Christian Grenier, auteur jeunesse
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Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
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 Mars 2011 : Les lectures de janvier-février 

  Histoire du polar jeunesse , Raymond Perrin ( L’Harmattan )  
     A l'heure où la littérature jeunesse est ( une fois de plus ! ) remise en cause, au moment où les programmes officiels tentent de minimiser ( voire de condamner ? ) le rôle des récits publiés dans les collections jeunesse pour « revenir aux classiques » ( quelle révolution ! ), la publication de cet essai de Raymond Perrin est salutaire et bienvenue !
     On ne présente plus cet auteur, spécialiste des « Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle » !
     Ici, il nous brosse un tableau historique quasi complet, en puisant notamment ses sources dans les « illustrés » des années 50 dont les héros étaient, comme notre bon vieux Tintin reporter, des détectives à peine déguisés ! Après tout, avant la naissance de Michel ( de Georges Bayard ) à celle de Fantômette ( de Georges Chaulet ), le roman policier a eu bien des avatars ( et bien des modèles dans la BD ! ) depuis le classique Emile et les détectives écrit en 1929 et les aventures du pilote Biggles ( Captain W.E. Johns ), arrivées en France en 1946 !

     Raymond Perrin nous apprend que Marc Soriano, dans son premier guide de 1959, affirmait que le quart de la production des fictions destinées aux 10/12 ans relevait du roman policier ! Il nous rappelle aussi que la première collection de « vrais » policiers pour la jeunesse fut... Rageot, avec, en 1970, la sortie des Sans Atout ( de Boileau Narcejac, excusez du peu ! ) dans sa collection Jeunesse Poche Policier !
     De Bob Morane à Nick Jordan, d'Alice ( détective ! ) au Club des Cinq en passant par le trop vite oublié Paul Berna et le médiatique Vladimir Volkoff ( eh oui... Lieutenant X, c'est lui !), Raymond Perrin nous livre une liste impressionnante de titres et d'auteurs avant d'aborder les années 80, où, avec Souris Noire, s'affirme « la légitimité irréversible du polar ».
     Impossible, bien entendu, de livrer ici la liste des auteurs, des éditeurs, des collections, des ouvrages et des héros qui prennent ( enfin ) le roman policier au sérieux. Chaque éditeur veut la sienne : Lune Noire, Heure Noire, Page Noire...
     En conclusion, Raymond Perrin nous propose une brève réflexion sur « l'histoire sans fin d'un genre apprécié » avant de nous livrer la liste ( impressionnante ) des héros-détectives et un index de ( presque ) tous les noms propres cités.
     De la belle ouvrage !

     « Une véritable histoire du roman policier pour la jeunesse reste à écrire ! » affirmaient François Ballanger et Catherine Chauchard en 2003.
     En 2011, voilà qui est fait.
     Merci Raymond Perrin !
CG
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans (1901-2000) | Littérature de jeunesse et presse des jeunes - Au début du XXIe siècle | Fictions et journaux pour la jeunesse


  Le silence des rives , Roger Judenne ( De Borée )  
     1940... L'exode.
     Lucien, Marthe Bailly et toute leur famille fuient et tentent de franchir la Loire avec Antoinette dite Toinette, leur fille mongolienne de 12 ans. A la suite du bombardement d'un pont, Toinette est séparée des siens. Incapable de livrer son nom de famille précis et celui du village de ses parents, elle est perdue sans son cher « Papou » ; elle est provisoirement adoptée par d'autres exilés avant d'être recueillie par les soeurs de St Joseph qui, incapables de la gérer, la confient à un asile d'aliénés — comme c'était le cas pour tous les enfants « différents ».

     Une fois la guerre perdue et l'armistice signé, Lucien ( dont la femme Marthe est morte pendant le bombardement ) retrouve sa ferme, sa belle-fille ( dont le mari, son fils, est prisonnier en Allemagne )... mais pas Toinette.

     Au village, on persuade le père de Toinette que sa fille est sans doute morte pendant le bombardement qui a tué Marthe ; mais Lucien, qui adore sa fille, la recherche activement, il s'accroche à un dernier espoir malgré les mois qui passent...

     Dans le même temps, après la défaite, le médecin-capitaine Roger Vanacker, trop âgé pour être déporté prisonnier en Allemagne, est nommé ( provisoirement ) directeur de l'asile où vit désormais Toinette. Veuf d'une infirmière Hollandaise décédée en 14-18, il se voit confier par un collègue une jeune Allemande juive et communiste ; Clothilda a fui son pays et s'est réfugiée en France. Pour elle, le seul moyen d'échapper aux contrôles de la police française est de passer pour une grande dépressive. Hélas, avec le temps qui passe, la complicité du régime de Vichy et les indélicatesses d'un personnel réduit à la famine ( que de vols, dans les hôpitaux ! ) Roger Vanacker ne fait que gérer la pénurie : à l'asile, on maque cruellement de bois et de nourriture — normal, puisque cette population de « fous » constitue la lie de l'humanité. Sa disparition ne peut être que bénéfique pour l'amélioration de la race humaine !

     Malade, sous-alimentée, Toinette semble destinée à mourir quand Roger Vanacker découvre une piste ( le nom du docteur de famille, Péchard, dont elle se souvient ! ) qui pourrait lui permettre de retrouver le village où elle vivait ; en même temps, il apprend que les autorités de Vichy ont nommé un authentique médecin psychiatre ( tout dévoué à Vichy ) qui va débarquer d'un jour à l'autre, accompagné de gendarmes dont la mission est de vérifier les identités des malades... Clothilda va être démasquée !

     Auteur pour la jeunesse primé et consacré, ancien enseignant ( et l'un de mes amis ! ) Roger Judenne est hélas moins connu pour ses romans de terroir ( plutôt destinés aux adultes et tous publiés chez De Borée ).
     Très documenté, son beau récit est d'abord un roman fort et émouvant, qui séduira à la fois les adultes qui connaissent ( ou ont vécu ) cette période, et les adolescents.
     C'est aussi, en arrière-plan permanent, un plaidoyer qui aborde le sort mal connu des aliénés et autres handicapés pendant l'occupation, un sort qui empira avec la publication de l'ouvrage d'Alexis Carrel, L'homme, cet inconnu, qui prônait l'eugénisme et... l'élimination des êtres humains que ce Prix Nobel de médecine ne jugeait pas dignes de vivre !
     En 1940, cette thèse apportait opportunément de l'eau au moulin des nazis.
     Le style de Roger Judenne se fait aussi discret que l'homme : simple, retenu, efficace et sans pathos, il permet au lecteur d'entrer aussitôt dans l'action et de frémir aux périls de ses héros, pétris d'une humanité touchante — preuve qu'on peut faire de la bonne littérature avec de bons sentiments !
     Magnifique ouvrage en format géant, belle et large typographie, photo de couverture conforme à l'histoire — et à l'Histoire — quatre cents pages qu'on lit avec aisance et plaisir


  J'aurais voulu être un type bien , Marc Villard ( L’Atalante )  
     A l'aide de récits ( parfois très ) courts, Marc Villard évoque des moments particuliers, singuliers et forts de sa vie. Ainsi, par petites touches, et dans un faux désordre, on découvre l'enfance et l'adolescence d'un homme que la vie n'a pas épargné — un écrivain saisi très tôt par la vocation qui détestait les maths, aime la musique et adore le cinéma ( il a été scénariste, notamment pour Cyril Collard ). Ce sont là des moments parfois en apparence banals, mais que le ton caustique, acerbe, désabusé et détaché rend souvent forts, très forts. Il arrive aussi à l'auteur de fantasmer, et filer loin, très loin la métaphore de l'imaginaire... avant de retomber rudement sur ses pieds. Ah, il faut lire La cellulose, récit épique d'une vente-signature inoubliable ; ou encore Sur la main, qui relate une rencontre scolaire ( Marc Villard écrit aussi pour la jeunesse ) en compagnie de Joseph Périgot, son complice.
     Savoir parler de soi est un art que je ne connaissais pas à Marc — il fait partie de mes complices polardeux — lui qui d'ordinaire brille surtout au firmament du Policier, « avec cette vivacité, cette acidité qui caractérise celui dont on a dit qu'il maniait la plus belle plume du roman noir français ».
     Beau papier bouffant et format original, proche du Poche, pour cette bien jolie collection de l'Atalante


  La Bête et la Belle , Thierry Jonquet ( Gallimard )  
     Près d'Etretat, où un gamin a sauté ( ou a été précipité ? ) d'un train, le commissaire Rolland Gabelou enquête... Accident ou assassinat vieux d'un mois ? Il faut sortir le cercueil et faire l'autopsie d'un cadavre trop vite enterré. Car l'Emmerdeur est là, payé par les assurances ( ou les journaux ? ) pour que l'enquête aboutisse au meurtre plutôt qu'à l'accident, ce qui dispenserait l'assurance de payer la prime ! Eh oui, des disparitions inquiétantes ont récemment eu lieu : le ( faux ? ) suicide d'une petite vieille, un commis-boucher fauché par un chauffard qui s'est enfui...
     Il faut dire que Gabelou dispose de deux indices de poids : d'abord le vieux Léon, complice taiseux du Coupable avec lequel il a vécu quelques mois, dans une maison où tous deux ont amoncelé les immondices au point de se réfugier derrière eux — neuf mois d'une incroyable descente dans l'enfer des ordures... Et surtout, des cassettes audio enregistrées par le Coupable, sur lesquelles il explique comment il a assassiné d'abord la belle Irène ( son amie et collègue documentaliste aux mœurs légères, qui le repoussait ) ; puis la vieille ( en maquillant l'assassinat en suicide au gaz ) et enfin le commis-boucher, écrasé avec sa Ford.
     Mais s'accuser sur un enregistrement est-il vraiment suffisant ?
     Parce que le Coupable est mort. Et s'il était plus provocateur et menteur que coupable, après tout ?

     Avec une narration à trois voix ( la sienne, celle de Gabelou et celle du vieux Léon ), et un ton polardeux haut de gamme, Thierry Jonquet ne cesse de semer des indices et des doutes chez le lecteur, entre cette banlieue imaginaire, Altay I et Altay II ( en réalité Aulnay ), Etretat, et un Quai des Orfèvres digne de la série Le Boulevard du Palais.
     De jolis portraits. Un ton à la fois littéraire et désabusé... bref, du vrai Noir ! Et un classique du genre ( 1985 ) qui opère une jonction idéologique et stylistique évidente avec les romans de Jean-Patrick Manchette, lui aussi prématurément disparu.
     Le petit Jonquet ( par la taille ) se montre déjà, en 1985, un futur grand auteur.
     C'est là, surtout, l'histoire d'une étrange et morbide amitié entre deux hommes : le vieux Léon et ce Coupable qui aimait fantasmer, voir rouler des trains miniatures, et cacher sa misanthropie derrière des sacs poubelle au parfum de mort...
     Ma femme et moi avons croisé bien des fois Thierry, et apprécié autant l'homme ( discret, sombre, silencieux ) que l'écrivain ( tant jeunesse qu'adulte ), un familier des salons du polar. Thierry, je parlais déjà de lui en l'an 2 000, lors d'un Salon mémorable ( celui d'Ay en Champagne ) qui fut à l'origine de la parution de mon album Le Tyran, le Luthier et le temps.
     Pour en savoir plus, se reporter au titre de cet album et à la page... « pour en savoir plus » !
     Lu plusieurs fois — mais la première fois, dans sa version d'origine : la Noire, du vrai et du beau Gallimard !
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Les orpailleurs | Mygale


  Le chant de la mission , John Le Carré ( Seuil )  
     Traducteur expérimenté, Bruno Salvador est anglais et métis, fils d'un missionnaire irlandais et d'une Congolaise. Mal marié à une journaliste de haut niveau, Pénélope, il vient de trouver l'âme sœur, Hannah, une infirmière congolaise, quand on le recrute inopinément pour une mission de haut vol ultra-secrète : traduire les tractations d'une union improbable, celle des trois représentants ( Franco, Dieudonné et Haj ) des trois principales factions ( ennemies ) du Congo afin de les réconcilier et d'établir un accord instaurant à la fois la paix et... le partage de l'exploitation futures des richesses de ce pays. Le tout sous l'impulsion d'un mystérieux syndicat désintéressé, et sous la responsabilité de Mwangaza, Congolais reconnu par tous pour son désintéressement et son désir de paix.
     Discret et dévoué, Bruno comprend vite que les dés sont pipés ; la réunion tourne mal et sa situation privilégiée d'espion malgré lui le pousse à subtiliser en fin de parcours les originaux des documents ( ses notes et des enregistrements très compromettants ) qu'il aimerait confier à des autorités compétentes de Sa Gracieuse Majesté. Avec, pour objectif : empêcher la mainmise des grandes puissances industrielles sur le Congo, et le conflit imminent qui devrait permettre de placer au pouvoir un Mwangaza manipulé dès le départ...
     Hélas, il n'est pas au bout de ses peines.
     Il existe des fans de Houellebecq et d'Amélie Nothomb. Moi, je suis un inconditionnels de John Le Carré. Si La constance du jardinier m'avait semblé un sommet de cet auteur estimable, Le Chant de la Mission mérite autant d'attention. Ce thriller teinté d'espionnage se veut un réquisitoire impitoyable contre la vieille alliance des nations riches avec les trusts internationaux, puissances prêtes à tout pour mettre la main sur les richesses d'un des pays les plus ruinés d'Afrique. Le Carré maîtrise parfaitement son sujet, aussi bien les coulisses du pouvoir ( il a travaillé pour le Foreign Office, il sait de quoi il parle... ) que le métier de traducteur et l'histoire contemporaine du Congo.
     Relaté à la première personne sur un ton cynique, humoristique et désabusé, ce récit qui hésite entre fiction, histoire et réalité se révèle édifiant... et terrifiant.
     Chapeau bas à cet écrivain authentique qui sait tenir son lecteur en haleine et lui ouvrir les coulisses des sombres tractations internationales. Roman engagé ? Sans doute. Mais comme on souhaiterait qu'il soit plus proche de la fiction que de la probable réalité !
     On apprécie particulièrement le Grand Format du Seuil, avec sa belle couverture blanche au liséré vert, et ce magnifique papier crème bien épais. Un vrai plaisir de lecture !
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
La constance du jardinier


  Les Yeux jaunes des crocodiles , Katherine Pancol ( Le Livre de Poche )  
     Joséphine met à la porte son mari Antoine, moins parce qu'il est au chômage et l'amant de la jeune coiffeuse Mylène que parce qu'elle est lasse de sa nonchalance et de sa suffisance.
     Jo le regrette aussitôt. Pourquoi, dans la famille Dupin, a-t-elle toujours été la moins favorisée ? Moins belle et moins aimée qu'Iris, sa sœur aînée, mariée au riche Philippe ?
     Désormais, Joséphine, spécialiste du XIIe siècle et chercheuse au CNRS, doit gérer seule ses deux filles, la gentille Zoé mais surtout Hortense, qui devient ado, exigeante, et qui en crève de vivre à Courbevoie quand sa jolie tante Iris crèche à Paris-Neuilly.
     Jo n'a qu'une amie, sa voisine anglaise Shirley ( et son fils Gary ) qui, sans doute, cache un gros secret mais refuse de le lui révéler.
     Ses parents ? Inutile d'en parler ! Jo est en froid avec sa mère, qui lui préfère Iris. Et son beau-père, Marcel Grobz, patron d'une grosse boîte, s'est entiché d'une de ses secrétaires, l'accorte et maligne Josiane. Une situation difficile à gérer parce que tout le monde est au courant...
     Alors qu'Antoine a filé ( avec Mylène ) en Afrique s'empêtrer dans une assez louche entreprise d'élevage de crocodiles où il va risquer sa peau et la fortune du ménage, Joséphine se débat désormais dans ses ennuis familiaux et financiers.
     Un jour, Iris, à qui il manque seulement la reconnaissance, prétend à un éditeur rencontré par hasard qu'elle a commencé à écrire un roman. Prise à son propre piège ( elle est incapable d'aligner trois mots ), elle supplie sa sœur Jo, l'universitaire spécialiste du Moyen Age, de l'écrire à sa place et de toucher les droits.
     Jo risque d'y gagner beaucoup d'argent... et Iris une gloire certaine : grâce à ses relations et à une vraie présence à l'antenne, nul doute qu'elle fera un best-seller de ce roman écrit en secret par sa modeste petite sœur...
     Mais voilà : plus le livre se vend et plus Jo en accumule de l'amertume. Ah, si le beau et mystérieux Luca, qu'elle croise si souvent à la bibliothèque, savait que c'est elle, l'auteur d'Une si humble reine dont parlent aujourd'hui tous les médias !
     Alors Grenier lit Katherine Pancol ?
     Eh bien oui ! Et à à la télé, je ne regarde pas seulement Mezzo ou Arte !
     J'ai lu ces larmes de crocodiles pour deux raisons.
     D'abord parce que ma fille l'a dévoré et apprécié ; et je ne rate pas une occasion pour parler d'un livre avec ma fille ! ).
     Ensuite, parce que j'ai suivi, un jour, par hasard, une émission dans laquelle Katherine Pancol s'exprimait. J'avoue avoir été impressionné. On se fait toujours une idée des auteurs ; souvent, on accumule d'autant plus de préjugés que l'écrivain est populaire. Or, les propos et opinions de Katherine Pancol ( que je ne connais pas, que je n'ai jamais croisée ) m'ont frappé. Réalisme, humour, modestie, et un regard d'une grande lucidité sur la société, le monde ( en général ) et l'univers de l'édition en particulier.
     Parce que ceux qui jugent impossible la mystification littéraire Jo-Iris se trompent : elle existe et on la pratique. Les noms que je pourrais citer sont connus !
     Eh bien non, les crocodiles de Pancol ne m'ont pas déçu — peut-être parce que je ne m'attendais pas à une nouvelle Recherche du temps perdu !
     Certes, on est loin de Joyce ou de Gracq. Mais ici ( j'allais dire « au moins » ! ), le style alerte et l'humour permanent invitent à tourner la page.
     Littérature facile ?
     Facile à lire oui — mais sans doute pas si facile à écrire, la fluidité est souvent synonyme de travail, même si l'auteur, on le sent, se laisse emporter par son propre enthousiasme, et je songe à de savoureux passages d'une vulgarité recherchée qui frisent l'invraisemblance ( mais qui prétendra qu'est vraisemblable la langue utilisée par le Momo de Gary-Ajar ? )
     La situation familiale et les imbroglios sont complexes mais, malgré les apparences, crédibles et passionnants. Et les analyses psychologiques se tiennent fort bien.
     Littérature « féminine » ?
     Je n'en sais rien. Et je m'en moque. Je lis aussi Sand et Colette — et je suis un homme. Je lis beaucoup de romans destinés à la jeunesse — et j'ai 65 ans.
     Ce qui, chez Pancol, me séduit, c'est d'ailleurs peut-être cela : une fraîcheur, un enthousiasme, un vrai miroir du quotidien, une gourmandise des mots et un plaisir de l'écriture qui prévalent sur le pompeux, le sérieux et la prétendue philosophie.
     Un ( vrai ) livre de poche souple et épais ( 666 pages ) qu'on lit, qu'on prête, qu'on échange, qu'on n'hésite pas à abîmer...
     C'est assez souvent très bon signe, ces livres achetés une fois et partagés par dix lecteurs !


  Une relation dangereuse , Douglas Kennedy ( Belfond )  
     Au cours d'une mission périlleuse, Sally Goodchild, grande reporter américaine, est séduite par Tony, un sympathique et séduisant journaliste anglais. Enceinte de Tony, Sally accepte de l'épouser, de s'installer à Londres avec lui et de quitter — provisoirement, croit-elle — son emploi.
     L'accouchement se révèle difficile. Le bébé, Jack, doit rester aux soins intensifs tandis que Sally, en proie à une grosse dépression postnatale, commence à comprendre que Jack n'est peut-être pas l'époux idéal. Souvent absent, il semble plus absorbé par l'écriture d'un roman improbable que par le bébé. Malade, proche du suicide, délaissée par un mari égoïste, isolée dans un pays aux habitudes et mœurs qui lui semblent bien étrangères, Sally ignore encore que le pire est à venir : une séparation inattendue, avec son mari... mais aussi avec son fils et son ancien emploi. Désormais aux abois, Sally ne peut plus compter que sur sa sœur, restée aux Etats-Unis, une voisine providentielle, et sur une assistance juridique qui se révélera d'une efficacité à laquelle le lecteur lui-même ne croyait plus.
     Même si son style s'apparente davantage à celui d'un John Grisham qu'à celui d'un John Le Carré, Douglas Kennedy reste un conteur hors pair, même lorsqu'il se lance le défi de relater à la première personne la descente aux enfers d'une mère de famille trahie et abandonnée. On pourra reprocher à ce thriller intimiste le défaut dont souffre aussi Quitter le monde : une certaine propension de l'auteur à imaginer une série d'enchaînements catastrophiques ! Au moins, ici, la narratrice finit par s'en tirer. Au-delà de son intrigue sentimentale et professionnelle aux rebondissements multiples, ce roman se veut aussi ( et surtout ? ) une étude de mœurs contemporaine sur les différences culturelles entre l'Angleterre et les Etats-Unis : « la grande différence entre Yankees et Roastbifs, c'est que les premiers considèrent la vie comme une affaire sérieuse mais non désespérée, tandis que les seconds pensent qu'elle est sans espoir mais pas sérieuse du tout... »
     Version grand format assez fragile, sur papier ordinaire — mais à la typographie agréable et aérée
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Les charmes discrets de la vie conjugale | La femme du Vème


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