DENOËL
(Paris, France), coll. Science-fiction (revue) n° 7/8 Dépôt légal : novembre 1986, Achevé d'imprimer : 20 octobre 1986 Première édition Revue, 248 pages, catégorie / prix : 69 FF ISBN : 2-207-33007-9 Format : 13,0 x 21,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Les hommages à Philip K. Dick disséminés tout au long de ce numéro proviennent du magazine américain Locus (mai 1982) et ont été traduits par Pierre-Paul Durastanti. Seuls les textes de Jean-Marc Ligny, Daniel Walther et Jean-Pierre Andrevon ont été écrits spécialement pour Science-Fiction, celui de Lorris Murrail ayant paru initialement dans le n° 2, daté de mai 1982, de la revue Orbites.
Aujourd'hui, il semble bien que c'est avant tout la science-fiction qui sait se préocupper de ce monstre étrange que nous formons, tissé de mots qui nous échappent, de désirs qu'on ignore, la chair travaillée par nos songes et nos cauchemars. Et dans la science-fiction, c'est à l'évidence P.K. Dick qui a su avec le plus de démesure, le plus d'audace, montrer cette interpénétration de la raison et de la déraison, de la mémoire et du regard, du dehors et du dedans ; qui a su admirablement, avec une violence électro-choquante, évoquer tous les trous de notre présence au monde, le discontinu de notre conscience, l'enchevêtrement avec les paroles des autres ; c'est Dick qui a su rendre sensible ce fait troublant que la réalité n'existe que saisie par une conscience, et que la conscience n'est pas fiable, et que de surcroît elle peut agir, même à on insu, sur ladite réalité. Depuis Descartes et Kant, on se méfiait. Avec Dick, on est terrorisé.
2 - Jeff WAGNER, Dans le monde qu'il décrivait (In the world he was writing about : the life of Philip K. Dick, 1985), pages 14 à 59, biographie, trad. Pierre-Paul DURASTANTI
Inédit.
3 - Thomas Michael DISCH, Le Premier roman de Dick (Toward the Transcendent: An Introduction to Solar Lottery and Other Works, 1976), pages 61 à 74, article, trad. Lorris MURAIL
Inédit.
4 - Philip K. DICK, Warning : we are your police (Warning: We Are Your Police, 1985), pages 75 à 91, scénario, trad. Lorris MURAIL
9 - Philip K. DICK, À propos d'un chat tombé du troisième étage et qui a survécu (On a Cat Which Fell Three Stories and Survived, 1984), pages 139 à 139, poésie, trad. Liliane SZTAJN
Le remplacement, à la tête de Présence du Futur, d'Elisabeth Gille qui avait rénové la collection, par Jacques Chambon, n'a heureusement pas entravé la continuité de la revue Science (et) Fiction. Ce numéro 7, dans un format différent des précédents, est une quasi-réussite.
Il fallait rendre à Dick un hommage à la fois intelligent et passionné : la revue nous donne une série d'informations sur la vie de Dick, heureusement illustrée d'extraits de ses œuvres. Ces œuvres sont d'ailleurs présentées dans leur ordre chronologique, commentées par Dick lui-même, ce qui donne un éclairage savoureux. Des documents ensuite : la préface de Dish au premier roman publié, est excellente : on saisit l'impact de Loterie Solaire. S. Lem est, lui aussi, mis à contribution : c'est le fameux article publié en 1973 dans SF Commentary, et repris ensuite dans SF Studies. On nous propose aussi deux nouvelles inédites de Dick, dont la dernière, qu'on ne peut lire sans émotion, plus un scénario pour Les envahisseurs, et qui fut refusé. Sans oublier une lettre à Joan, et un article curieux. Plus une intervention de R. Zelazny, avec qui Dick a écrit Siva, et entamé sa dernière période si perturbante pour ses premiers admirateurs. Voilà pour les hommages venus d'ailleurs, sans compter quelques réactions d'auteurs à la mort de l'écrivain ou d'interventions venues de l'étranger. Et les Français direz-vous ? Et bien c'est peu fourni : nous avons l'éditorial de D. Riche, qui fait état du trouble chez les lecteurs concernant les dernières transmigrations de Dick, une interview de l'auteur, par Patrice Duvic, et qui date d'avant, de 1972. Ajoutons un texte d'Evelyne Peiller, dont une partie constitue la jaquette. Texte intéressant, mais ne prenant pas en compte la dernière partie de l'œuvre. Cette carence des Français me laisse songeur. D'autant qu'au colloque tenu en juin 86, sur Dick précisément, on avait entendu des choses fort pertinentes. Par exemple un texte de Jouanne, sur la jeune SF française comme post-dickienne. L'impression que l'on retire, indépendamment du fait que c'est un numéro très riche, c'est que cela aurait pu être écrit en 1975, et que l'on tente de gommer les dernières années, les dernières œuvres de Dick. Parce qu'après une résistance compréhensible, on s'était fait une certaine idée de Dick, qu'on l'avait statufié — sauf JP Andrevon, d'après sa « pige ». Et voilà qu'il s'était remis à vivre, à bouger, à créer. Et, de plus, dans une direction qui dérangeait : vers le mystique. Autant on lui pardonnait le Yi-Kin du Maître du Haut Château, autant les transmigrations, les dialogues avec la surnature folle, tout cela rappelle sans doute, pour nos critiques, un peu trop les Mémoires du président Schreber. Alors on gomme. C'était pourtant le lieu et le moment de montrer cette dimension nouvelle de la modernité de Dick, de sa présence vivante.
Donc, d'un point de vue informatif jusqu'en 1975, pour les illustrations (sauf la publicité pour J. Houssin, au recto de la photo de Dick) c'est un numéro à posséder pour tout amateur de Dick.