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Le Chemin de la nuit

Robert SILVERBERG

Titre original : The Road to Nightfall + Ringing the Changes, 1996/1997
Première parution : Angleterre, Londres : Voyager / HarperCollins, 8 juillet 1996 (The Road to Nightfall) + 21 juillet 1997 (Ringing the Changes)
Cycle : Robert Silverberg : Nouvelles au fil du temps vol. 1 


Illustration de PICTOR

FLAMMARION (Paris, France), coll. Imagine n° (32)
Dépôt légal : mars 2002
Première édition
Recueil de nouvelles, 732 pages, catégorie / prix : 24 €
ISBN : 2-08-068235-2
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Robert Silverberg, né à New York en 1935, est une des grandes figures de la science-fiction américaine. Auteur d'une oeuvre impressionnante sur le double plan de la quantité et de la qualité, aussi à l'aise dans le roman (il en a une centaine à son actif, dont une bonne vingtaine de chefs-doeuvre) que dans la nouvelle, il jouit aujourd'hui d'une notoriété et d'une considération égales à celles d'un Bradbury ou d'un Asimov, avec qui il a conjugué son talent pour l'écriture de trois romans.

     D'étranges sociétés du futur, des mystères archéologiques, des technologies propres à changer la face du monde, des extraterrestres comme s'il en pleuvait, et toujours, une humanité confrontée à des situations cruelles ou de terribles enjeux éthiques...
     Ce premier des quatre volumes rassemblant dans l'ordre de leur composition les nouvelles les plus significatives d'une oeuvre qui en comporte près d'un millier — choisies et présentées par l'auteur, qui a écrit une introduction pour chacune d'entre elles — couvre les années 1953-1970. En d'autres termes, qui sont ceux de Silverberg lui-même : « Ce livre s'ouvre sur les textes de l'apprenti que j'étais à la fin de mon adolescence, au début des années 50, pour passer aux récits compétents et enlevés du pro au regard averti que je n'ai pas tardé à devenir, avant de se conclure par les arabesques et sophistications caractéristiques de ma période " fin des années 60 ", alors que j'entrais en pleine possession de mes moyens. »
     Dans cette « manière d'autobiographie par le détour de la fiction », on pourra donc non seulement suivre le parcours d'un auteur-phare du domaine, mais revisiter sous un angle original l'histoire de toute la science-fiction moderne.

     Traductions de l'anglais (É.-U.) inédites ou revues par Hélène Collon, Corinne Fisher, Pierre-Paul Durastanti et Jacques Chambon.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Introduction, pages 9 à 13, introduction, trad. Hélène COLLON
2 - Le Chemin de la nuit (Road to Nightfall, 1958), pages 15 à 42, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Philippe R. HUPP
3 - Opération Méduse (Gorgon Planet, 1954), pages 43 à 53, nouvelle, trad. Corinne FISHER
4 - La Colonie silencieuse (The Silent Colony, 1954), pages 54 à 58, nouvelle, trad. Corinne FISHER
5 - Absolument inflexible (Absolutely Inflexible, 1956), pages 59 à 71, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Didier PEMERLE
6 - Le Circuit Macauley (The Macauley Circuit, 1956), pages 72 à 82, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Didier PEMERLE
7 - Les Chants de l'été (The Songs of Summer, 1956), pages 83 à 102, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON
8 - Alaree (Alaree / Malnutrition, 1958), pages 103 à 117, nouvelle, trad. Corinne FISHER
9 - L'Affaire des antiquités (The Artifact Business, 1957), pages 118 à 132, nouvelle, trad. Hélène COLLON
10 - Les Collecteurs (Collecting Team / Catch 'Em All Alive, 1956), pages 133 à 148, nouvelle, trad. Corinne FISHER
11 - Un homme de talent (A Man of Talent / The Man with Talent, 1956), pages 149 à 164, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON
12 - Voyage sans retour (One-Way Journey, 1957), pages 165 à 187, nouvelle, trad. Corinne FISHER
13 - Lever de soleil sur Mercure (Sunrise on Mercury, 1957), pages 188 à 204, nouvelle, trad. Hélène COLLON
14 - Le Monde aux Mille couleurs (World of a Thousand Colours, 1957), pages 205 à 220, nouvelle, trad. Hélène COLLON
15 - Tant de chaleur humaine (Warm Man, 1957), pages 221 à 234, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Suzanne RONDARD
16 - Auréolé de gloire (Blaze of Glory, 1957), pages 235 à 249, nouvelle, trad. Corinne FISHER
17 - Pourquoi ? (Why?, 1957), pages 250 à 264, nouvelle, trad. Corinne FISHER
18 - Les Déviateurs (The Outbreeders, 1959), pages 265 à 277, nouvelle, trad. Corinne FISHER
19 - L'Homme qui n'oubliait jamais (The Man Who Never Forgot, 1958), pages 278 à 293, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Catherine GRÉGOIRE
20 - Il était une vieille femme (There Was an Old Woman—, 1958), pages 294 à 307, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX & Pierre-Paul DURASTANTI
21 - Le Chancelier de Fer (The Iron Chancellor / The Weight Watcher, 1958), pages 308 à 330, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX & Pierre-Paul DURASTANTI
22 - Ozymandias (Ozymandias, 1958), pages 331 à 349, nouvelle, trad. Hélène COLLON
23 - Voir l'homme invisible (To See the Invisible Man, 1963), pages 350 à 365, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI
24 - Les Colporteurs de souffrance (The Pain Peddlers, 1963), pages 366 à 376, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI & Arlette ROSENBLUM
25 - Voisins (Neighbor, 1964), pages 377 à 392, nouvelle, trad. Pierre BILLON & Pierre-Paul DURASTANTI
26 - Le Sixième palais (The Sixth Palace, 1965), pages 393 à 405, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI & René LATHIÈRE
27 - Comme des mouches (Flies, 1967), pages 406 à 418, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX & Pierre-Paul DURASTANTI
28 - Carrefour des mondes (Halfway House, 1966), pages 419 à 432, nouvelle, trad. Corinne FISHER
29 - L'Étoile noire (To the Dark Star, 1968), pages 433 à 444, nouvelle, trad. Guy ABADIA & Pierre-Paul DURASTANTI
30 - Passagers (Passengers, 1968), pages 445 à 461, nouvelle, trad. Hélène COLLON
31 - L'Épouse 91 (Bride Ninety-One, 1967), pages 462 à 477, nouvelle, trad. Corinne FISHER
32 - Je vous 1000110 (Going Down Smooth, 1968), pages 478 à 486, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI & Frank STRASCHITZ
33 - Les Arbres qui avaient des dents (The Fangs of the Trees, 1968), pages 487 à 510, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI & Bruno MARTIN
34 - Les Amours d'Ismaël (Ishmael in Love, 1970), pages 511 à 526, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Denise HERSANT
35 - Un personnage en quête de corps (Ringing the Changes, 1970), pages 527 à 540, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON
36 - La Danse au soleil (Sundance, 1969), pages 541 à 558, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI & Bruno MARTIN
37 - Le Jour où le passé a disparu (How It Was When the Past Went Away, 1969), pages 559 à 621, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI & Bruno MARTIN
38 - Une fois les mythes rentrés chez eux (After the Myths Went Home, 1969), pages 622 à 631, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Bruno MARTIN
39 - En bonne compagnie (The Pleasure of Their Company, 1970), pages 632 à 649, nouvelle, trad. Corinne FISHER
40 - Nous savons qui nous sommes (We Know Who We Are, 1970), pages 650 à 661, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON
41 - Martel en tête (Something Wild is Loose, 1971), pages 662 à 698, nouvelle, trad. Hélène COLLON
42 - Trip dans le réel (The Reality Trip, 1970), pages 699 à 720, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Alain DORÉMIEUX
43 - ANONYME, Bibliographie, pages 721 à 726, bibliographie
Critiques
     C'est avec ce fort beau volume — tout simplement incontournable — que Jacques Chambon inaugure son intégrale raisonnée des nouvelles de Robert Silverberg, un travail colossal (toutes les traductions ont été révisées avec méticulosité) qui rappelle celui qu'il a déjà réalisé avec Philip K. Dick (chez Denoël) et Richard Matheson (chez Flammarion), en attendant J. G. Ballard. On lira au fil de ces 728 pages pas moins de quarante et une nouvelles. Des textes à chute comme « Opération Méduse », « Les Collecteurs », d'autres plus poétiques comme « La Colonie silencieuse », des expérimentations littéraires plus ou moins réussies, « Les Chants de l'été », et des chefs-d'œuvre tels « Comme des mouches », « Les Arbres qui avaient des dents ».
     Page 118, on lira cette confession de l'auteur qui est aussi la clef de son oeuvre : « Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me suis toujours intéressé aux civilisations antiques et aux objets qu'elles ont laissé derrière elles. Enfant, je hantais déjà les musées de New York, surtout pour aller voir des dinosaures, au début, et un peu plus tard pour m'absorber dans la contemplation des vestiges sumériens, babyloniens et égyptiens, sans parler des mosaïques romaines, des codex mexicains ou des poteries des Indiens Pueblo. Je rêvais de visiter les ruines des civilisations disparues qui avaient produit ces objets ; d'ailleurs, dès que j'en ai eu la possibilité, je me suis embarqué chaque année pour un site différent : Pompéi, Chichen Itza, Rome, le Pays Pueblo... »
     Et c'est bien à une épopée archéologique que les duettistes Chambon/Silverberg nous invitent. Un voyage dans le passé d'un écrivain trop souvent satisfait de lui-même, mais aussi acteur et témoin privilégié d'une époque passionnante, celle des éditeurs et anthologistes Damon Knight, Anthony Boucher, Leo Margulies, Donald A. Wollheim et Harlan Ellison. Robert Silverberg a écrit quelques-uns des plus beaux romans de la science-fiction moderne : L'Homme dans le Labyrinthe, Un Jeu cruel, Les Ailes de la nuit, Le Livre des crânes, L'Oreille interne ; il a marqué plusieurs générations de lecteurs et d'auteurs et cette intégrale raisonnée prouve — si cela est encore nécessaire — qu'il est le plus grand écrivain de science-fiction vivant.

CID VICIOUS
Première parution : 1/10/2002 dans Bifrost 28
Mise en ligne le : 1/11/2003


     Si l'on voulait citer le nom du meilleur auteur de SF vivant, nul doute que la liste, pour restreinte qu'elle soit, serait l'objet d'âpres controverses. Mais si l'on demandait d'établir la liste des dix plus grands auteurs de la SF mondiale, en tous temps et en tous lieux, rares sont ceux qui omettraient d'intégrer Silverberg dans leur panthéon ! C'est dire si l'auteur américain a marqué et marque toujours l'histoire de la science-fiction.
     On passera rapidement sur le plaisir de lecture que toutes les nouvelles réunies dans Le Chemin de la nuit offrent au lecteur : même lorsqu'il s'agit de récits mineurs — on pourrait d'ailleurs faire la même réflexion en ce qui concerne les romans — , Silverberg respecte ce contrat de lecture minimum : distraire. C'est ce qu'on appelle aux États-Unis un grand professionnel. Ce statut, Silverberg fait mieux que le reconnaître : il le revendique ! Dans une brève mais passionnante préface, il qualifie une partie de ses premières nouvelles comme un « incroyable déversement d'œuvres de jeunesse aussi indigentes que cyniquement composées » ! Avec une rude franchise, il ajoute qu'écrire « des nouvelles simples et hâtivement bouclées pour payer son loyer n'est pas plus dégradant que d'être vendeur dans une librairie ou un magasin de chaussures quand l'objectif est le même »... On comprend pourquoi Silverberg ne désirait aucunement publier une intégrale de ses œuvres mais plutôt une sélection de ses meilleurs récits.
     Ce qui donne toute sa valeur à ce livre, outre l'intérêt propre des récits rassemblés, ce sont les courtes préfaces de l'auteur, qui accumulent anecdotes personnelles, allusions aux autres écrivains de SF, références aux revues américaines de l'époque, précisions sur l'édition de science-fiction dans les années cinquante et soixante, peinture précise des conditions de vie des auteurs... Tout un monde aujourd'hui disparu, qui revit dans la mémoire acérée de Silverberg.
     Et les textes ? Quarante et une nouvelles, de 1953 à 1970, qui ne sont certes pas toutes des chefs-d'œuvre — l'auteur en convient avec simplicité — mais qui toutes témoignent de ce professionnalisme qui est l'un des maîtres-mots de Silverberg et d'un authentique respect du lecteur. En choisissant de placer en ouverture de ce premier volume la nouvelle Le Chemin de la nuit, récit haletant et cruel, Silverberg prend une revanche amusante et amusée sur la demi-douzaine de rédacteurs en chef de revues qui le lui refusèrent. Lucide, il souligne que, plus que le thème lui-même (New York succombant au cannibalisme dans un monde post-atomique), c'est l'effondrement moral du héros (un ancien combattant !) qui visiblement dérangeait... La SF américaine, depuis, a fait bien du chemin et Silverberg y a fortement contribué.
     On pourrait évoquer de nombreux autres textes, qui souvent annoncent les thèmes qui feront de Silverberg l'un des auteurs majeurs de la décennie soixante-dix. Sans vouloir se lancer dans un exercice assez vain de catalogage, on évoquera la rencontre amoureuse avec des extraterrestres (L'Épouse 91), sur un mode humoristique, l'invasion extraterrestre (Trip dans le réel), qui mêle humour et sens du tragique, le génocide indien (La Danse au soleil), traité avec une intelligence et une sensibilité exceptionnelles... Maintenant, il ne vous reste qu'une chose à faire : plonger au cœur de ce Chemin de la nuit qui vous permettra de découvrir pas à pas les sujets préférés de l'auteur.
     Tant qu'il existera en France des éditeurs comme Jacques Chambon, on sera assuré de pouvoir lire le meilleur de la SF mondiale dans sa dimension historique. Ce « best of » des nouvelles de Silverberg vous familiarisera avec l'œuvre d'un maître, près de cinquante années de carrière durant ou peu s'en faut. Cette rétrospective se devra de figurer dans la bibliothèque de tout amateur éclairé.

Stéphanie NICOT (lui écrire)
Première parution : 1/9/2002 dans Galaxies 26
Mise en ligne le : 16/2/2004


     Le chemin de la nuit marque le début d'un événement éditorial : la publication de l'intégrale raisonnée des nouvelles de Robert Silverberg. Pourquoi raisonnée ? Parce que l'auteur a toujours été, et est encore, extrêmement prolifique. Lui-même estime à environ un millier le nombre des nouvelles qu'il a écrites en quarante-cinq ans de carrière  ! Sous peine de s'y consacrer encore dans dix ans, l'auteur — et avec lui ses éditeurs américain et français — a décidé de ne livrer qu'une partie de ses textes. De toute façon, de son aveu même, une bonne partie des textes écrits dans la période concernée par ce premier volume (1953-1970) — ceux publiés en association avec Randall Garrett, par exemple — sont parfaitement à leur place dans les limbes de la littérature SF. Quand on songe qu'à une époque Silverberg produisait une nouvelle « alimentaire » par semaine, il est évident que la qualité ne pouvait être en permanence au rendez-vous. Néanmoins, de ces textes écrits pour la plupart dans l'urgence, il ressort quelques grandes réussites.
     La toute première nouvelle, Le chemin de la nuit, raconte l'irruption du cannibalisme dans une ville américaine dévastée et sans ressources. Dans Tant de chaleur humaine (précédemment publié sous le titre La sangsue), un homme venu on ne sait d'où, ingère littéralement les petits tracas quotidiens d'un quartier pour y rendre la vie paisible. Ces récits saisissants prennent place au milieu de textes de space opera, pour la plupart sympathiques mais rapidement oubliés. Il est évident, dès le départ, que Silverberg avait des capacités, qu'il a passablement occultées en produisant des textes au kilomètre. Lui-même en est parfaitement conscient, comme il le dit dans ses préfaces très instructives. Silverberg traîne une réputation d'auteur assez orgueilleux, et lui est fidèle  : il est le premier à trouver du mérite à ses propres textes. Mais on peut aussi être impressionné par la lucidité sans complaisance de son auto-analyse — il est vrai facilitée par un recul d'une quarantaine d'années. Les introductions ont aussi un autre intérêt : dévoiler, par le petit bout de la lorgnette, l'évolution d'un genre au fil des années. Silverberg étant à la fois un acteur et un spectateur privilégié du monde de la SF, ses anecdotes sur Harlan Ellison ou sur les grands rédacteurs en chef de l'époque (Campbell, bien sûr, mais aussi Gold ou Lowndes), sont particulièrement savoureuses.
     Bref, ce premier volume (sur quatre que comportera la série) constitue réellement un événement, un témoignage exceptionnel sur le talent d'un auteur et le développement d'un genre littéraire. Cette intégrale trouvera donc parfaitement sa place dans votre bibliothèque, bien calée à côté de celles des nouvelles de Philip K. Dick et de Richard Matheson, toutes deux publiées respectivement chez Denoël et chez Flammarion par le même directeur de collection avisé, Jacques Chambon.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 12/5/2002 nooSFere


     Robert Silverberg est un écrivain atypique, capable d'alterner les phases de production littéraire soutenue (comparable en prolixité à celle d'un Asimov) et les périodes de totale absence (la plus longue dura quatre ans, de 1974 à 1978). En quarante ans de carrière, le total des textes accumulés n'en reste pas moins très impressionnant : un bon millier de nouvelles et une centaine de romans.
     En France, ce sont surtout ces derniers qui ont fait connaître et apprécier Silverberg, sans doute parce que ce format leur a assuré une diffusion plus large, et aussi, certainement, parce qu'ils contiennent moins de déchet : de l'aveu de l'auteur lui-même, une part non négligeable de sa production de nouvelliste (ses écrits de jeunesse, notamment) est essentiellement alimentaire, et ne mérite pas d'être exhumée.
     Le travail de compilation repris dans notre pays par la collection « Imagine » (éditions Flammarion) diffère donc sensiblement de celui qui avait été entrepris en 1999 par le même éditeur pour l'intégrale des fictions courtes de Richard Matheson, avec l'exhaustivité pour seul critère de qualité. Ici, l'auteur a dû batailler ferme pour séparer le bon grain de l'ivraie. Ce premier tome, qui couvre la période 1953-1970, réunit une quarantaine de nouvelles. Quarante nouvelles, précisons-le, c'est à peu près ce que Silverberg pouvait écrire en trois mois aux périodes les plus prolifiques de sa carrière. Les quatre tomes que comprendra cette compilation de « nouvelles au fil du temps » seront par conséquent bien loin de constituer une intégrale, mais devraient en revanche donner à terme une image assez nette et flatteuse du nouvelliste Silverberg, des évolutions de son style et de ses thématiques de prédilection.

     Outre son intérêt bibliographique évident, que retirer de la lecture de cette imposante somme de textes ? Un certain plaisir, ne le cachons pas. S'il n'a pas révolutionné le genre comme Matheson (auquel il reste supérieur en quantité, mais néanmoins proportionnellement inférieur en qualité), Silverberg se montre un nouvelliste inspiré, habile, souvent drôle. De plus, il nous gratifie, en introduction à chaque nouvelle, de très asimoviens chapeaux qui retracent les circonstances d'écriture et de publication originale des textes, et même parfois quelques anecdotes autobiographiques. Rien de tel pour s'attirer la sympathie du lecteur et s'assurer sa fidélité au fil des pages... Du point de vue qualitatif, il n'y a forcément pas grand chose à écrémer : l'auteur s'étant lui-même chargé d'éliminer les scories, ce qui reste est assurément de très bonne facture. On peut s'amuser à suivre chronologiquement les changements dans l'écriture de l'auteur : d'abord jeune écrivain amateur très influencé par le format pulp, il va progressivement développer des formes d'écriture plus personnelles, se heurtant au passage à l'incompréhension de certains rédacteurs en chefs (comme Frederik Pohl, pourtant l'un de ses plus chauds partisans) peu réceptifs à l'avant-garde.
     Un volume globalement agréable, donc, où on pourra tout de même s'attarder sur quelques textes très connus, comme Passagers (Nebula 1969) ou La danse au soleil. Le chroniqueur vous conseille tout particulièrement Je vous 1001110 ou encore Trip dans le réel, qui clôt le volume sur une note... sur une note... et puis non : je vous laisse vous faire votre propre opinion.

     Le fan de SF, et à plus forte raison le fan de Robert Silverberg se jettera naturellement sur ce livre, qui est, répétons-le, une formidable chance d'approfondir un aspect méconnu de l'œuvre de l'auteur présenté ici sous son meilleur jour. Mais malheureusement le projet séduira peut-être un peu moins le novice ou le profane, qui risquent de reculer devant l'épaisseur du volume (plus de 700 pages) et aussi devant son prix (24 €, cela met la collection complète à près de 100 €, une somme à faire réfléchir même les plus curieux).
     Mais si l'on hésite à investir, ce n'est pas une raison pour s'abstenir de lire : les bibliothèques sont là pour y pourvoir...

Julien RAYMOND (lui écrire)
Première parution : 13/4/2002 nooSFere

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Science-Fiction (2001 - 2007) (2005)

     En 2002, Flammarion avait entrepris de publier, dans sa collection « Imagine », une sélection des meilleures nouvelles de Robert Silverberg. Voici, en édition de poche, le premier tome, la période 1953-1970, des débuts de l'adolescent Silverberg aux années fécondes qui virent naître La Porte des mondes, L'Homme dans le labyrinthe, Les Ailes de la nuit, La Tour de verre... Dans la critique qu'il avait rédigée pour le numéro 26 de Galaxies, le chroniqueur, un certain Stéphane Nicot, avait souligné l'intérêt de l'ouvrage pour l'amateur de SF. Il expliquait que, si toutes les nouvelles ne sont pas des chefs-d'œuvre, chacune est accompagnée d'une préface où Robert Silverberg multiplie les anecdotes à propos de l'inspiration qui a présidé à l'écriture du texte ou de ses démêlés avec les éditeurs. Un document sur l'histoire de la science-fiction américaine et sur l'un de ses meilleurs représentants. On apprend ainsi que Robert Silverberg, en plus de ses multiples romans, est l'auteur d'un millier de nouvelles. Dans les années soixante, il en écrivait plusieurs par semaine, le plus souvent pour des raisons alimentaires, parce qu'il avait décidé, à moins de vingt ans, qu'il vivrait de sa plume. Le prix de vente de chaque nouvelle est d'ailleurs exhibé, non sans ironie parfois, comme le témoignage émerveillé d'une réussite précoce et inattendue. On découvre, au fil des textes, la variété des thèmes abordés, souvent pour s'adapter aux exigences des diverses revues, on suit le déclin progressif de ces dernières, on croise Harlan Ellison, Horace Gold, John Campbell... Plus intéressantes encore sont les indications sur les déclencheurs de l'imagination — débordante — de Silverberg. Ainsi, sa première nouvelle majeure, « Le Chemin de la nuit », jugée trop noire par tous les directeurs de revues, lui a été inspirée par la lecture du roman de Marcel Aymé, La Traversée de Paris. Sont également dévoilés les exercices de style du néophyte, pastiches d'auteurs célèbres, comme « La Colonie silencieuse », imitation de Robert Sheckley, « Le Monde aux mille couleurs » traité « à la manière de Vance ».

     Le seul reproche que l'on pouvait faire à l'édition originale était son prix élevé : 24 €. On ne peut donc que se réjouir de cette publication dans une collection de poche. Tous ceux qui aiment la science-fiction, donc Robert Silverberg, peuvent entrer à peu de frais dans son atelier.

Gilbert MILLET (site web)
Première parution : 1/3/2005
dans Galaxies 36
Mise en ligne le : 15/1/2009

Prix obtenus par des textes au sommaire
Passagers : Nebula nouvelle / Short story, 1969

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Rubis , 1984, Daniel Moosmann (d'après le texte : Voir l'homme invisible), (Téléfilm)
La Cinquième dimension ( Saison 1 - Episode 40 : Voir l'homme invisible ) , 1986, Noel Black (d'après le texte : Voir l'homme invisible), (Episode Série TV)

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