FLAMMARION
(Paris, France), coll. Imagine n° (7) Dépôt légal : octobre 1999, Achevé d'imprimer : octobre 1999 Première édition Recueil de nouvelles, 308 pages, catégorie / prix : 85 FF ISBN : 2-08-067736-5 Format : 13,0 x 20,0 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Un homme qui voit soudain s'effacer tous les repères de son existence, une brèche vers un autre univers sous le canapé du salon, de sournoises invasions extraterrestres, l'humanité face à son dernier jour, une voix d'outre-tombe au téléphone...
Ce deuxième des cinq volumes composant l'intégrale des nouvelles de Matheson — présentées dans l'ordre de leur composition et dans des traductions nouvelles ou soigneusement revues — correspond encore aux débuts fort prolifiques de l'auteur, puisqu'il couvre les seules années 1952-1953. Que ce soit dans le domaine du fantastique, de la science-fiction ou du suspense (Matheson commence alors à écrire pour les revues policières), il s'impose comme un maître de l'inquiétude et de la terreur en des récits denses, très variés dans l'approche narrative, aux chutes qui laissent pantois. Il traduit surtout à merveille, déjà, la grande maladie des temps modernes : la paranoïa.
Ray Bradbury, un connaisseur, le salue ici comme un écrivain qui « transcende toutes les étiquettes ».
Richard Matheson mène depuis 1950 une carrière jalonnée d'oeuvres mémorables dans le domaine du roman (Je suis une légende, L'homme qui rétrécit, La maison des damnés, devenus des classiques et autant de films) et de la nouvelle (« Né de l'homme et d'une femme » s'impose d'emblée comme un chef d'oeuvre). Scénariste pour La Quatrième Dimension, la mythique série télévisée, il a adapté les plus célèbres contes d'Edgar Poe pour le cinéaste Roger Corman et signé le scénario de Duel, le premier grand succès de Steven Spielberg.
1 - Ray BRADBURY, Un mot de Ray Bradbury, pages 7 à 8, introduction, trad. Jacques CHAMBON 2 - Escamotage (Disappearing Act, 1953), pages 9 à 29, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Alain DORÉMIEUX 3 - Les Captateurs (The Disinheritors, 1953), pages 31 à 44, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON 4 - Toilettes pour hommes seuls (Dying Room Only, 1953), pages 45 à 66, nouvelle, trad. Hélène COLLON 5 - La Boucle est bouclée (Full Circle, 1953), pages 67 à 87, nouvelle, trad. Hélène COLLON 6 - Le Dernier jour (The Last Day, 1953), pages 89 à 109, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Arlette ROSENBLUM 7 - Lazare II (Lazarus II, 1953), pages 111 à 125, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON 8 - Une armée de conspirateurs (Legion of Plotters, 1953), pages 127 à 139, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Alain DORÉMIEUX 9 - Tina a disparu (Little Girl Lost, 1953), pages 141 à 157, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON 10 - Appel à longue distance (Sorry, Right Number, 1953), pages 159 à 175, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Bruno MARTIN 11 - La Maison du crime (Slaughter House, 1953), pages 177 à 221, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Michel DEUTSCH 12 - Intrusion (Mother by Protest / Trespass, 1953), pages 223 à 271, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Michel DEUTSCH 13 - Un mariage (The Marriage, 1994), pages 273 à 282, nouvelle, trad. Hélène COLLON 14 - Paille humide (Wet Straw, 1953), pages 283 à 291, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON & Bruno MARTIN 15 - (non mentionné), Bibliographie, pages 293 à 296, bibliographie
Suite de l'intégrale (ou peu s'en faut) des nouvelles de Richard Matheson — avec au total cinq volumes prévus. Francis Valéry s'étant longuement et patiemment intéressé aux textes composant le premier volume (cf. Bifrost 14), nous nous intéresserons aux suivants de façon plus succincte. Au sommaire de ces deux opus, 30 nouvelles, offrant une bonne perspective des différentes facettes de Matheson. Tout d'abord, il y a bien sûr ces récits ancrés dans la banalité du quotidien, que l'auteur va imperceptiblement faire dévier vers quelque chose d'autre : c'est un homme qui ne se souvient plus de l'endroit où il a garé sa voiture (« L'Enfant trop curieux »), c'est un enfant qui pleure dans le noir (« Tina a disparu »), quelqu'un dont soudain personne ne semble se souvenir (« Escamotage »), ou un coup de fil anonyme (« Appel longue distance »). Dans ce registre, popularisé au petit écran par la série Twilight Zone, Matheson passe pour un maître. Ce n'est pas le seul auquel il s'est essayé. Certes, lorsqu'il s'adonne à la nouvelle humoristique, les résultats sont plus mitigés. Tantôt il sort la cavalerie lourde (« Funérailles », où un employé des Pompes Funèbres reçoit la visite de divers personnages de la mythologie fantastique, ou « Une tripotée de donzelles », pochade sans grand intérêt mettant en scène une nouvelle forme de prostitution), tantôt il ressasse de vieilles plaisanteries éculées (« Cher journal », relatant les tracas de la vie quotidienne a diverses époques ; « L'homme qui avait créé le monde », le titre dit tout). Parfois, aussi, le résultat est plus convaincant, comme dans « Miss Poussière d'Étoiles », que n'aurait pas renié Robert Sheckley ou « Une Armée de conspirateurs », narrant les malheurs d'un paranoïaque.
D'autres textes, pas forcément les moins intéressants d'ailleurs, relèvent d'une S-F ou d'un fantastique des plus classiques : « Le Dernier jour » ou « Descendre », côté S-F symptomatiques des peurs des années cinquante, « La Maison du crime » ou « Paille humide » dans le registre fantastique. À l'inverse, un texte comme « Danse macabre » surprend, tant il s'apparente plus volontiers à la science-fiction de la décennie suivante. Enfin, plus anecdotique, on trouvera dans ces volumes une nouvelle policière, « Toilettes pour hommes seuls », ainsi qu'un western, « Le Conquérant ». Le résultat est aussi varié qu'intéressant.
Après Derrière l'écran (chroniqué dans le numéro 7 de Ténèbres}, Intrusion est le deuxième volume de l'intégrale des nouvelles de Richard Matheson. Le recueil comprend treize nouvelles du début des années cinquante, une préface de Ray Bradbury et une bibliographie.
Escamotage est le journal d'un homme qui sent la réalité se désagréger autour de lui ; une thématique qui n'est pas sans rappeler Philip K. Dick. Les captateurs est une version moderne de Boucles d'or et les trois ours. Toilettes pour hommes seuls est l'histoire d'une femme dont le mari disparaît soudainement. La boucle est bouclée est une nouvelle très touchante sur la découverte de l'autre, où un journaliste doit critiquer un nouveau spectacle de marionnettes vivantes venues de Mars. Le dernier jour est à prendre au pied de la lettre : la Terre va être détruite par la chute du soleil. Comment passer cette journée quand on sait qu'elle sera la dernière ? Dans Lazare II, un père parvient à redonner vie à son fils qui vient de se suicider. Mais le résultat n'est pas à la hauteur de ses espérances... Une armée de conspirateurs est une nouvelle brillante, qui nous plonge dans l'esprit d'un paranoïaque persuadé qu'un complot se trame autour de lui. Tina a disparu est une plongée dans les notions d'univers parallèles et de multiples dimensions. Appel longue distance est l'histoire d'une vieille femme clouée dans son lit qui est harcelée par des coups de téléphone mystérieux. La maison du crime, l'une des nouvelles les plus longues du recueil, revisite le thème de la maison hantée de manière originale et romantique. Intrusion compte parmi les plus réussies : un homme rentre d'un long voyage et découvre que sa femme est enceinte. Pourtant, elle jure qu'elle ne l'a pas trompé... Un mariage creuse le thème de la superstition : où est la limite de l'invivable ? Enfin, Paille humide est une autre histoire de hantise.
L'ensemble du recueil oscille entre fantastique et science-fiction et est remarquablement homogène : les nouvelles sont toutes, sans exception, littéralement géniales. Richard Matheson a un sens de l'atmosphère, du personnage et de la chute hors du commun. Vivement le troisième tome !
Il n'y a pas grand chose à ajouter par rapport à l'appréciation de Derrière l'écran, le premier volume de cette édition intégrale des nouvelles de Matheson. Insistons seulement sur la virtuosité de Matheson : on déguste chacun de ces récits, on prend le même plaisir à les lire ou à les relire, même lorsqu'il s'agit parfois de textes célébrissimes maintes fois publiés. On ne peut qu'envier ceux qui découvriront ces joyaux pour la première fois, car ils ont conservé tout leur impact et toute leur effrayante efficacité.
Comme dans le tome précédent, on regrettera encore l'absence d'une véritable préface et d'un appareil critique. La fade introduction de Ray Bradbury n'a en effet pas d'autre intérêt que le prestige du signataire...