Christian Grenier, auteur jeunesse
Recherche
   
     Ces pages ne seront plus mises à jour ( pour l'instant ...).
Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
20042005200720082009201020112012
JanvierMarsMaiSeptembreNovembre
 
 Novembre 2011 : Les lectures de novembre-décembre 

  La femme du Vème , Douglas Kennedy ( Pocket )  
     Quand l’Américain Harry Ricks atterrit à Paris, il a à peu près tout perdu : son emploi à l’université, sa femme, l’étudiante dont il avait fait sa maîtresse, et surtout l’estime de sa fille Mégane.
     Heureusement, il parle français et dispose de quelques milliers d’euros. Mais il se fait vite escroquer et doit quitter son hôtel minable pour essayer d’écrire le roman qui le rendra célèbre. Il trouve une sordide chambre de bonne dont le logeur est un voleur et son voisin de palier un individu sale et louche doublé d’un futur racketteur...
     Une chance – du moins le croit-il : il est clandestinement embauché comme veilleur de nuit au premier étage d’un entrepôt
     Lors d’une soirée ( payante ) passée dans le salon mondain d’une femme prétentieuse et vieillissante, il fait la connaissance de la fascinante et séduisante Margit, la femme du Ve . Une passion apparemment partagée par cette femme très mystérieuse qui a autrefois beaucoup souffert. Soudain, Harry est impliqué dans une série de meurtres dont il n’a aucune chance de se dépêtrer. Il ne doit son salut qu’à un stupéfiant marché avec cette inconnue dont le passé et l’existence vont plonger le héros ( et le lecteur ) dans le doute et la perplexité.

     Quel qu’il soit, un Douglas Kennedy se dévore ; ce roman ne fait pas exception à la règle.
     On y retrouve d’ailleurs, au cours de ce séjour dans un Paris sordide et plein de pièges, les thèmes favoris de l’auteur : solitude, désespérance, complot, implications injustes, problèmes familiaux, vengeance — et revanche !
     Sauf que page 300, au dernier quart du roman, on bascule soudain dans un fantastique très tendance que ne renierait pas un Marc Lévy... Et si c’était vrai ?
     Euh... non. Ce n’est pas vrai. Et pour une fois, on a du mal à y croire !
     En guise d’excuse à cette entorse inattendue, Douglas Kennedy nous offre en guise de conclusion la phrase : « je plaide coupable ».
     On ne va pas l’acquitter... mais lui accorder le sursis !
     Lu en poche, dans ces jolis volumes Pocket qui tiennent dans la main et qu’on emporte partout !
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Les charmes discrets de la vie conjugale | Une relation dangereuse


  L'autre moitié de moi-même , Anne-Laure Bondoux ( Bayard Jeunesse )  

L’auteur du Destin de Linus Hope*, des Larmes de l’assassin* et du Temps des miracles* se raconte à ses lecteurs. Elle part d’un incident inexplicable, survenu le 25 octobre 2010, soir où ont surgi devant sa Mazda bleue un enfant et sa petite bicyclette. Elle a cru avoir écrasé la garçon ( non, c’était plutôt une fillette ? ) mais il n’y avait personne, ni sous ses roues, ni alentour.

Dans un long flash back plein de plaies, de bosses et de cahots ( de chaos ? ), Anne-Laure Bondoux évoque son enfance de garçon manqué, ses terreurs nocturnes et ses larmes, sa conviction que ses parents portent un masque, leur étrange hantise des cimetières – et sa propre hantise de la solitude, peur qu’elle retrouve en écho devant son écran quand il lui faut désormais assumer son rôle de raconteuse d’histoires…

Elle se souvient d’une tante Praline aimée et trop tôt disparue, d’une sœur obscure qu’elle croyait dangereuse…

Elle raconte ses premières amours, une grossesse soudaine et pourtant désirée qui manque provoquer un drame, et que suit un babyblues en apparence inexplicable. Jusqu’à cet enterrement récent auquel sa sœur et elle veulent assister, et à l’issue duquel le père révèle à ses deux filles le secret si longtemps gardé, et qui soudain éclaire le passé.

Une biographie ?

L’autre moitié de moi-même est bien davantage que cela : des morceaux de vie en apparence banals, un puzzle auquel l’écriture, sans que son auteur l’ait jamais pressenti, donne peu à peu un sens, comme ces ancêtres paternels qu’Anne-Laure a inconsciemment mêlés pour construire le personnage de Lom’Pa, dans son roman Pépites*.

La vérité enfin retrouvée, c’est que la vie d’Anne-Laure est le creuset de son écriture, l’aliment inconscient de son imaginaire. « J’écris des histoires parce que je n’en ai pas », répondait-elle parfois à ses lecteurs. « Parce qu’il ne m’est rien arrivé d’extraordinaire. En fait, il ne m’est rien arrivé du tout. »

Il faut l’apparition de cet(te) enfant inconnu(e) devant ses phares, ce soir du 25 octobre, pour que l’auteur révise son jugement, revisite le gouffre de son enfance, explore les raisons qui ont fait d’elle un écrivain authentique qui croit puiser ses idées ailleurs, alors qu’elles sont le fruit longuement mûri d’une vie en catimini.

Magnifique analyse de l’écriture, ce récit fort et original fera réfléchir et bouleversera celles et ceux qui s’intéressent aux mystérieux rapports entre… l’écriture et la vie, pour parodier Georges Semprun. « Je suis devenue écrivain comme on devient explorateur ou archéologue », conclut Anne-Laure Bondoux. « Je suis devenue écrivain pour plonger dans les abysses, à la recherche de ce qui n’a pas de nom. Je suis devenue écrivain pour nommer les fantômes. »

CG

* Tous publiés chez Bayard.

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Les larmes de l'assassin | Le temps des miracles


  La maison de soie , Anthony Horowitz ( Hachette Jeunesse )  

Un an après la mort de Sherlock Holmes, le fidèle Dr Watson se résout enfin à relater une enquête complexe et sordide…

Le marchand de tableaux Edmond Carstairs a été dévalisé et le précieux butin détruit.

Les coupables étaient les jumeaux O’Donaghue, du fameux gang des « casquettes plates ». L’un d’eux est mort mais l’autre, Keelan, a visiblement décidé de se venger. Et Carstairs fait appel à Holmes car il craint pour sa vie. D’ailleurs, un rôdeur balafré s’est introduit à Ridgways Hall, la propriété du marchand, et il a dérobé de l’argent et un collier.

Carstairs veut aussi protéger sa sœur Liza, et sa jeune et récente épouse Catherine, dont il est tombé amoureux sur le transatlantique qui le ramenait des USA en Angleterre…

Holmes retrouve Keelan Donaghue et lance sur ses traces le jeune Ross, un petit voyou des bas-fonds de Londres. Holmes et Watson découvrent bientôt le corps de Ross, mort et mutilé, avec, noué à la main, un étrange ruban de soie…

Tous deux subodorent que derrière ce meurtre se cache un complot d’envergure ; ils partent à la recherche de Sally, la sœur de la jeune victime. Le fil de l’enquête conduit Holmes à soupçonner des personnalités de plus en plus en vue, et à découvrir cette mystérieuse « Maison de la soie » qui pourrait bien avoir un rapport avec le trafic de l’opium.

Sur le point de lever le voile, notre célèbre détective va tomber dans un piège terrifiant… il est soudain accusé de meurtre. Trois témoins oculaires ( et non des moindres ) l’accusent formellement.

Va-t-il se tirer de ce guêpier ?

Evidemment !

Cette excellente ( et longue ) enquête inédite de Sherlock Holmes, particulièrement riche en rebondissements, a une particularité : malgré les apparences, Conan Doyle n’en est pas l’auteur ! Ce récent récit est dû au talent d’Anthony Horowitz, mandaté par les ayants droits de Conan Doyle, un auteur dont l’exploit est moins d’avoir écrit un roman à énigmes ( et le pluriel d’énigmes se justifie pleinement ! Que de fils noués ! ) que d’avoir adopté le style de Conan Doyle… ou plutôt celui de Watson. C’est en effet l’ami du détective qui, comme toujours, se charge de raconter les exploits de son co-locataire du 221B Baker Street !

L’enquête, trépidante, s’achèvera dans l’univers glauque d’une aristocratie londonienne dépravée, un milieu qui fait étrangement écho à des problèmes de société très contemporains.

Chapeau bas à Anthony Horowitz qui nous montre une facette inattendue de ses multiples talents ! Pour être d’une fidélité absolue à l’ambiance ( ah… quel plongeon dans le Londres de 1890 ! ) et au ton de Conan Doyle, ce récit est bien sûr réservé en priorité à ses fans.

On y trouve des descriptions et des portraits savoureux comme la littérature du XXIe siècle n’en accepte plus - et c’est parfois bien dommage !

L’auteur manie l’humour et cette « distance » toute britannique avec un brio qui force l’admiration. Les connaisseurs prendront un plaisir tout particulier à noter, de page en page, combien Horowitz – qui ne tombe jamais dans la parodie - est fidèle à son modèle. Les autres, collégiens ou adultes ( l’ouvrage sort dans deux collections différentes, même texte, même prix ! ) liront ce récit comme l’une des meilleures enquêtes du plus célèbre des détectives.

J’ai eu le plaisir, il y a 10 ou 12 ans, de signer à Montreuil aux côtés d’Anthony Horowitz et de bavarder avec lui ( il parle mieux le français que moi l’anglais ! ) à l’époque où le thème des premiers Harry Potter lui semblait étrangement inspiré de son best seller de l’époque, L’île du crâne. Si Mme Rowling a lu ( et repris ? ) le roman d’Horowitz, ce dernier fait ici la démonstration qu’il est en mesure de prendre la suite de Conan Doyle. En annonçant la couleur.

Un vrai tour de force. Et un roman qui, une fois le pacte avec le lecteur accepté, se lit d’une traite !

Lu dans sa version jeunesse, un très beau grand format dont la couverture aurait pu être celle de… Une étude en rouge !




  Un monde sans fin , Ken Follett ( Robert Laffont )  

La petite Caris, fille d’un riche Lainier, entraîne dans la forêt le jeune Merthin et son frère Ralph pour essayer un arc ; elle est accompagnée d’une pauvresse, Gwenda, et de son frère cadet Philémon. Les enfants assistent alors à un drame : l’arrivée d’un chevalier qui tue ses poursuivants avant d’enfouir au pied d’un chêne une mystérieuse lettre.

Dix ans plus tard, on retrouve tous ces personnages…

Gwenda survit difficilement ; elle aime en secret le beau Wulfric qui, hélas, n’a d’yeux que pour la belle et riche Annet qui le dédaigne ; Gwenda sera vendue par son père et parviendra à s’enfuir pour tenter d’acquérir son indépendance.

Après avoir été l’apprenti du médiocre menuiser Elfric, Merthin devient un artisan génial mais malchanceux. Il aime sans espoir la belle Griselda. A la suite de l’effondrement dramatique du vieux pont de Kingsbrige, il est choisi pour sa reconstruction, des travaux indispensables si la ville veut survivre avec ses « foires à la laine », foires qui font d’ailleurs aussi survivre le monastère…

Merthin finira par s’attacher à Caris la Lainière, qu’il a connue enfant.

Justement, la mort du Prieur du monastère va permettre au jeune et ambitieux Godwin de se faire élire… Soucieux de réformer les lois, Godwyn va pourtant se révéler plus retors que ceux qui l’ont précédé, au point de s’opposer à Merthin-le-constructeur. Il est en cela aidé par Philémon, devenu son conseiller… et son âme damnée.

Caris, elle, aurait voulu devenir médecin – mais cette profession est réservée aux hommes. Elle fera fortune dans la laine avant le dramatique effondrement du pont de la ville… Indépendante, elle ne veut pas s’encombrer d’un enfant. De quoi provoquer sa rupture avec Merthin qui l’aime désormais - et qu’elle aime aussi.

Quant à Ralph, le brutal frère cadet de Merthin, il rêve de devenir chevalier – n’a-t-il pas sauvé son maître William de la noyade pendant l’effondrement du pont ? Il aime sans espoir Philippa, la femme de William. Dépité et brutal, flanqué d’un complice à ses ordres, il va devenir un violeur sanguinaire, condamné – avant d’en réchapper de façon aussi inattendue qu’inespérée… grâce à la guerre avec la France où il compte bien s’illustrer.

Il y a enfin le mystérieux chevalier du début de cette histoire, Thomas Langley, devenu moine et manchot, Thomas qui pourrait bien détenir la clé de ce récit monumental dont les multiples protagonistes s’opposent, se déchirent, tant sur le plan de leur mission et de leurs ambitions que sur celui des sentiments qui souvent les opposent…

Vous avez aimé Les Piliers de la Terre ? Vous serez forcément séduit par ce récit géant ( 1300 pages en grand format ! ) qui se présente comme la suite du chef d’œuvre de Ken Follett – les personnages sont en effet les descendants directs de Jack et Tom le bâtisseur ( voir ma fiche des Piliers de la Terre, du côté de… 2009 ? ).

Vous n’avez pas lu Les Piliers de la Terre et vous aimez la fantasy ? Alors vous plongerez sans mal dans cet univers foisonnant qui a pour cadre… l’Angleterre du XIVe siècle, mais dont les personnages, l’action, les conflits d’intérêt et les descriptions rappellent le meilleur d’un genre qui n’a pas besoin d’un univers reconstitué puisque ce décor historique authentique s’y prête parfaitement ! Oui, vous vibrerez en suivant l’étrange destin de Caris, lainière soupçonnée d’être un peu sorcière, sorcière devenue religieuse, religieuse restée amoureuse, amoureuse qui s’improvisera médecin, puis écrivain, et dont les sentiments pour Merthin feront tenir en haleine le lecteur jusqu’au bout de son destin !

Grâce à Ken Follett, génie du genre romanesque, qui présente habilement les personnages les uns après les autres, le lecteur ne les mélange jamais malgré leur nombre. Très vite, on est entraîné dans le flot impétueux d’une histoire haletante aux fils certes innombrables, mais mêlés d’une façon si passionnante qu’on ne peut jamais abandonner sa lecture !

Certes, on peut reprocher à Ken Follett quelques facilité et invraisemblances. Sur les traces de Stendhal et de son Fabrice del Dongo, il nous fait notamment assister – et qui plus est, du côté français et anglais – à la bataille de Crécy ! Un combat qui oppose moins les Anglais et les Français… que Caris et Ralph, devenus ennemis jurés. Un combat que la grande peste prolongera, de Florence à Abbeville !

Comment ne pas s’incliner devant l’habileté avec laquelle Ken Follett utilise une documentation phénoménale pour nouer les destins de tant de personnages ?

Résumer ce monument, évoquer chacun de ses protagonistes serait vain. Il suffit de se laisser entraîner dans cette saga stupéfiante… une semaine de lecture ininterrompue que vous n’êtes pas près de regretter !

Lu dans sa superbe version géante au papier bible, dont le seul inconvénient est… le poids, car le papier est à la fois fin et lourd !

CG

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Les piliers de la terre


  La Délicatesse , David Foenkinos ( Gallimard )  

Nathalie est belle et séduisante ; elle rencontre François avec lequel elle file le parfait amour. Puis elle trouve un emploi dans une entreprise franco-suédoise où le patron, Charles ( marié ), ne sait comment déclarer sa passion pour cette employée dont la beauté le fascine.

Mais voilà : un accident provoque la mort de François et le désarroi de Nathalie.

Le temps coule ; Nathalie reprend son travail, veuve en apparence inconsolable et indifférente aux sollicitations masculines.

Charles tente d’ailleurs sa chance… et se fait éconduire.

Et puis, sur une impulsion subite et incontrôlée, Nathalie, un jour, embrasse sans crier gare Markus, un collègue discret et en apparence banal, dépourvu de charme et de beauté.

Markus comprend mal pourquoi Nathalie l’a embrassé. D’ailleurs le lendemain, elle lui présente ses excuses. Mais Markus ne l’entend pas de cette oreille… et devant leurs collègues à la fois stupéfaits et indignés ( sans parler de Charles ! ), leur couple semble peu à peu se former.

Inutile d’aller plus loin dans le résumé de ce petit roman fort original, à la fois grave et léger, plein d’humour et de fantaisie. S’attachant aux motivations et aux portraits successifs de François, Charles et Markus ( leur passé, leur caractère, leurs désirs, les circonstances de leur rencontre avec l’héroïne ), l’auteur raconte une histoire en apparence simple, mais avec des finesses d’analyse surprenantes.

Il pimente son récit de notes de bas de pages à la fois littéraires et inattendues, et glisse entre certains chapitres des informations loufoques et réalistes en rapport direct avec l’action : définitions ( plus subtiles qu’il y paraît ) des mots délicat et délicatesse, résultats sportifs, menus, extraits d’ouvrages ou de chansons…

Une excellente surprise que ce roman qui se lit d’une traite et dont l’écho résonne longtemps dans le cœur et dans la mémoire du lecteur.

Lu dans la « collection blanche », dont on ne fera plus l’éloge de la classique sobriété.



  Plateforme , Michel Houellebecq ( Flammarion )  

A la suite de la mort ( un meurtre ! ) de son père, Michel hérite ; sur un coup de tête, il décidede voyager. Célibataire quarantenaire velléitaire et blasé, il n’est pas vraiment passionné par son poste de fonctionnaire au Ministère de la Culture…

Au cours de ce premier voyage organisé ( en Thaïlande ), il fait la connaissance de Valérie ; mais il préfère la fréquentation des prostituées et des salons de massage à celle de cette Française qui, pourtant, attire son attention.

C’est au retour en France qu’ils deviennent amants…

Or, il se trouve que Valérie travaille dans le tourisme ; assistante de Jean-Yves, elle vient d’accepter une ( double ) proposition d’emploi de la part d’Aurore, le premier groupe hôtelier mondial. Objectifs : gagner des parts de marché et trouver de nouveaux concepts.

D’abord simple observateur ( et amant de Valérie ), Michel suggère bientôt à Jean-Yves de donner aux touristes ce qu’ils recherchent en priorité sans se l’avouer : du sexe.

Ainsi naît le projet Eldorador Aphrodite… dont les premiers succès augurent un avenir très, très prometteur !

Pourquoi n’as-tu jamais fait la critique d’un roman de Houellebecq ? m’ont demandé plusieurs amis.

Euh… pour deux raisons :

1/ j’évite de céder à la mode, d’évoquer ce dont tout le monde parle déjà, et de mêler ma petite voix aux critiques qui fleurissent dans tous les magazines !

2/ Quitte à me faire des ennemis ( car je sais qu’il y les inconditionnels de Houellebecq… et ceux qui le condamnent résolument ! Faut-il vraiment choisir l’un des deux camps ? ), j’avouerais que… Houellebecq me semble un écrivain important.

Qu’il soit sympathique ou pas n’a pas à entrer en ligne de compte.

J’ai d’ailleurs croisé Houellebecq à ses débuts, aux Utopiales de Nantes ; et l’homme m’a paru à l’image de ses écrits : distant, indifférent, cynique-limite-méprisant… difficile de s’en faire un ami ! Mais je ne crois pas que j’aurais trouvé Stravinsky ou Picasso sympathiques, ce qui ne m’empêche pas d’admirer leur oeuvre.

Le narrateur de Plateforme est sans doute très proche de l’auteur. Accro du sexe, égoïste et jouisseur, en quête de femmes ( ou de « la femme » ? ), il n’a pas de but et surtout pas d’idéal ; il survit tant bien que mal dans cette société de marché où l’intérêt immédiat et le principe du plaisir ont la priorité.

Aussi, à mes yeux, Plateforme est un constat. Un constat cynique et déplaisant, certes, mais dépourvu de toute hypocrisie. Comme un Le Pen dont les propos choquent, Houellebecq fait parler, agir et réagir son narrateur à la manière d’un contemporain de notre société occidentale décadente ( l’adjectif n’est-il pas superflu ? ), un consommateur dépourvu de scrupules et pour lequel, dans une économie de marché poussée au bout de sa logique, le tourisme sexuel constitue un débouché idéal pour des pays émergents dépourvus de matière première.

Aux lecteurs qui hurlent : « c’est honteux ! », j’objecterai que le rôle de l’écrivain n’est pas d’être moralisateur mais de se faire l’écho du monde contemporain. Et notre économie, désormais, c’est cela : la recherche de tous les filons susceptibles de rapporter des parts de marché, qu’il s’agisse d’exploiter les dernières ressources de notre planète exsangue, ou… le matériel humain. Que les Européens aillent en Thaïlande pour avoir du sexe à bon marché est scandaleux ? Peut-être, sous-entend Houellebecq, mais pas plus que le fait que des Africains meurent de faim, ou que des enfants indiens crèvent en récupérant les matériaux toxiques de nos vieux navires de croisière ou de guerre…

Là comme ici, c’est le jeu de l’offre et de la demande, la recherche effrénée du « retour rapide sur investissement ».

Même si je ne cherche pas à convaincre, un constat s’impose : Houellebecq se lit. C’est agréable, fluide et… dérangeant. Malgré un manque apparent de suspens, cet auteur possède un ton détaché qui tire sans cesse le lecteur en avant.

Certes, les besoins sexuels de Michel relèguent les frasques de DSK à celles d’un enfant de chœur débutant : ici, l’échangisme et les salons SM font partie du quotidien ! Mais voilà : l’action de Plateforme est entrecoupée de multiples réflexions parfois inattendues, souvent choquantes ( mais toujours bienvenues ) sur la vie, l’amour… et l’économie de marché.

Le lecteur peut être dérangé, gêné, il ne sera jamais indifférent !

Houellebecq doit parfaitement assumer le rôle du méchant qu’on lui prête… les dérives de cette société qu’il décrit ( avec complaisance ? ) ne l’empêchent nullement de fonctionner ainsi. Et de force ( mais, hum… de gré aussi, non ? ) nous en sommes les acteurs et les complices.

Lu dans sa version d’origine, la prestigieuse « collection blanche » ( non : jaune ! ) de chez Flammarion !



20042005200720082009201020112012
JanvierMarsMaiSeptembreNovembre

Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
Adresse postale : Christian Grenier, BP 7, 24130 Le Fleix