Aldous HUXLEY Titre original : Brave New World, 1932 Première parution : Londres, Royaume-Uni : Chatto & Windus, 1932ISFDB Traduction de Jules CASTIER Illustration de CYRIL
PLON
(Paris, France), coll. Feux Croisés Dépôt légal : 1933, Achevé d'imprimer : 1963 Retirage Roman, 256 pages, catégorie / prix : nd ISBN : néant Format : 14,0 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
A supposer que la civilisation humaine telle que nous la révèle notre XXe siècle accède à un plein épanouissement, à supposer que tout ce que nous tenons pour mal — la maladie, la guerre, les fléaux naturels — soit un jour éliminé, et que tout ce que nous considérons comme bien — l'adaptation parfaite de l'homme à son milieu, une vie tout entière rationalisée, le confort moral et matériel — soit définitivement acquis, notre univers ressemblerait-il au ciel ou à l'enfer ? Cette question paradoxale a retenti il y a trente ans, avec Le Meilleur des mondes, comme un défi insolent jeté à la face du dieu Progrès.
Depuis, le livre de Huxley s'est imposé au monde entier comme un classique, et chaque nouvelle découverte scientifique — du sérum de vérité au bébé-éprouvette — apporte une inquiétante confirmation à ses prévisions. Comme dans les romans du XVIIIe siècle, le bon sens, l'humanité, la sagesse sont incarnés dans Le Meilleur des mondes par un sauvage étrangement insensible aux prestiges de la technique et incapable cm de se plier à ses servitudes. Mais ce sauvage ne vient ni de Tasmanie, ni de la Terre de Feu : il nous ressemble comme un frère, et nous nous sentons dangereusement concernés par sa fin lamentable.
Le Meilleur des mondes serait donc un roman d'une férocité assez noire sans l'inépuisable humour qui en fait l'un des livres les plus drôles que l'on puisse lire. Il convient d'ajouter que, trente ans après l'avoir achevé, Aldous Huxley vient de publier un nouveau roman, Ile, qui nous offre de l'avenir de l'humanité une image illuminée d'espoir et semble vouloir réconcilier l'homme avec son destin.
Écrit en 1931 et publié (et traduit) en 1932, Le Meilleur des mondes est, avec le 1984 de George Orwell, l’un des deux romans de science-fiction devenus si classiques que l’on oublie facilement qu’ils relèvent du genre ou que l’on considère ironiquement qu’ils sont « plus que de la S-F ».
Si Orwell, s’inspirant des dictatures fascistes et staliniennes, imagine avant tout un peuple écrasé par un pouvoir politique totalitaire, Huxley, lui, décrit plutôt un monde s’appuyant sur des dogmes scientifiques. Procréation artificielle, production et classification de la population en fonction de leur capital génétique, mise au ban de la société de celles et ceux qui veulent vivre et se reproduire naturellement, c’est une population faussement libre que nous dépeint l’auteur, où tout hasard, toute réaction sentimentale ont été supprimés.
Quatre-vingt dix ans après, Le Meilleur des mondes est toujours, voire plus, pertinent. Cette dystopie tranquille ne s’est pas éloignée de nous, au contraire. Cette société rationalisée, où tout est fait pour augmenter la consommation et ainsi garantir une croissance constante, où les classes sociales, loin d’avoir disparues, sont maintenant créées génétiquement, doit certainement faire rêver quelques libertariens, comme elle faisait rêver d’autres individus du temps d’Huxley (on peut par exemple lire Les Condamnés à mort (1920) de Claude Farrère dont l’organisation de la société et son darwinisme social semblent fasciner l’auteur). Quant à son discours sur la natalité, on ne peut que sourire jaune en entendant actuellement des paroles gouvernementales sur la lutte contre l’infertilité et la relance de la natalité.
Terminons par un mot sur cette nouvelle traduction. Si 1984 est un texte rempli de termes et de slogans d’un importance cruciale, rendant difficile toute variation par rapport à la première traduction (impensable par exemple de rendre autrement « la guerre c’est la paix »), ce n’est pas le cas du Meilleur des mondes. Cette nouvelle version, que la traductrice Josée Kamoun justifie dans la postface, passe donc très bien, enlevant quelques expressions désuètes, et ne fait que renforcer la pertinence et l’actualité de ce chef-d’œuvre.
Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)Brave New World
, 1980, Burt Brinckerhoff (Téléfilm) Brave New World
, 1998, Leslie Libman & Larry Williams (Téléfilm) Brave New World
, 2020, Grant Morrison, Brian Taylor, David Wiener (Série)