Christian Grenier, auteur jeunesse
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Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
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 Mai 2011 : Les lectures de mars-avril 

  N'oublie jamais que je t'aime , Didier Jean ( 2 Vives Voix éditions , Bisous de famille )  
     Amandine et ses élèves vont à la bibliothèque pour la fameuse « heure du conte ». Mais Hélène, la bibliothécaire, est vite interrompue par ses petits auditeurs qui veulent lui expliquer comment leurs parents les surnomment : mon lapin, mon doudou, ma choupinette... les surnoms des enfants, surprenants et tendres, sont toujours des mots doux.
     Valentin, à l’écart, semble n’avoir rien à dire. Pressé de s’exprimer, il finit par avouer que sa mère n’emploie que des mots durs.

     Didier Jean ( qui écrit ) et Zad ( qui peint ) oeuvrent ensemble avec talent depuis bien des années. L’an dernier, ils ont créé leur maison d’édition et y livrent le meilleur d’eux-mêmes. Destiné aux petits, y compris à ceux qui ne savent pas encore lire, cet album plein de tendresse et de non-dit aborde un problème délicat, à la fois celui des rapports entre parents et enfants et des mots qui sont l’un des nouveaux moyens d’appréhender le monde... et les sentiments.
     Ici, l’histoire et les illustrations se marient avec bonheur pour que naisse un dialogue entre les parents et les enfants. Une façon de dédramatiser des rapports que les mots ( durs ) rendent parfois tendus, mais aussi d’affiner ( et affirmer ) que l’amour existe toujours en filigrane.

     Un très bel album cartonné, solide, dont les illustrations, pleines de douceur et de poésie, donnent libre cours au talent de Zad. A lire, relire et admirer en famille, sur un canapé ou au lit avant de s’endormir... comment imaginer qu’un écran puisse remplacer ce livre ? ?
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
C'était écrit comme çà


  Nocturnes , Kazuo Ishiguro ( Editions des deux terres )  
     Le nom de cet auteur anglais ( né à Nagazaki ) ne vous dit rien ?
     En revanche, vous connaissez le film ( attention, chef d’œuvre ! ) Les vestiges du jour, où Anthony Perkins ( et Emma Thomson ) font merveille. Eh bien ce film est tiré du roman éponyme d’Ishiguro... Ah, vous êtes déjà un peu plus intéressé ?
     Ce recueil très récent rassemble « Cinq nouvelles de musique au crépuscule ».
     Venise est la toile de fond de la première ( Crooner ) et de la dernière ( Violoncellistes ) dans lesquelles le narrateur évoque avec nostalgie d’étranges rencontres... Celle de Janek, jeune guitariste, et d’une ancienne vedette du jazz un peu oubliée : Tony Gardner. Au cœur de cette nouvelle se trouve Lindy Gardner, l’épouse de Tony. Une femme qu’il a aimée, qu’il aime encore et va pourtant quitter.
     Violoncellistes évoque les étranges rapports noués entre Tibor ( un ami perdu de vue et retrouvé sur la Piazza ) et Eloise McCormac, qui va conseiller ce jeune musicien « plein de potentiel ». Mais cette Eloise est-elle vraiment une ancienne virtuose ?...
     Dans Advienne que pourra et Les collines de Malvern, Ishiguro fait merveille en nous présentant des personnages originaux et ambigus, dont le passé et l’avenir sont décodés à l’aide de la musique : rencontres, souvenirs... tout est prétexte à étudier des rapports humains en apparence banals, mais que la musique explique, affine ou transcende.
     Une mention spéciale à Nocturne, récit dans lequel le narrateur, un saxophoniste pauvre et laid, s’est fait refaire le visage sur les conseils de son épouse en vue de gagner en sympathie et notoriété. Or, dans la chambre voisine se trouve l’ancienne vedette Lindy Gardner, au visage dissimulé par des bandages. Une intimité ambiguë finit par relier ces deux convalescents que tout sépare et qui vont se conduire comme deux adolescents...
     Outre la musique, ces nouvelles, on l’aura compris, sont reliées par d’autres points communs. L’un d’eux est une fin toujours lente et inachevée ( on ne peut pas parler de conclusion ! ), qui laisse le lecteur perplexe et souvent sur sa faim. Une façon habile et dérangeante de l’interroger sur l’essence de l’existence et le sens de notre destin.
     Le nom de cet éditeur ne vous dit rien ? C’est ( entre autres ) celui du dernier roman de Patricia Cornwell, Havre des morts. Ah, ça va mieux ?

     Un très beau livre, un « petit grand format » au rabat élégant, à la couverture sobre et au papier blanc luxueux. Un livre-cadeau idéal !


  La fenêtre des Rouet , Georges Simenon ( Plon )  
     1942... Dominique, célibataire de 40 ans, orpheline d’un père général qu’elle a soigné jusqu’au bout, est une couturière sans le sou. Elle vit dans un appartement par charité familiale et doit, pour survivre, louer une chambre à un jeune couple en rut, Albert et Lina Caille, dont la vie libre et les ébats la scandalisent et la troublent.
     Face à son immeuble, elle surveille nuit et jour les Rouet, une riche et vieille famille dont la belle-fille, Antoinette, veille sur un mari souffrant de crises aiguës. Un jour, Dominique assiste à un meurtre par omission : le mari d’Antoinette suffoque et réclame un médicament qu’elle ne lui donne pas, préférant le regarder mourir. Stupéfaite, Dominique sait qu’elle est le seul témoin de ce qu’elle juge être un assassinat. Tout en assistant aux cérémonies funèbres, elle écrit une, puis deux lettres anonymes à Antoinette en lui révélant qu’elle a tout vu. Les jours suivants, elle surveille l’attitude de la jeune veuve qui semble vouloir déménager, recevoir sa jeune soeur – mais les parents du défunt ne l’entendent pas de cette oreille. Ils veulent que leur belle-fille affiche un deuil digne et solitaire...
     Bien sûr, on pense au film Fenêtre sur cour !
     Sauf que le roman de Simenon, écrit en 1942 et publié en 1945, a plus de dix années d’avance sur le film réalisé par Hitchcock !
     La grande force de ce polar intimiste est sans doute le monologue indirect libre ( car le lecteur ne voit et ne juge que par les yeux de Dominique, vierge voyeuse et frustrée ) qui permet, grâce aux mimiques, gestes, attitudes et réactions des voisins d’en face, les Rouet, de reconstituer à la fois leurs actes, leurs paroles, leurs intentions – et leurs pensées !
     On a souvent glosé sur le style efficace et simple de Simenon. Pourtant, quel spécialiste de la littérature de langue française pourrait attribuer au père du commissaire Maigret un paragraphe comme : « On ne rit pas aux éclats, d’un rire vulgaire, dans la fraîcheur toute neuve de l’aurore, pas plus qu’au moment où vous frôle la première haleine de la nuit. On est plus grave, avec cette imperceptible angoisse de l’être devant l’univers, parce que la rue n’est pas encore la rue banale et rassurante, mais un morceau du grand tout où se meut l’astre qui met des aigrettes aux angles vifs des toits. » ( La fenêtre des Rouet, chapitre 2 )

     Roman lu dans le Volume 1 de Tout Simenon... qui comporte neuf romans ! Un gros ouvrage cartonné moins lourd qu’un e-book, que j’ai emporté pour mon voyage en Asie, lu dans l’avion et à l’hôtel, et même annoté en marge !

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Maigret se fâche


  Les orpailleurs , Thierry Jonquet ( Gallimard )  
     Assistés du médecin légiste Pluvinage et de Sandoval ( un planqué ! ), Dimeglio et Rovère enquêtent sur le mystérieux cadavre d’une jeune fille dont la main droite a été coupée – et emportée ! Un meurtre étrange, parce que commis dans un immeuble vétuste de Belleville alors que la victime semble très bourgeoise. On va bientôt retrouver Dansel, vieux routard de la police, le substitut Maryse Horvel et sa collègue Nadia Wintz, une jeune juge d’instruction qu’elle héberge et qui essaie de trouver un appartement à louer.
     D’abord, Rovère s’intéresse à un voisin de la victime, un certain Bechir Djeddour, disparu depuis plusieurs mois – serait-ce lui, l’assassin ? Puis à Vernier, le propriétaire indélicat de l’immeuble qui a scié les marches des appartements du dernier étage parce qu’il était habité par de jeunes squatters et des drogués, Vernier qui, avec des amis, a tenté de déloger ces jeunes gens par la force...
     Adoptant le point du vue du meurtrier, l’auteur nous invite ensuite à quelques flash back permettant de suivre les derniers jours de la jeune Aïcha, prostituée de luxe dont la fameuse main manquante portait une bague rouge... un œil sanglant qui causera d’ailleurs sa perte. Pendant ce temps, Nadia doit instruire soixante dossiers ( comme quoi l’actualité d’une justice débordée est déjà ancienne ! ), dont celui d’une prostituée assassinée sur le périphérique. Existe-t-il un rapport entre ces deux victimes ?
     La découverte d’un nouveau cadavre de femme à la main coupée ne laisse aucun doute à Rovère : il existe un lien entre Aïcha et cette peintre polonaise, droguée elle aussi – et qui a justement fait le portrait d’Aïcha, avec ce fameux bijou au doigt...

     Difficile d’aller plus avant dans ce résumé sans livrer aux lecteurs quelques clés importantes !
     Bien sûr, ces mêmes lecteurs, s’ils sont familiers de la série télé ( à la 2 ) Boulevard du Palais, auront reconnu ces personnages. Et il y a un vrai plaisir, pour le lecteur-spectateur ( ou l’inverse ), de relire ce premier volet ( 1993 ) avec, en tête, le visage de Jean-François Balmer dans le rôle d’un Rovère alcoolo plaqué par sa femme Claudie, et retranché depuis, solitaire, dans son pavillon de Montreuil.
     Main de Fatma ( portée par la victime, jeune beur ou pas ? ), étoile de David ( portée par un adjoint juif pas très futé ), ces Orpailleurs sont avant tout le portrait réaliste et haut en couleurs du quartier de Belleville, cher à Thierry Jonquet. Il y a, dans les chapitres 9 et 10 ( « il était deux heures du matin ») quelque chose du style de Jean-Patrick Manchette, celui du Petit bleu de la côte ouest.
     On va me rétorquer, à l’instar de ces jeunes lecteurs qui prétendent bien connaître Harry Potter parce qu’ils ont « vu les films » ) : à quoi bon lire Les Orpaillleurs puisqu’on a vu les séries à la télé ?
     Eh bien si ! Et même au contraire !
     D’abord parce qu’il y a le ton, le style, le talent de Thierry Jonquet, sa façon de semer des indices et des doutes. Ensuite, parce que le familier de la série télé, en lisant ce volume qui ouvrira Boulevard du Palais, comprendra d’où vient Nadia Lintz – et pourquoi Rovère s’est mis à boire... Enfin, et surtout peut-être, parce que le fil lent et maîtrisé de la lecture permet de mieux porter le récit, de s’immerger dans l’intrigue, de se mettre tour à tour dans la peau de tous les protagonistes ( nombreux – mais on ne se perd jamais ! ).
     Lire, c’est pouvoir ralentir, revenir en arrière, réfléchir – ce que permet peu le cinéma qui défile, simplifie et modifie forcément le récit et notre jugement.
     Grand récit que ces Orpailleurs, avec sa brochette de portraits, notamment ce Rovère qui tente de renouer avec sa femme après l’accident de leur fils handicapé – et puis cette attachante Nadia qui fuit à la fois son ex mari et sa collègue Maryse, parce qu’elle est un peu trop accro à son ami bodybuilder... Et enfin ces trois femmes à la main coupée, sur fond de Pologne, de viande avariée, avec quelques tableaux à la clé, pas mal de faux papiers et une bague baladeuse qui porte le mauvais œil !
     Et pourquoi « Les Orpailleurs » ? demandera enfin le lecteur.
     Ces orpailleurs, il faudra attendre les dernières pages pour les découvrir, à l’issue d’une longue quête macabre dans laquelle Thierry Jonquet sème suffisamment d’indices pour que le lecteur découvre le pot aux roses ( terme très, très impropre... ) en même temps que Rovère et Nadia, stupéfaits par une vérité qui dérange – une quête à reculons qui aboutit en 1944, au camp de Birkenau, voisin de celui d’Auschwitz.

     Lu dans la version cartonnée et reliée qui comporte trois romans de Thierry Jonquet : La Belle et la bête, les orpailleurs et Mygale. Le meilleur de Jonquet en un volume !
Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
La Bête et la Belle | Mygale


  La douleur du dollar , Zoe Valdes ( Babel )  
     « Ce n’est pas moi qui ai écrit ce roman. Moi, c’est le cadavre. »
     Ainsi débute le récit de la vie de Cuca Martinez ( dite « la Môme » ), née en 1934 à Santa Clara, dans la province de Las Villas, à Cuba.
     A seize ans, après avoir échappé au viol de son frère aîné, la Môme Cuca part vivre à La Havane chez sa belle-mère, qui l’embauche comme servante et la fait dormir dans la même chambre que La Mechungita et La Pechungita, deux filles folles d’érotisme qui vivent comme mari et femme sans se préoccuper de la présence de l’adolescente...
     Un jour, c’est le coup de foudre : en dansant avec Juan Perez, dit Le One, Cuca en tombe amoureuse pour la vie – et il est vrai que le premier baiser qu’elle échange avec lui a de quoi l’éblouir, malgré l’haleine repoussante de son partenaire d’un soir !
     Mais voilà : le One disparaît... et notre belle Cuca l’attend, très sagement, pendant huit ans.
     Quand elle le retrouve, dans des circonstances presque analogues ( la musique et la danse ont une grande importance dans la vie des Cubains ! ), le One est devenu impresario, et il a d’abord du mal à l’identifier... parce que de son côté, le temps et les femmes ont passé.
     Leur liaison va reprendre dans un pays où la Révolution est passée elle aussi ( même si le nom de Fidel Castro n’est jamais prononcé ), un pays où la pauvreté règne, et où la générosité et l’argent semblent réservés aux touristes et aux frères étrangers opprimés, comme les Chiliens exilés après la prise du pouvoir de Pinochet...
     Quant au dollar du titre, il s’agit d’un billet donné puis perdu – mais qui, si on le retrouve, pourrait représenter beaucoup plus ! Un fil rouge perdu dans un patchwork gigantesque...

     « Il y a certains eux qu’on ne prononce jamais pour des raisons de sécurité ! » nous dit Zoé Valdès qui, pourtant, n’hésite pas à évoquer Le sous-commandant Marcos, Régis Debray... aussi bien que Marcel Proust, Joséphine Baker ou Stanley Kubrik !
     Etrange et envoûtant récit que celui de cette Cubaine exilée à Paris. Un roman qui vaut sans doute moins par son sujet que par son style, coloré et flamboyant. Plus réaliste que celui d’un Borges, plus direct que celui d’un Garcia Marquez, il possède une force et une originalité indéniables. Qui pourrait, comme Zoé Valdès, et à quelques pages d’intervalle, évoquer avec autant de bonheur une chanson d’Edith Piaf et – en trois longues pages, excusez du peu ! — la recette du jambon rôti à la créole ?
     Si vous voulez faire l’économie d’un séjour à la Havane, La douleur du dollar vous offrira un florilège inoubliable des mœurs, odeurs, paysages, coutumes et ambiances cubaines. Avec une réflexion idéologique mâtinée d’un érotisme étonnant... et d’un humour décapant !

     Quel magnifique objet que ce petit volume publié sur très joli papier, d’une stupéfiante densité : j’ai dévoré ces 340 pages pendant le trajet ( de sept heures ) menant de Bordeaux à Bruxelles !



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