Christian Grenier, auteur jeunesse
Recherche
   
     Ces pages ne seront plus mises à jour ( pour l'instant ...).
Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
20042005200720082009201020112012
JanvierMaiSeptembre
 
 Janvier 2012 : Les lectures de janvier-février 

  Maigret se fâche , Georges Simenon ( Le livre de poche )  

En retraite depuis deux ans dans leur petite maison de banlieue, les Maigret reçoivent la visite de Mme veuve Bernadette Amorelle - de la société Amorelle & Campois, sable et remorqueurs.Autoritaire et très sûre d’elle, la vieille dame impose plutôt qu’elle ne propose à Maigret d’enquêter sur le récent suicide suspect de sa petite-fille Monita. Son père, Charles Malik, et son frère Ernest vivent non loin de là. Maigret, assure la riche veuve, dormira à l’auberge de l’Ange, dont la tenancière, peu aimable, malade et portée sur la bouteille, le recevra d’ailleurs fort mal.

Eh oui, car Maigret accepte ! A l’auberge, il croisera d’ailleurs le fameux Ernest Malik, un ancien camarade de lycée que tous surnommaient avec mépris « le percepteur », mais qui semble avoir fort bien réussi dans la vie. Détesté par Bernadette Morelle, l’oncle de Monita assure à Maigret que sa nièce s’est bien suicidée – mais il se fait un plaisir d’inviter son ex camarade à déjeuner, trop content de lui montrer qu’il a réussi dans la vie.

L’absence du fils d’Ernest, le jeune Georges-Henry ( qui semblait amoureux de sa cousine et qu’on semble cacher ) met la puce à l’oreille du commissaire, qui reviendra au Quai des orfèvres pour se renseigner sur le passé trouble des Amorelle et des Campois…

Derrière ce titre banal se cache un petit chef-d’œuvre, un vrai roman policier sans un pouce de graisse, ramassé ( comme la plupart des romans de Simenon ) en une centaine de pages, ce que les Américains appellent une novella.

Un début tranquille, car Maigret est à la retraite… et peu à peu l’intérêt s’éveille. L’affaire ( de famille ) se corse et en véritable Sherlok Holmes de la psychologie, le vieux commissaire devine peu à peu derrière les regards, les silences, les mensonges et dissimulations, que le passé des familles Amorelle et Campois cache plusieurs cadavres dans un placard.

Un roman où Simenon livre le meilleur de lui-même dans de courtes descriptions superbes – l’action se déroule en 1945 et c’est un voyage dans des décors que Carné et Renoir n’auraient pas renié. La scène au cours de laquelle Maigret fuit le repas officiel chez les Malik pour aller cuisiner à l’office de l’auberge où il est hébergé, avec la complicité de la servante Raymonde, est un morceau d’anthologie ! Comme à l’ordinaire avec Simenon, Maigret préfère le hareng et le blanc sec au gigot arrosé de grands crus !

De bistro en auberge, de la banlieue ( Orsenne ) au Quai des Orfèvres, où Maigret retrouve bureaux et collègues, l’enquête mène peu à peu le lecteur de suicide en assassinat, un lecteur stupéfait devant les révélations finales et une étonnante complicité peu à peu nouée entre lui et la véritable héroïne du roman, la vieille Bernadette Amorelle.

Quoi qu’on pense du personnage de Simenon, il reste un maître du récit.

Chapeau bas ( ah… non : aujourd’hui, on dit plutôt « respect », je crois ? )

Lu dans l’intégrale, Tout Simenon – mais qu’importe, car si ce gros volume de 900 pages est un magnifique viatique ( on ne s’ennuie pas une seconde à la lecture des neuf enquêtes qu’il contient ), ce roman se dévorerait avec n’importe quel support.

Ah… il a semble-t-il fait l’objet, en 1972, d’une dramatique télé avec Jean Richard que je préfère éviter de voir.

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
La fenêtre des Rouet


  Meurtriers sans visage , Henning Mankell ( Points )  

Wallander enquête sur le meurtre sordide d’un couple de vieux paysans, les Lövgren, qui ont été sauvagement torturés dans le village de Lenarp. Avant de mourir à l’hôpital, la femme – étranglée au moyen d’un étrange nœud coulant – n’a pu que murmurer plusieurs fois le mot « étranger ».

La brigade tente de dissimuler cet aveu ; mais une fuite va entraîner très vite des représailles racistes au cœur de la population immigrée de la région d’Ystad : appels téléphoniques, menaces anonymes et assassinat aveugle d’un Ivoirien père de neuf enfants.

Aussi, Wallander se trouve confronté à deux enquêtes : la première, liée à l’assassinat du couple, et la seconde, un meurtre gratuit qui révélera l’existence d’une sorte de Ku Klux Klan suédois dont l’origine est liée à une politique d’accueil confuse et mal menée…

Ce sont les assassins du couple qui résistent… un couple plus riche qu’il n’y paraissait, et dont Wallander découvre que le mari, Johannes Lövgren, avait depuis longtemps une maîtresse et un enfant caché. L’un ou l’autre pourrait bien être la clé des atroces tortures que les victimes ont subies… Enfin, étrange leit motiv, il y a ce cheval qui n’a pas henni pendant la nuit du double meurtre parce qu’on lui a servi son picotin - afin qu’il ne donne pas l’alarme ?

Obsédé par le cheval, le nœud coulant et la vie secrète de ce couple, Wallander va de fausse piste en fausse piste. Malheureux en amour ( il aime en secret la belle Anette Brolin, le nouveau procureur ) Wallander est secondé par son collègue Rydberg, qui est atteint d’un cancer et deviendra, dans les épisodes suivants, son « maître à penser ».

« Il a oublié quelque chose, il le sait avec certitude en se réveillant »

L’incipit de Meurtriers sans visage frappe évidemment le lecteur de L’Homme inquiet. Car il préfigure vingt ans plus tôt la déchéance de Kurt Wallander, ce policier suédois qui, dans ce premier opus de la série, fête ses 43 ans. Et l’on sait que Mankell, lui, fera vieillir son héros au rythme exact des parutions de ses enquêtes…

Wallander, ici, est déjà usé, en léger surpoids, porté sur l’alcool et les femmes, divorcé de son épouse Mona, en conflit ouvert avec un père au bord de la sénilité ( un vieux peintre obsédé par le même paysage ) et en conflit larvé avec sa fille qui lui échappe… un quotidien qui rythme la vie de cet enquêteur déprimé et attachant.

Cette première enquête de Kurt Wallander, si elle n’est pas la plus convaincante, est indispensable au lecteur de la série, car elle livre à la fois les clés du personnage et le ton de son auteur : un style sec et dépouillé, une succession de détails souvent sans importance, mais dont le narrateur indirect, Wallander, ignore au même titre que le lecteur s’il n’y a pas là, qui sait ? un élément après tout majeur !

Un vrai roman policier qu’on lira d’une traite et dont on verra au besoin avec profit l’adaptation réussie à la télé ( une série britannique ).

Lu dans la collection Points de chez Seuil, papier léger mais excellente reliure.

Un « poche » d’un poids dérisoire par rapport à ses presque 400 pages !

CG

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
L'homme inquiet | La muraille invisible


  1Q84 (tome 1) , Haruki Murakami ( Belfond )  

En 1984, dans un embouteillage à Tokyo, la jeune et séduisante Aomamé abandonne son taxi immobilisé sur une voie aérienne ; elle emprunte un escalier de secours et rejoint le niveau du sol. Elle a une mission urgente à accomplir : assassiner proprement un riche inconnu. Après quoi elle draguera à son aise un homme mûr et presque chauve, ses goûts sexuels la portant vers des sosies de Sean Connery…
Mais Aomamé comprend peu à peu que le monde a changé. D’abord, l’arme de service des policiers n’est plus la même… et renseignement pris, ce changement ne date pas d’hier ! Ensuite, une station habitée existe sur la Lune.  Enfin, des événements inédits ont autrefois secoué le monde : une révolte a eu lieu, « les combats du lac Motosu », qui ont opposé les autorités à un groupe de révolutionnaires écologistes surnommé « L’Aube ». Il y a aussi ce fait divers bizarre, cet employé de la NHK qui, autrefois, a tué à coups de couteau quelqu’un qui… refusait de payer sa redevance télé !
Bref, le passé ne correspond plus à celui qu’elle a connu.
Cette modification du réel date du moment où elle a quitté son taxi… D’ailleurs, le chauffeur ne l’avait-il pas prévenue ? « si vous faites cela, il n’est pas impossible qu’ensuite le paysage vous paraisse un peu différent de celui de tous les jours. Mais il ne faut pas se laisser abuser par les apparences. La réalité n’est toujours qu’une. »
Elle s’interroge : qui est devenu fou, elle… ou le monde ?
De son côté, un autre personnage, Tengo, repense à son enfance, triste et solitaire, passée avec un père qui, chargé de faire payer la redevance télé, l’emmenait de force chaque dimanche chez les mauvais payeurs… Romancier débutant sujet à des crises étranges de « perte de réalité », Tengo se voit confier par son éditeur, Komatsu, la mission de « rewriter » le roman original mais maladroit de Fukaéri, une lycéenne de 17 ans. Dans ce récit de fantasy, La chrysalide de l’air, il est question d’un étrange petit peuple qui a besoin de boire de l’eau – de pluie, de préférence – les Little people. Pour convaincre la jeune Fukaéri de se prêter à ce subterfuge qui pourrait leur permettre de décrocher un prix littéraire, Tengo rencontre la lycéenne. Dyslexique et presque autiste, la jeune fille lui avoue, par bribes, qu’elle n’a pas écrit mais  dicté son récit à une camarade plus jeune. En outre, pour qu’elle accepte cette proposition de réécriture, Tengo doit d’abord rencontrer Ebisuno, le « Maître » de la lycéenne.
Ebisuno, dont la fille est l’amie de Fukaéri,  est un savant oublié qui vit reclus dans la montagne, il  raconte à Tengo la naissance, autrefois, d’un groupe de dissidents écologistes, bien décidés à passer à l’action…

Mes lecteurs fidèles connaissent mon goût inconditionnel pour les ouvrages de Murakami. Dans ce premier opus d’une trilogie orpheline ( le tome 3 n’est pas encore sorti en France ! ) le maître contemporain de la littérature japonaise intrigue et fascine son lecteur plus que jamais. D’abord grâce à la personnalité de ses protagonistes, tout particulièrement Tengo et Aomamé ; ensuite à cause de la construction très particulière d’un récit qui flirte avec la SF en général… et avec l’uchronie en particulier ; enfin, en raison de son style très particulier, une écriture presque blanche dont la précision et l’efficacité scotchent le lecteur au récit sans autre raison particulière – un mystère !
A quoi bon mêler ma voix au concert de louanges qui a salué la sortie des deux premiers tomes de 1Q84 ? Un indice : ce titre, discret hommage à Orwell, diffère du titre original à cause de ce Q à la place du 9. Un décalage avec le réel. Un Q qui ( paraît-il ) se prononce en japonais comme le chiffre 9. Un Q, surtout, comme le mot Question…
Murakami a l’art, en effet, d’intégrer à la littérature générale les doutes que la SF s’ingénie depuis des décennies à insinuer aux lecteurs ; l’art de leur faire se poser des questions sur le monde, l’individu, l’enfance, le destin - et sur certains événements en apparence mineurs qui, au sein de nos sociétés, sont capables de bouleverser l’ordre des choses…
Un ouvrage hybride et inclassable, qui pourtant fera date.
Lu dans sa version unique, un superbe ouvrage grand format d’une sobriété exemplaire.
Quel plaisir de lecture !

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil | Chroniques de l'oiseau à ressort


  Décollage immédiat , Fabien Clavel ( Rageot , Thriller )  

En rentrant chez elle après une altercation avec un camarade, la bouillonnante lycéenne Yasmina ( dite Lana ) reçoit un appel angoissé et désespéré de sa mère, hôtesse de l’air :

- Quitte l’appartement ! Vite !

Hélas, un inconnu ( qu’elle baptisera Opioman à cause du parfum entêtant qui le précède ) entre au même instant, et Lana n’a que le temps de se cacher puis de fuir – mais où ?

A Roissy ! Là, elle constate que sa mère lui a laissé un passeport et une clé USB dont le contenu est aussi indéchiffrable que les termes de l’enveloppe où elle l’a trouvée :

Creep - 3 B - Cérès.

Grâce au mot Creep, elle finit par découvrir un contact qui lui donne rendez-vous… à l’aéroport de Budapest ! Creep se révèle un jeune hacker sympa et coopératif. Il lui livre le nom de l’hôtel où sa mère l’attend. Là, elle manque à nouveau se faire tuer par Opioman qui l’a précédée ! Pour lui échapper, Lana… inverse les rôles : bien décidée à savoir quelles sont l’identité et les intentions de cet individu, elle le suit et prend l’avion ainsi que la place ( et la tenue d’hôtesse ) de sa mère.

C’est alors qu’elle devine :

1/ que 3 B désigne justement une place dans un avion…

2/ que sa mère s’est mise dans un pétrin dont Lana, après s’y être à son tour embourbée, va avoir bien du mal à sortir !

Heureusement, Creep est là…

Mes lecteurs les plus fidèles le savent : si j’ai ( un peu ) déserté la SF, c’est pour recycler à la fois ses thèmes et mes préoccupations dans des polars technologiques dont Logicielle est l’héroïne. Aussi, un thriller qui nous conduit au Parlement européen de Bruxelles, dans les labyrinthes politico-économiques des trusts de l’agro-alimentaire ne peut que me toucher !

Courses poursuites sur fond d’aéroports internationaux, accords secrets et technologies de pointe sont ici utilisés par un écrivain qui maîtrise parfaitement tous ces ingrédients.

Bien sûr, on pourra reprocher à Décollage immédiat quelques invraisemblances, la première étant qu’une fille de 16 ou 17 ans se trouve soudain propulsée ( presque ) malgré elle dans un rôle plus proche de James Bond que de l’un des membres du vieux Club des Cinq. Mais le rythme haletant du récit, son action trépidante et ses rebondissements scotcheront le lecteur jusqu’aux dernières pages, où Lana retrouvera sa situation d’ado bien dans sa peau, moins en mal d’aventures que d’affection.

A noter que ce thriller paraîtra le 7 mars. Il s’agit là d’une nouvelle collection, Thriller, où paraîtront le même jour des récits de Paul Halter et d’Hervé Jubert… du beau monde !

Lu dans sa version unique, un moyen format bon marché qui devrait séduire un large public, des collégiens aux jeunes adultes amateurs de séries télé et de sensations fortes.




  Attention, Départ ! , Alain Grousset ( Flammarion jeunesse )  

En 1863, les trois jeunes Creusois Emile, Gustave et Paul ont vingt ans et sont inséparables. Après avoir « tiré un bon numéro » et ainsi échappé à cinq ans de service militaire, ils sont embauchés aux chemins de fer pour participer à la construction d’un viaduc métallique de 300 mètres sur la ligne Paris-Orléans, celui de Busseau-sur-Creuse. Un chantier colossal et des conditions de travail et de vie bien difficiles…

Paul, l’intellectuel du groupe, est devenu un précieux gestionnaire de la société tandis que ses deux amis posent des milliers de rivets. A la suite d’une bagarre, Gustave tombe amoureux de la belle Jeanne, avec laquelle il se marie. Tandis qu’Emile, à force d’opiniâtreté, finit par devenir chauffeur de la « Bienfaite », Gustave entretien 8 km de voies et Jeanne gère le PN, le « passage à niveau ». Hélas, en voulant sauver un camarade, Gustave se fait couper la jambe sur la voie et meurt peu après. En passant chaque jour devant la petite maison de Jeanne, Emile prend l’habitude de ralentir sa machine et, d’un coup de sifflet, de saluer la jeune veuve qui ne semble pas insensible à ces déclarations…

Le jour où Paul disparaît, inexplicablement muté à Paris, Emile découvre que Jeanne a déménagé avec lui. Humilié, dépité, il se sent doublement trahi !

Arrive 1970 et la guerre contre les Prussiens…

Paul réapparaît pour demander à son ancien camarade un service d’intérêt national – et lui révéler les raisons de sa « trahison ».

Derrière ce bref roman au titre hélas banal (l’auteur n’en est pas responsable ! ) se cache un récit attachant et superbement documenté. Si Zola et sa Bête humaine sont inaccessibles aux 10-12 ans, Attention, départ ! leur offrira l’occasion de découvrir la dure vie quotidienne des pionniers des chemins de fer, avec comme toile de fond l’amitié, le travail et les us et coutumes de la fin du XIXe siècle.

Etre à la fois passionnant et pédagogique est une gageure ; et tout le monde ne possède pas l’art de mêler à la narration le décor d’une époque révolue. Alain Grousset maîtrise son sujet ; et le lecteur, quel que soit son âge, découvrira mille et un détails concernant les traditions, le langage et la condition ouvrière particulière de ces pionniers oubliés. A l’heure où la SNCF s’explique sur les déportations vers les camps de la mort, l’auteur nous rappelle que les cheminots, en 1870, ont aussi été à l’origine de faits héroïques – et que nos trains roulent toujours sur des viaducs construits à la seule force des poignets il y a un siècle et demi...

Lu dans une jolie collection poche, couverture pelliculée, beau papier – et prix imbattable : moins de 5 euros !

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Le jardin des secrets | 10 nouvelles fantastiques : De l'Antiquité à nos jours


20042005200720082009201020112012
JanvierMaiSeptembre

Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
Adresse postale : Christian Grenier, BP 7, 24130 Le Fleix