On ne présente plus Yak Rivais, auteur, enseignant, pédagogue, animateur d'ateliers d'écriture, vedette de l'Ecole des Loisirs et directeur de la ( future ) collection Archipoche Jeunesse ( Editions de l'Archipel ).

     D'emblée, Yak donne le ton en affirmant : Je pense qu'en dépit des travestissements possibles, Ovule est programmé(e) Ovule et Spermato, Spermato.

     Autrement dit, sous couvert de démocratie ou d'esprit d'ouverture, on a longtemps voulu gommer ou ignorer les différences des sexes dans les choix et les goûts. Une erreur dont on est en train de payer chèrement le prix !

     Car la société n'est pas innocente. A l'image des classes où, d'instinct dès le premier jour de classe, les garçons et les filles se séparent, le monde n'est pas aussi mixte et tolérant qu'on le souhaiterait. Sinon, il y aurait plus de dirigeantes à la tête des sociétés... et l'on ne serait pas obligé d'imposer ( en politique ) la parité !

     On le sait : boudés par les hommes, certains milieux sont devenus un territoire presque exclusivement féminin : l'enseignement, les emplois en bibliothèque ou plus généralement, les secteurs de la culture et de l'éducation.

     Or, Yak Rivais pose la question dangereuse mais ô combien pertinente : la féminisation de ces secteurs a-t-elle une influence sur l'éducation en général et sur la production et l'imaginaire des livres en particulier ?

     La réponse, évidemment, est oui !

     Yak Rivais attaque de front les causes de cette féminisation, en affirmant que l'enseignement est majoritairement devenu aujourd'hui un salaire d'appoint pour la bourgeoisie active. Avec des conséquences graves : «  social, santé, justice, etc. sont livrés aux femmes hypocritement puisqu'il s'agit d'enfants, sous couvert flatteur de compétences »

     Tout se passe comme si les classes dirigeantes avaient laissé aux femmes ce qui, dans notre culture du profit, semble secondaire — la culture et la lecture, par exemple. Or, affirme Yak, « en ne communiquant plus cette culture, celui qui la détient semble la garder pour lui-même »...

     D'autre part, les choix effectués par les directeurs ( ou plutôt les directrices ) littéraires vont dans le sens d'un lectorat presque exclusivement féminin, qu'il s'agisse de fiction ( heroic fantasy ) ou de récits réalistes, où les sentiments dominent et où l'intimisme règne.

     Exit le « roman spermato » qui « parle d'action, d'aventure, de social, de héros largué dans le monde ou dans la tourmente »...Jules Verne et Jack London sont loin — et, comme Yak, je m'en plains !

     Certes, rétorqueront les décideurs, mais pourquoi publier des ouvrages de ce genre puisque leurs lecteurs sont des garçons... et que les garçons hélas ne lisent plus !

     Et pour cause, puisqu'on leur propose prioritairement des récits choisis et plébiscités par des dames ! Autrement dit, on déplore la désaffection de la lecture par les garçons, mais on a souvent tout fait pour les en éloigner !

     L'essai provocateur (mais fort pertinent ! ) de Yak Rivais passe par de multiples analyses : celle des sexes des animaux des fables de La Fontaine... de la conclusion de l'Odyssée, ou du fort peu sexué Hercule Poirot, l'enquêteur préféré d'Agatha Christie, et même parfois par la psychanalyse !

     C'est à la fois passionnant, provocateur et drôle.

     Impossible de ne pas se poser mille questions, réagir, protester, réfléchir et se dire :

     — Euh... après tout, il se pourrait bien qu'il ait raison !

     Si vous êtes parent, enseignant, professeur de documentation ou bibliothécaire, lisez Ovule et Spermato ! Croyez-moi, il fait souffler un vent nouveau.

     Une dernière question ( que ne pose pas Yak Rivais ) qui découle sans doute de cette lecture : dans quelques jours, nous irons voter pour l'un des 577 députés ; et une moitié des candidats sera constituée de femmes ! Pourquoi cette parité devenue obligatoire en politique ne s'applique-t-elle pas au monde du livre... et à celui de l'éducation ?