Christian Grenier, auteur jeunesse
Recherche
   
     Ces pages ne seront plus mises à jour ( pour l'instant ...).
Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
20042005200720082009201020112012
AvrilMaiOctobreNovembreDecembre
 
 Novembre 2007 : Marcus Malte, une voix nouvelle 
     En juin dernier, la « revue des livres pour enfants » me demandait de livrer un papier sur un auteur jeunesse dont je souhaitais faire la promotion. Mon choix s'est porté sur Marcus Malte, dont le dernier ouvrage sorti, ( Garden of love ), un polar pour adultes, fait un tabac.
     Avec l'autorisation de la rédaction de la revue, je livre ici cet article dans son intégralité.

  Il va venir , Marcus Malte ( Syros , Souris noire )  
     Le jeune David, 15 ou 16 ans, vit dans un chalet de montagne isolé avec une vieille femme sensée l'avoir en charge. Mais depuis quelque temps, c'est l'inverse qui se produit : David doit gérer la maison parce que la mamie perd un peu la tête. Chaque matin, elle se poste à la fenêtre et murmure :
     — Il va venir...
     Il y a plus de trente ans que son fils, Bernard est parti. Il a dû mourir en Algérie mais sa mère refuse d'y croire et l'attend, obstinément.
     L'ado n'a qu'une hantise : qu'on découvre qu'elle devient folle, et qu'on le place ailleurs. Parce qu'il aime cette mamie comme si elle était sa vraie grand-mère.
     Pour meubler sa solitude, l'orphelin s'invente des histoires... Par exemple, celle dans laquelle il s'appelle Cobb, l'adversaire du dangereux « chasseur solitaire » qui rôde non loin de là avec un ou deux fusils à pompe.
     Un soir, on frappe à la porte ; un homme blessé s'écroule sur le seuil. Sûre qu'il s'agit de son fils, la vieille femme le recueille et le soigne. David, lui, n'est pas dupe. Pourquoi l'inconnu a-t-il emprunté le col fermé aux véhicules en hiver ? Quelle est cette blessure à la tête ? Et surtout, que contient ce sac dont l'homme ne se sépare jamais ?
     Dans ce thriller à trois personnages, David comprend que Cobb doit entrer en scène, car celui qu'ils ont recueilli ressemble au chasseur solitaire de son histoire imaginaire...

     Polar ? Sans doute, puisque l'épilogue, digne d'un film d'action, vient confirmer les soupçons de l'adolescent. Mais il s'agit avant tout d'un bref récit psychologique, où chacun des protagonistes adopte sa propre ligne de conduite avec entêtement, un roman court relaté à la première personne, dans un style oral sobre et clair, conforme à la personnalité un peu rude du jeune personnage central.
     Dans cette histoire linéaire à la trame simple, où l'intérêt du lecteur ne faiblit pas une seconde, c'est l'ambiance et le ton qui retiennent l'attention : ce huis clos en altitude, dans un chalet pris dans une tourmente hivernale, n'est pas sans rappeler certains récits d'Hubert Mingarelli. Marcus Malte semble toucher avec un égal bonheur le public adulte et les jeunes lecteurs. Des jeunes qui, à Neuilly — Plaisance comme à Montigny-lès-Cormeilles, ont décerné le « Prix du Polar » à Il va venir.


  De poussière et de sang , Marcus Malte ( Pocket Jeunesse )  
     Lors d'une expédition à l'intérieur de la région appelée « le ventre du diable », le fils du gouverneur d'un pays lointain est capturé par une bande de pillards. A leur tête, le redoutable « Bandit », qui prétend réclamer une rançon aux parents du jeune homme.
     Révolté par la rudesse et la sauvagerie de ces hors-la-loi, le jeune Mosquito ( il a été rebaptisé ainsi, on ne connaîtra jamais son nom d'origine ) tente de s'enfuir. Mais il tombe vite sous le charme de la jeune et belle Paloma. Peu à peu, il apprend à connaître ces hommes que la misère a forcés au brigandage.
     Un jour, les énigmatiques Krakore, les « hommes-caméléons », avertissent Bandit et sa bande du passage d'un convoi d'armes. Puis de l'approche d'une troupe de soldats chargée de venir récupérer le fils du gouverneur. Mais au moment où s'offre à lui l'occasion de s'enfuir, Mosquito choisit son camp : celui de Bandit — ou de Paloma ?
     Mais voilà : dans la bande, quelqu'un a trahi ! Qui ? Le Muet, Virgile, Miguel, Tuvio ? Le rude Artemio Xeres ? L'une des femmes : Rosa Rosa, devenue l'infirmière des malfrats, ou la « Baronne von Singer », une opulente Bavaroise qui a pris Mosquito sous son aile et le pousse à déclarer sa flamme à Paloma ?
     Bandit jure de démasquer le traître et d'ajouter sa dépouille à l'imposant « arbre aux pendus ». Bientôt, Mosquito apprend que la bande a tué ses parents lors de sa capture. Il n'a été épargné qu'à la demande de Paloma... faveur accordée par Bandit dont elle pourrait bien être la fille. Mosquito tente d'assassiner Bandit qui, loin de s'en offusquer, épargne le jeune homme et fait son éducation guerrière.
     Entre-temps, Mosquito apprend à lire et à écrire à Paloma qui lui enseigne en retour l'équitation.
     Si le coup de théâtre final surprend peu le lecteur, il lui laisse en mémoire un goût fort, amer et inoubliable : un goût d'amour impossible, mais aussi « de poussière et de sang ».

     Avec ce grand récit d'aventure qui se déroule dans ce « vaste territoire sans frontières », mal situé dans le temps, Marcus Malte renoue avec la littérature du XIXe siècle et offre un hommage indirect à Jack London et Fenimore Cooper. Avec ses diligences, ses Winchester, ses fortins, ce récit semble trouver place dans une sorte d'Amérique centrale vieille d'un siècle ; les Krakore eux-mêmes évoquent volontiers les Indiens.
     Ce qui frappe d'emblée est le style : ample, clair, fluide, volontiers poétique et lyrique, il emporte le lecteur comme une vague. Relaté à la première personne, le récit des souvenirs de Mosquito est un hymne d'amour à Paloma, première passion inoubliable — inséparable d'un climat de violence et d'injustice. C'est qu'il s'agit là d'un vrai récit initiatique : l'apprentissage de la vie en même temps qu'une parabole sur le bien et le mal.
     Mosquito passe peu à peu de l'horreur à la fascination. Prisonnier de Bandit, il devient celui de Paloma, puis complice de ces propres ravisseurs, dans une relation aussi forte qu'ambiguë.
     Marcus Malte n'hésite pas à flirter avec le fantastique : les énigmatiques Krakore semblent avoir le pouvoir de se transformer en objets ou en animaux... et lors d'une étrange incursion dans un village-fantôme autrefois occupé par des lépreux, Mosquito découvre un masque fascinant entouré de chandelles qui s'enflamment spontanément ! Clin d'œil ou nouvel hommage aux auteurs d'Amérique Centrale qui n'hésitent pas à pimenter d'irrationnel leurs récits épiques et réalistes !
     Il faut attendre l'épilogue pour comprendre que Mosquito évoque un lointain souvenir d'enfance : ses 118 ans font soudain jaillir dans l'esprit du lecteur les images du chef d'œuvre d'Arthur Penn : Little Big Man. Comme pour faire écho à certaines phrases de ce film ( « C'est un beau jour pour mourir » ), Marcus Malte propose d'autres sentences comme : « il n'y a pas de beaux combats, aussi désespérés soient-ils ». Car le récit de Malte est pimenté de réflexions édifiantes qui, loin d'alourdir le récit, lui confèrent une forte dimension humaine, aux antipodes du manichéisme. Ainsi, le nouveau gouverneur, « au lieu de mener combat contre les véritables ennemis du peuple, qui sont la pauvreté, la misère et l'injustice (...) préféra s'acharner contre ceux que ces fléaux mêmes engendraient ».
     On l'aura compris : le polar ou le récit d'aventure sont pour Marcus Malte le prétexte à mettre en fiction d'utiles réflexions sur le monde, la société, les hommes et ce qui les fait agir.

     Né en 1967, Marcus Malte se fraie depuis plus de dix ans une voie nouvelle dans la littérature, une voie forte et originale à l'image de son auteur : un homme discret, modeste mais qu'on devine fort et obstiné, à l'image de certains de ses personnages. Il y a quarante ans, mon vieil ami Pierre Pelot commençait à creuser un sillon opiniâtre et original avec ses romans épiques ( Les épaules du diable... et toute la série des Dylan Stark ). Marcus Malte marche sur ses traces — et ce n'est pas de ma part un mince compliment !
     Dans les salons du Livre, on croise souvent le sage et discret Marcus. Il n'est pas celui qui fait le plus de bruit mais il est le plus attentif. Dans les années à venir, il est peut-être celui qui pourrait causer le plus de surprises dans le petit monde de la littérature...


20042005200720082009201020112012
AvrilMaiOctobreNovembreDecembre

Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
Adresse postale : Christian Grenier, BP 7, 24130 Le Fleix