Christian Grenier, auteur jeunesse
Recherche
   
     Ces pages ne seront plus mises à jour ( pour l'instant ...).
Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
20042005200720082009201020112012
JanvierMarsMaiSeptembreNovembre
 
 Septembre 2008 : Millénium 
     Je me méfie toujours des « livres qu'il faut avoir lus ».
     —Comment, vous n'avez pas lu Da Vinci Code ( ou Ensemble, c'est tout ; ou Harry Potter : ou L'élégance du hérisson, etc. )
     Depuis plusieurs mois, c'était ( ton étonné, limite offusqué ) :
     — Comment ? Vous n'avez pas lu Millénium, la fameuse trilogie policière de Stieg Larsson ?
     Non. Je n'avais pas lu. Et plus les chiffres grimpaient ( deux millions d'exemplaires vendus ? ), plus je résistais. Jusqu'à ce que mes bibliothécaires préférées me disent :
     — Les trois volumes sont là. On te les a réservés. Pour un mois.
     Difficile de refuser.
     Donc j'ai lu... et je n'ai pas regretté.

  Les hommes qui n’aimaient pas les femmes ( Millénium 1 ) , Stieg Larsson ( Acte sud , Actes noirs )  
     Au départ, pas de vraie surprise. Pas de style transcendant ni vraiment original. Des personnages attachants, une ébauche d'intrigue, des récits qui partent dans plusieurs directions... et puis, page 100, le lecteur est sérieusement ferré. Et à la page 126, il n'est plus, mais plus du tout question de décrocher.
     Quant à l'issue de ce premier volume, elle est ( et ce n'est pas toujours le cas dans un polar ) à la mesure de l'attente, avec deux ou trois coups de théâtre surprenants — mais en fait, tout à fait explicables et dont le lecteur peut se dire : bon sang, j'aurais pu y penser !
     Millénium, c'est un magazine — genre Marianne ou Canard Enchaîné — dont Mikael Blomkvist ( et Erika, amie et maîtresse occasionnelle ) sont les responsables. Un mensuel passé dans le rouge depuis que Mikael a tenté de dénoncer les agissements louches du groupe Wennerström à la suite d'informations confidentielles. Tombé dans un piège tendu par Wennerström, Mikael n'a pas pu prendre le groupe en défaut, il a été condamné, il va faire de la prison et sa carrière de journaliste semble compromise...
     Mais voilà qu'il est soudain contacté par un vieillard étrange, Henrik Vanger, patron d'un autre groupe ( respectable ) qui ne semble pas porter Wennerström dans son cœur. Henrik expose le problème à Mikael : sa sœur Harriet a disparu depuis quarante ans, elle a sans doute été assassinée sur l'île que toute la famille Vanger habite. La police n'a jamais pu retrouver son corps ni identifier le ( la ? les ? ) coupables. Conscient de la valeur de Mikael, de sa probité et de ses qualités de fouineur, Henrik lui offre un pont d'or ( et le moyen de se venger de Wennerström ) pour s'installer dans l'île et reprendre l'enquête à zéro.
     Mikael accepte.
     Isolé dans une cabane à deux pas des membres de l'étrange famille Vanger, il fait leur connaissance et comprend que chez les Vanger ( dont un grand nombre a fricoté avec les nazis et sympathise encore avec l'extrême droite suédoise ) , tout le monde se déteste et cache un ou plusieurs secrets.
     Bientôt débordé par sa tâche, Mikael demande de l'aide. Et on lui adjoint une fille étrange et attachante : Lisbeth Salander, sorte d'autiste asociale, fausse anorexique et hackeur de premier choix. A partir de là, l'enquête s'accélère. Grâce à la perspicacité de Lisbeth, Mikael découvre le pot aux roses — et le lecteur comprend alors que les cent premières pages comportaient des informations indispensables, des fils en apparence indépendants dont l'auteur va dénouer les nœuds avec une maestria réjouissante.
     Là encore, à l'issue de ce premier volume, on peut se demander si les rapports conflictuels que Lisbeth entretient avec son tuteur ne constituent pas un récit parallèle superflu... il suffit de se lancer dans la lecture du volume 2 pour comprendre... que tout est lié !
     Du grand art. Et des ficelles comme on aimerait en trouver plus souvent dans le polar !

     Le fait que je sois allé plusieurs fois en Suède a peut-être, il est vrai, influencé mon jugement. L'ambiance particulière ( on est proche du cercle polaire ), la nuit qui rôde, les îles, la forêt, les élans... Larsson rend parfaitement cette atmosphère très particulière. Je ne m'étonne pas que les personnages se rencontrent ou se connaissent presque tous — les Suédois sont moins de 9 millions. Quand on porte le même nom de famille, on connaît presque toujours les autres branches, celles des cousins... le tutoiement, là-bas, est presque obligé ( le « vous », en Suédois, est aujourd'hui caduc, quasi inexistant, réservé aux personnes très âgées).



  La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette ( Millénium 2 ) , Stieg Larsson ( Acte sud , Actes noirs )  
     Mia Bergman va bientôt soutenir une thèse sur l'exploitation sexuelle des filles de l'est ; son mari, Dag Svensson, qui écrit un livre sur le même sujet, contacte Mikael Blomkvist afin qu'il publie l'ouvrage dans le cadre des enquêtes de Millenium. Le sujet, brûlant, requiert toute l'attention de la rédaction... jusqu'à ce qu'un triple meurtre stupéfiant jette tous les soupçons sur... Lisbeth Salander !
     Persuadée de sa culpabilité, la police se jette à ses trousses, bientôt épaulée par l'équipe de son ancien employeur, une compagnie de sécurité. Mais Lisbeth, qui est devenue riche, indépendante, libre, a changé d'adresse ; elle se cache et veut surtout échapper à Blomkvist dont elle est amoureuse... une dépendance qu'elle ne supporte pas !
     Sûr de son innocence, Mikael Blomkvist se lance lui aussi à sa recherche... ainsi que sur les traces d'un certain Zala, individu mystérieux et puissant dont il retrouve la trace dans les travaux de Mia et Dag, et qu'il soupçonne d'être à l'origine du triple meurtre.
     Difficile d'en dire davantage sans priver le lecteur des surprises que lui réserve habituellement Stieg Larsson !
     Ici, le drame se noue plus tard que dans le premier volume — après la page 200 — mais le suspense se maintient jusqu'au bout, avec de nouveaux coups de théâtre et une batterie de personnages nouveaux aussi hauts en couleurs que dans le volume précédent — notamment un géant blond insensible à la douleur, vraie brute et faux boxeur, qui donnera du fil à retordre aux héros jusqu'au bout. Les héros ? En fait, Mikael cède presque toujours la place à Lisbeth, mêlée pour des raisons familiales à un drame qui, une fois encore, nous fera remonter treize ans ( voire quarante ans ! ) en arrière, dans une Suède où ressurgissent de vieux fantômes liés moins au nazisme qu'à la guerre froide, au KGB... et à la Säpo, la police secrète suédoise.



  La reine dans le palais des courants d’air ( Millénium 3 ) , Stieg Larsson ( Acte sud , Actes noirs )  
     Le lecteur aurait pu abandonner Mikael Blomkvist dès la fin du premier volume... ou à la fin du deuxième — il aurait eu l'impression d'un dénouement authentique et ne se serait pas senti frustré.
     La surprise, dès le premier chapitre du volume 3, vient du fait qu'il est... la suite exacte du dernier chapitre du précédent volume : Lisbeth, rescapée d'une fusillade, est transportée d'urgence à l'hôpital, entre la vie et la mort. Une Lisbeth qui va être quasiment au centre de ce troisième récit, résolument orienté vers la SÄPO — les services secrets suédois — au sein de laquelle s'est constituée une « section » spéciale, indépendante et sans scrupules, dont l'objectif a d'abord été de protéger Zalachenko... et dont le but est désormais, pour permettre à ce petit groupe de continuer à agir, de supprimer ceux qui pourraient évoquer son passé, c'est-à-dire indirectement Lisbeth !
     Cela fait pas mal de monde... y compris et surtout un redoutable et célèbre psychiatre qui a le pouvoir de maintenir Lisbeth en détention parce qu'elle serait asociale, dangereuse, et ne disposerait pas de toutes ses facultés...
     Bloquée dans sa chambre d'hôpital, dépourvue de toute possibilité de communiquer, Lisbeth se morfond... d'autant que son voisin de chambre a tout intérêt à la supprimer !
     Et Mikael Blomkvist ?
     Conscient des risques pris par Lisbeth, soucieux de lui venir en aide, il va multiplier les exploits et les risques ( ah... il y a dans ce dernier volume un jonglage informatique qui fait évidemment la joie de l'auteur des « enquêtes de Logicielle » ! ).
     De son côté, l'ex responsable du mensuel Millénium ( et accessoirement la maîtresse et amie intime de Mikael ) Erika, est devenue la rédactrice en chef du plus grand quotidien suédois.
     Mikael et Erika sont donc en théorie concurrents... sauf qu'Erika découvre que celui-là même qui l'a engagé, le plus gros actionnaire du journal... trempe dans une histoire sordide qu'elle ne peut plus cacher aux lecteurs, une histoire un peu folle ( mais ô combien vraisemblable ) de... WC fabriqué à bas pris par des enfants d'Asie du sud-est.
     Ah, quel dilemme !
     Difficile là encore d'en dire plus sans révéler au lecteur trop d'éléments ( notamment des liens familiaux ! ) qui risqueraient de gâcher son plaisir...
     Ici, Stieg Larsson quitte le polar proprement dit pour flirter résolument avec le roman d'espionnage, il plonge dans le passé de la Suède et s'intéresse de près à ses institutions... au point de faire intervenir dans son récit d'anciens responsables suédois ( le gouvernement d'Olaf Palme ) et même... des ministres en exercice ! ! !
     Troublé, le lecteur se demande où s'achève la réalité et où commence la fiction, tant le récit les mêle intimement. Une certitude : c'est là, pour l'auteur, l'occasion de critiquer vertement les institutions en place et d'ébranler les certitudes d'une société qui passe pour être un modèle de démocratie.
     Ce troisième volet se révèle aussi passionnant et trépidant que les précédents, et il s'achève sur deux vrais coups de théâtre, à l'issue d'un procès dans la lignée de la grande littérature américaine, un chapitre que ne renierait pas non plus le meilleur John Grisham !

     Une conclusion .
     On a là, deux mille pages durant, une lecture trépidante et jubilatoire, une brochette de personnages attachants et hauts en couleur, personnages certes nombreux mais que le lecteur identifie sans mal et dont le dernier en date, une policière de la SÄPO géante et musclée fort séduisante, aurait bien pu se retrouver dans un quatrième volume tant ses liens avec Mikael semblent prendre le pas avec ceux, pourtant très forts, avec ( euh... pour faire court ! ) avec Lisbeth et Erika.
     Mais le lecteur averti le sait : Larsson est mort après avoir livré ses trois manuscrits et il n'y a, d'un éventuel quatrième volume, qu'un brouillon et des ébauches — l'ensemble étant dans les mains des avocats puisque les droits d'auteurs ( substantiels ! ) sont réclamés aussi bien par l'amie et les parents de l'auteur suédois décédé... un sac de nœud juridique qui doit faire sourire Stieg Larsson dans sa tombe !
     Un conseil : achetez, empruntez, faites-vous prêter ces trois volumes et bloquez-vous une semaine avec un frigo plein et le téléphone débranché. Puis lancez-vous dans cette lecture jouissive et gargantuesque. Vous en ressortirez en faisant partie du club des inconditionnels de Millénium !



20042005200720082009201020112012
JanvierMarsMaiSeptembreNovembre

Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
Adresse postale : Christian Grenier, BP 7, 24130 Le Fleix