J'AI LU
(Paris, France), coll. Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) n° 1491 Dépôt légal : juin 1983, Achevé d'imprimer : 6 juin 1983 Première édition Anthologie, 416 pages, catégorie / prix : 4 ISBN : 2-277-21491-4 Format : 11,0 x 16,5 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Fidèle à ses ambitions, Univers 1983 tente à nouveau de vous présenter un panorama aussi complet que possible de la SF anglo-saxonne et française.
Vous y trouverez une admirable nouvelle de Michael Bishop, couronnée par le prix Nebula, et le texte plein d'humour de Roger Zelazny qui a remporté le prix Hugo 82. En avant-première, pour ainsi dire, vous dégusterez un très grand cru de Robert Silverberg dont on parle beaucoup pour le Nebula 83. Vous retrouverez Somtow Sucharitkul, R.A. Lafferty, John Brunner, Gene Wolfe, John M. Ford et George R.R. Martin. Côté auteurs français, vous découvrirez des univers pour le moins étonnants avec les textes d'Emmanuel Jouanne et de Jean-Claude Dunyach, de Jean-Pierre Andrevon et du tandem Sylviane Corgiat-Bruno Lecigne.
Quant à la partie "critique", due aux plumes grinçantes de Jean Bonnefoy, Dominique Martel, Pascal J. Thomas et J.-H. Winterhall, elle vous réserve quelques surprises...
1 - Joëlle WINTREBERT, Passation de pouvoir, pages 7 à 10, éditorial 2 - Jean-Claude DUNYACH, Détails de l'exposition, pages 11 à 19, nouvelle 3 - Michael BISHOP, Retour à la vie (The Quickening, 1981), pages 20 à 55, nouvelle, trad. Philippe R. HUPP 4 - Somtow SUCHARITKUL, Diffère quelque temps ton bonheur céleste... (Absent Thee from Felicity a While…, 1981), pages 56 à 73, nouvelle, trad. Iawa TATE 5 - J.-H. WINTERHALL, Les Derniers philosophes, pages 74 à 77, article 6 - Sylviane CORGIAT & Bruno LECIGNE, La Vallée des ascenseurs, pages 78 à 109, nouvelle 7 - R. A. LAFFERTY, Ifrit (Ifrit, 1982), pages 110 à 121, nouvelle, trad. Éric CHÉDAILLE 8 - Roger ZELAZNY, Les Licornes sont contagieuses (Unicorn Variation, 1981), pages 122 à 151, nouvelle, trad. Iawa TATE 9 - John BRUNNER, Les Dieux du lac Taxhling (The Things That Are Gods, 1979), pages 152 à 197, nouvelle, trad. Michel DARROUX & Bernadette EMERICH 10 - Pascal J. THOMAS, Le Retour des barbes blanches, pages 198 à 209, article 11 - Robert SILVERBERG, Le Pape des chimpanzés (The Pope of the Chimps, 1982), pages 210 à 235, nouvelle, trad. Iawa TATE 12 - Gene WOLFE, Un amour de licorne (The Woman the Unicorn Loved, 1981), pages 236 à 258, nouvelle, trad. Eric COWEN 13 - John M. FORD, Intersections (Intersections, 1981), pages 259 à 297, nouvelle, trad. Brigitte MARIOT 14 - Jean BONNEFOY, Le Cabinet du discophile, pages 298 à 317, article 15 - Jean-Pierre ANDREVON, La Bête des étoiles et l'empathe, pages 318 à 346, nouvelle 16 - George R. R. MARTIN, Gardiens (Guardians, 1981), pages 347 à 399, nouvelle, trad. Jean-Pierre PUGI 17 - Dominique MARTEL, Jeu, pages 400 à 404, article 18 - Emmanuel JOUANNE, Le Corps du texte, pages 405 à 413, nouvelle
Critiques
Nos rendez-vous gastronomiques annuels auront été placés ces temps-ci sous le signe du changement. Tout d'abord, ce fut notre repas de fin d'année qui fut organisé par un nouveau traiteur : nous avons quitté Maître Goimard et son ambiance Tour d'Argent, ses menus copieux et sophistiqués, pour nous retrouver livrés aux fourneaux d'un chef faussement nommé Riche, dont la cuisine, rappelant hélas la fast food, aura occasionné bien des aigreurs d'estomac. Pour notre rendez-vous de l'universalité, voici que l'autre Maître Jacques a lui aussi cédé sa toque, et que nous avons troqué une cuisine solide et nourrissante, non exempte d'originalité, pour une autre beaucoup plus audacieuse.
Le menu proposé par la Maître-Feu Wintrebert démarre par un hors-d'œuvre glacé aux couleurs vives signé Dunyach, aussitôt suivi par une pièce de résistance éblouissante : un plat dû à Michael Bishop, qui fait écho à une de ses confections précédentes, que nous avions eu le plaisir de savourer lors de notre deuxième repas de l'universalité, il y a bien des années de cela. Dans la foulée, un plat exotique et raffiné, au parfum chronolytique, signé du marmiton thaï S.P. Somtow Sucharitcul.
Après avoir repris notre souffle au fil d'un entremets proposé par Winterhall, nous attaquons la deuxième partie du repas. Cela commence bien avec un plat étrange à la saveur légèrement métallique signé Corgiat et Lecigne, pour se poursuivre avec une petite chose pétillante due au bedonnant mais toujours alerte Lafferty. Suivent alors deux pièces à mon avis moins réussies, signées Zelazny et Brunner, la première au goût du cheval racorni, la seconde assez lourde et gâchée par un maniement maladroit des épices de traduction (la Maître-Feu aurait mieux fait de surveiller le travail de ses assistants au lieu de lancer des piques à son collègue Pierre K. Rey lors de son discours d'ouverture...).
Pour nous rendre l'appétit, on nous sert un deuxième entremets, très relevé celui-ci, un vibrant hommage à la vigueur de la cuisine traditionnelle signé Thomas.
Suivent quelques plats mineurs mais agréables, concoctés par Silverberg, Wolfe et Ford. Une cuisine légère, mais d'une originalité appréciée.
Le troisième entremets, musical cette fois, est offert par Bonnefoy. Voilà une cuisine qui est peut-être un peu ésotérique et qui risque de ne pas convenir à tout le monde. Question de goût.
Nous finissons en beauté avec un plat chaud et coloré, non dépourvu d'un petit arrière-goût doux-amer, dû à Andrevon, et avec une confection ma foi fort classique mais bien venue signée George Martin.
En guise de dessert, une petite glace acidulée et amusante signée Martel, et une liqueur riche et forte offerte par Jouanne vient conclure le repas en beauté.
Voilà un menu joliment composé, riche de saveurs nouvelles et originales, et je n'hésiterai pas à décerner trois étoiles à la Maître-Feu Wintrebert (d'autant plus que l'addition est tout à fait raisonnable), malgré quelques maladresses et hésitations, qui disparaîtront sûrement avec l'expérience. D'ailleurs, nous pourrons le constater assez vite, puisque le prochain repas de l'universalité a été avancé et aura lieu en février de l'année prochaine ; je vous y donne d'ores et déjà rendez-vous.
Ce numéro charnière d'Univers est donc arrivé. Jacques Sadoul passe la main, mais son ombre plane encore fortement sur la version 1983 de l'anthologie. Joëlle Wintrebert ne s'en cache d'ailleurs pas dans son éditorial : elle a dû compter avec des textes déjà retenus lorsqu'elle a pris en main les destinées d'Univers. Autant dire que ce volume est composite, ce qui était déjà évident d'un annuel regroupement de textes provenant d'horizons divers, tendant à présenter une vision unique du type « les meilleures nouvelles de l'année » — programme nécessairement abstrait et utopique en regard des nécessités de l'édition moderne (sans même citer les goûts de l'anthologiste). Composite, donc, et ce n'est pas plus mal. On pourrait s'essayer au jeu de société consistant à rendre à chacun les textes dont il est responsable. Plutôt vain. Sans doute Martin, Ford, Wolfe et l'un ou l'autre encore ont-ils été choisis par Sadoul. Ils ne sont ni plus ni moins convaincants que les autres textes des mêmes auteurs déjà publiés les années précédentes.
Joëlle Wintrebert désire sans doute ouvrir grandes les portes d'Univers à la francophonie, tout comme elle affirme vouloir rendre un bon niveau aux études publiées. Exit, les interviews de Charles Platt ! Il faut avouer qu'en ce domaine, il reste du travail à accomplir : des études parues en ce numéro, seul surnage quelque peu (assez peu) l'article de Pascal Thomas, qui semble avoir perdu pas mal de son bel enthousiasme envers la SF américaine... Il serait bon qu'une anthologie telle qu'Univers fasse place plus large aux articles de fond, et les choisisse parmi ceux qui font avancer la réflexion et titillent un minimum les neurones.
Je crois que les deux meilleurs textes du volume sont les deux textes d'ouverture : un français, un anglo-saxon. Jean-Claude Dunyach éclate réellement dans Détails de l'exposition, nouvelle très personnelle et très habilement écrite, qui tranche sur ses premières tentatives un peu trop ballardiennes. Quant à Michael Bishop, c'est presque un pléonasme de souligner la qualité extrême de son apparition ici. Retour à la vie est un sublime morceau de prose comme on voudrait en lire plus souvent, qui d'un motif « gadget » (un matin, toute l'humanité se réveille « déplacée », parfois à l'autre bout du monde) fait l'instrument d'une peinture subtile et parfois cruelle des réactions individuelles face au changement radical d'un mode de vie. Quand donc l'édition de langue française se décidera-t-elle à honorer Bishop ainsi qu'il le mérite ?
La plupart des textes anglo-saxons sont d'une honnête moyenne mais loin de casser la baraque. Quant aux autres français, la qualité oscille : Corgiat et Lecigne ne m'ont guère convaincu cette fois, Andrevon livre une nouvelle admirablement bétonnée comme il en a le secret, et Emmanuel Jouanne, avec Le corps du texte, demeure aussi étonnant et fascinant que dans Nuage — dont ce texte-ci semble une facette détachée.
Au total, si l'impression d'ensemble n'est pas franchement décevante face à cette édition 1983, elle ne paraît pas non plus tenir toutes ses promesses. La succession, on l'a vu, n'était pas simple. Si certains textes ne semblent pas ici (et c'est le moins qu'on puisse dire) frappés de l'évidence de la nécessité, il n'empêche que l'on perçoit fort bien les axes selon lesquels Joëlle Wintrebert compte travailler, des directions qui ne peuvent que servir au travers d'un volume annuel tel qu'Univers de la SF tout entière et plus particulièrement les auteurs francophones. Univers est en effet une vitrine plus qu'intéressante. Y figurer, tout comme être sélectionné dans L'année de la SF, ne peut qu'être bénéfique au renom, et au talent, d'écrivains qui vont en s'affirmant.
Nous saurons si l'anthologiste a tenu ses promesses lors de la parution du volume 1984. (Au passage, terrible rendez-vous, cette année-là !)