors du temps, personnages d'une certaine modernité, tout dans cette novella en fait le condensé et le lexique incontournable du reste de l'œuvre de Lovecraft. Quant aux autres nouvelles, celle qui donne son titre au recueil démontre à quel point les rêves (ou plutôt les cauchemars !) sont le ferment de l'imaginaire de cet homme. Anecdotique certes, mais riche d'enseignement. Les Rats dans les murs est l'une des histoires les plus connues et reprises, un récit efficace et modèle (voire standard), tandis que Le Monstre sur le seuil et Celui qui hantait les ténèbres (nouvelle dédiée à — et mettant en scène — Robert Bloch) jouent dans le même registre glacé et glaçant, distillant la terreur à petites gouttes — et touches — , entrouvrant peu à peu les portes qui donnent sur les profondeurs terrifiantes de l'espace où se dissimulent les Grands Anciens.
Difficile de juger ce recueil d'un œil neuf et naïf, mais savourer Lovecraft après plusieurs années d'abstinence provoque les mêmes sensations étouffantes et les mêmes frayeurs irraisonnées. L'âge venant, l'on se découvre un appétit de gourmet et non plus de gourmand. Seule faute de goût, cette présentation de l'auteur en quatrième de couverture qui bat tous les records de bêtise : « [Lovecraft] est l'inventeur d'un genre inédit : le conte matérialiste d'épouvante, inscrit dans un cadre mythologique terrifiant car cohérent et scientifiquement plausible. » Un monument de n'importe quoi à la sauce commerciale qui ferait presque pleurer si le plaisir de (re)découvrir Lovecraft n'était pas aussi intense.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAnnick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)