J'AI LU
(Paris, France), coll. Science-Fiction (2007 - ) n° 369 Date de parution : 6 juin 2018 Dépôt légal : juin 2018, Achevé d'imprimer : 6 mai 2018 Réédition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 6 € ISBN : 978-2-290-15504-2 Format : 11,1 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
Renvoyé de l’école à l’âge de huit ans pour avoir mangé des fourmis en cachette, Horty fuit la demeure de ses parents adoptifs qui le martyrisent et trouve refuge au sein d’un cirque ambulant où il devient le partenaire de deux naines, Zena et Bunny. Mais les personnages les plus extraordinaires du cirque restent son féroce directeur, surnommé le Cannibale, et son étrange collection de cristaux : des pierres aux pouvoirs mystérieux et néanmoins gigantesques.
« Un ouvrage qui résiste au temps, qui ne se démode pas ! À lire sans retenue. » nooSFere
Sacré Grand Maître à sa mort en 1985 par le jury du World Fantasy Award, puis accueilli au sein du Science Fiction Hall of fame en 2000, Theodore Sturgeon fut l'un des plus grand écrivains américains de l'étrange. Ici présenté dans une traduction intégralement révisée, Cristal qui songe est un chef-d'œuvre incontesté.
Un enfant maltraité, un cirque, des cristaux intelligents, tels sont les ingrédients de ce roman extraordinaire de T. Sturgeon. Fuguant vers l'inconnu, Horty est recueilli par une charmante naine qui va lui servir à la fois de mère et de protectrice. Elle fait des numéros dans l'établissement de Monsieur le Directeur. Celui-ci n'est pas un tendre : surnommé le Cannibale, il se livre à des expériences secrètes avec de mystérieux cristaux dont lui seul semble avoir compris le pouvoir. De surcroît, il exerce une emprise mystérieuse sur les employés de son cirque. Mais ce n'est pas le seul danger qui guette Horty, il y a aussi l'abjecte juge Bluett, personnage secondaire essentiel, et toutes les autres incertitudes de la vie...
Le déroulement de certaines histoires paraît si naturel qu'on ne voit pas, à priori, comment elles pourraient être racontées différemment. Aucun chapitre n'est superflu, aucun mot n'est déplacé. Le lecteur est inéluctablement entraîné vers la fin, naturelle, implacable. L'enchaînement des péripéties est si limpide qu'on se surprend lisant la page cent juste après avoir commencé ! Chaque élément prend sa place sans gêner les autres, sans être trop ou trop peu développé.
Cette facilité de lecture ne nous empêche pas de bien appréhender les clés du monde de Sturgeon. Globalement, on reçoit une leçon d'humanité : l'homme se distingue de l'animal certes, mais tout le monde ne mérite pas de se situer au-dessus de toutes les espèces vivantes connues. Bref, être humain ne dispense pas d'en cultiver les qualités et nous ferions bien de veiller à ne mépriser personne.
Une autre clé de l'univers de l'auteur est mise en scène adroitement : élevé par une naine, Horty ne grandit pas. C'est un élément imaginaire qui a un peu de mal à passer mais dont la valeur est symbolique. A quel monde Horty veut-il appartenir ? Peut-il grandir avant d'en avoir décidé ?
Enfin, l'issue de l'amour lubrique du juge Bluett pour Mlle Kay est sans doute aussi un témoignage des pensées de l'écrivain : les personnages meurtris par d'autres finissent par trouver un salut à la mesure de leur bonté d'âme.
Chaque idée est savamment défendue par la crédibilité des personnages, campés devant nous comme s'ils avaient vraiment existé. Même les cristaux acquièrent cette fausse vie à laquelle les héros de fiction sont condamnés. « Il projeta une seconde fois vers le cristal une décharge de haine. — Non. Le mystérieux objet réagit par ce cri silencieux comme s'il l'avait piqué avec une épingle rougie au feu ». Les relations entre oppresseurs et opprimés se tissent petit à petit, induisant leurs conséquences funestes sur les uns comme sur les autres. Les non-dits ajoutent à la vraisemblance de l'ensemble tant ils rappellent ceux de la vie de tous les jours. Mais Horty comprend de lui-même, comme nous d'ailleurs.
Ce roman, considéré comme l'un des deux chefs-d'œuvre de T. Sturgeon reste parfaitement d'actualité. Si les contemporains nous ont habitués à des idées plus noires, plus choquantes ou plus audacieuses, celles de Sturgeon restent plus poétiques, plus sensibles. Un ouvrage qui résiste au temps, qui ne se démode pas ! A lire sans retenue.