Christian Grenier, auteur jeunesse
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     Ces pages ne seront plus mises à jour ( pour l'instant ...).
Les notes de lecture étant publiées sur le blog chaque semaine, cela devenait difficile de mettre ces pages à jour en parallèle. Donc rendez-vous sur le blog pour les nouvelles "lectures de la semaine" ! CG, le Lundi 18 février 2013
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 Janvier 2009 : Les lectures de novembre et décembre 

  Une brève histoire de l'avenir , Jacques Attali ( Fayard )  
     Abandonnez de toute urgence votre lecture actuelle pour vous précipiter sur cet essai majeur. Car à mes yeux, c'est ce qui a été publié de plus important depuis... le siècle dernier ?
     Dans une certaine mesure, oui. Cet ouvrage, auprès duquel le vieux Quand la Chine s'éveillera semble un brouillon incomplet, devrait être au programme de tous les lycées, de toutes les entreprises, de tous les gouvernements.
     Je plaide coupable : c'est au moment où Jacques Attali publie un nouvel essai ( La crise, et après ? ) que je lis cet ouvrage publié il y a deux ans. Mais mes fidèles lecteurs savent que j'accumule à la fois les livres... et les retards de lecture.
     Je vois déjà certains lecteurs sourire : « tiens, Grenier s'est entiché d'un texte qui n'est même pas un roman... bizarre ! » D'autant plus bizarre, en effet, que je lis entre dix ou douze bouquins par mois, et que je suis peu influençable et rarement dithyrambique.
     De quoi s'agit-il ?
     D'abord d'une analyse totalement inédite et pertinente de l'histoire de l'humanité, excusez du peu. Puis d'une mise en perspective de l'avenir probable de notre planète. Enfin d'un voile entrouvert sur une possible issue de la destinée de l'humanité.
     Vous souriez ? C'est pourtant très exactement le projet de l'auteur de cet essai.
     Deux handicaps : le premier, c'est que vous croyez connaître Jacques Attali. Parce que vous savez qu'il a été chargé d'une mission par Sarkozy. Parce qu'il est affublé à vos yeux d'une image politique que vous ne partagez pas. Ou parce que l'homme vous irrite.
     Dommage ! Effacez vos préjugés... et jugez sur pièce.
     Second handicap : l'ouvrage n'est pas toujours d'une lecture fluide ou aisée, vous ne le dévorerez pas comme un thriller ( moi, si ! ) et vous buterez parfois devant l'argumentation d'une phrase, ou une série de chiffres ou de statistiques.
     Eh bien arrêtez-vous et relisez. Ou reprenez l'ouvrage, quitte à le lire par morceaux.
     Mais lisez-le. En entier.
     Si je vous avouais que je connais surtout Jacques Attali comme auteur de science-fiction, vous ne me croiriez pas. C'est pourtant le cas. Mais l'homme a de nombreuses casquettes, et l'économiste est plus connu que le chef d'orchestre — tant pis.

     Ce que contient l'ouvrage
     Après une brève et alléchante introduction ( un « avant propos » qui résume à la fois le plan et l'ambition de son ouvrage ), Jacques Attali se livre sur 160 pages à une analyse historique de l'histoire de l'humanité. Une analyse qui n'a rien à voir avec la liste des chefs d'états ou des conflits mais qui s'intéresse exclusivement à ce qui, peu à peu, a constitué le moteur de la civilisation humaine et qu'il appelle L'Ordre marchand. Un ordre que d'aucuns baptisent capitalisme ( ou « démocratie de marché » ), ordre né à la fois de la liberté d'entreprendre et du jeu de l'offre et de la demande. Un ordre qui, géographiquement, n'a cessé de se déplacer vers l'ouest au moyen de neuf « villes-cœur » : Bruges, Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam, Londres, Boston, New York, Los Angeles. Un ordre accompagné par un retour au nomadisme... j'y reviendrai.
     Avec La fin de l'empire américain, l'auteur ne fait que mettre en perspective les événements qui ont précédé pour dévoiler ce qui, probablement, nous attend dans les décennies à venir, ce qu'il appelle « la neuvième forme ». Une vision à la fois multiple et pertinente dans laquelle rien n'est laissé au hasard : l'économie ( bien sûr ) mais aussi le religieux, la mode, l'art, les spectacles, la musique, la gestion ( et le prix grandissant ) du Temps et surtout ces fameux objets nomades dont Jacques Attali ( il est l'inventeur du terme ! ) souligne l'importance dans nos comportements quotidiens.
     C'est vers 2050 que l'auteur envisage la naissance progressive de ce qu'il appelle L'hyperempire, c'est-à-dire la disparition progressive de tous les services publics, des états... et même de la démocratie. Un monde dominé, pour simplifier, par la surveillance et les assurances ainsi que par l'approche inévitable d'un hyperconflit, où domineront la piraterie aveugle, la lutte pour les dernières réserve de pétrole, d'eau, et les inévitables conséquences du changement climatique avec, en tête, l'invasion des habitants des pays menacés par la montée des eaux, la désertification, la misère et le désespoir.
     La troisième vague de l'avenir : l'hyperdémocratie, évoque un futur utopique dans lequel se développera l'intelligence collective — et universelle. C'est là, rappelle Jacques Attali, un avenir déjà entrevu par Karl Marx ( et Thomas More ! ) où l'ordre marchand, enfin dépassé, aura fait place à l'altruisme. Ces pages ont arraché des larmes — réelles, pas virtuelles — au vieil utopiste que je suis. Car elles évoquent une société que je n'ai cessé de mettre en scène, depuis La Machination ( 1972 ) et Une squaw dans les étoiles ( 1974 ) jusqu'à Ecoland ( 2003 ) — et un Ordre marchand que je ne cesse de dénoncer, depuis Face au Grand Jeu ( 1975 ) jusqu'à Cinq degrés de trop ( 2008 ) et ma Fille des Etoiles qui lutte contre... « les mondes marchands ». Mais cette « littérature jeunesse » qui flirte avec la science-fiction intéresse peu le grand public.
     Attali achève son essai par un chapitre consacré à la France, et dans lequel il intitulait déjà l'un de ses paragraphes : Demain, la crise. Paragraphe qui ( en 2006 ! ) commençait par :
     Si le pays ne fait rien face à la crise financière qui s'annonce ( ... ) cela entraînera une forte récession, une aggravation considérable du chômage, une baisse significative du niveau de vie (... ) La crise sociale se fera plus violente (...) cela entraînera une baisse de la productivité — et donc, à terme, de la production et des revenus.

     Ce que j'en pense
     Est-il nécessaire que je réponde : le plus grand bien ?
     Apparemment, c'est aussi le cas de la chaîne d'infos France 24, puisque Jacques Attali y évoque chaque semaine les fameuses villes-cœur de son ouvrage.
     On connaît ma définition de la science-fiction : décalage avec la réalité, logique et rigueur dans l'enchaînement des faits et style et/ou ambiance réaliste. Quand Huxley prévoit la gestion possible du génome humain, cela donne Brave new world ( Le Meilleur des Mondes ) ; quand Bradbury imagine une loi interdisant la lecture, cela donne Fahrenheit 451.
     Ici, Jacques Attali se livre au même exercice... sauf qu'il n'envisage aucun décalage avec la réalité, et que son essai ne relève pas de la SF mais tout simplement de la vraisemblance, comme son titre l'indique.
     C'est là un ouvrage majeur, indispensable. Non pas parce qu'il nous dresse un tableau de l'avenir, mais parce qu'il se penche sur les mécanisme de l'Ordre marchand qui gère le monde. Boule de cristal ? Non : outil indispensable à ceux qui veulent comprendre les mécanismes auxquels obéissent les marchés... ceux qui en sont les gérants — ou les victimes.
     Une fois encore, j'imagine certains lecteurs réagir :
     — Mais ce monde qu'Attali annonce, cet hyperempire, ce n'est pas celui que nous voulons !
     Moi non plus. Mais à l'image du superbe aphorisme de ce grand philosophe qu'était Pierre Dac ( Quand on dit « ferme la porte, il fait froid dehors », ce n'est pas parce qu'on a fermé la porte qu'il fait moins froid dehors ), aucun choix ne nous est laissé. Parce que l'Ordre marchand est devenu un moteur emballé que nulle démocratie ( et a fortiori aucun chef d'état, quel qu'il soit ! ) ne pourra enrayer. A ce stade, on comprend combien les luttes de pouvoir sont vaines : ni Obama, ni Sarkozy, ni Ségolène Royal ou Martine Aubry, ni Besancenot ni Le Pen ne pourraient modifier la donne d'une mécanique qui les dépasse parce que le moindre citoyen du monde en est devenu aujourd'hui l'un des rouages obligé. Enrayer ce processus annoncé, comme stopper ( ou plutôt ralentir ) le changement climatique, nécessiterait des mesures à la fois impopulaires, utopiques et d'ailleurs inapplicables, d'une part parce que peu seraient prêts à les appliquer ( en tout premier lieu, et à juste titre, les pays émergents à qui les nations industrialisées ont donné l'exemple ! ) et d'autre part parce que, à imaginer qu'une immense majorité accepte ( non : exige ! ) ces mesures, l'Ordre Marchand se révélerait plus puissant que cette improbable volonté populaire.
     Vision pessimiste ? Ah, comme je me réjouirais que Jacques Attali se trompe ! J'entends beaucoup d'entre vous murmurer :
     — Alors je renonce à lire ce bouquin. C'est trop effrayant.
     Soit. Mais pour ma part, je préfère la lucidité à l'aveuglement. Parce qu'il faut que le futur vienne en aide au présent.



  A genoux , Michael Connely ( Seuil , Points Policier )  
     Nommé à la section Homicide Special, Harry Bosh est d'abord chargé de découvrir qui a exécuté le Dr Kent dans sa voiture, lors d'un mystérieux rendez-vous au fameux belvédère de Mulholland Drive. Très vite, Bosh comprend que le docteur, qui avait accès au césium dans son hôpital, a dû, pour sauver sa femme prise en otage, en céder des doses importantes à... des terroristes arabes ! Commence une course-poursuite où il s'agit de retrouver soit le césium radio-actif , soit ces extrémistes qui s'apprêtent à fabriquer une « bombe sale »,.
     Les deux premiers tiers du roman, menés sans surprise, sont plutôt décevant. On se dit que Connely baisse un peu, qu'il dévie vers le polar façon Ludlum sur fond de menace islamiste — mais voilà : le 11 septembre lui réussit mal, et l'ombre de Ben Laden n'est guère convaincante.
     Et puis tout à coup, on devine ( comme Bosh ) qu'on a été mené en bateau depuis le début.
     Eh oui, même si A genoux n'a pas la force d'Echo Park, il s'agit là d'un vrai roman policier, dont les indices ramassés depuis de départ permettent de dévoiler une intrigue fort bien ficelée, et de découvrir un coupable présent depuis le début !

Vous pouvez aussi lire les notes de lecture sur d'autres livres du même auteur :
Le cadavre dans la Rolls | Les égouts de Los Angeles | La Glace noire


  La route , Cormac Mac Carthy ( L'Olivier )  
     Un homme et son fils tentent de survivre et de rejoindre l'océan en errant sur les routes d'une Terre presque déserte, ravagée par l'apocalypse.
     Difficile d'en dire plus. Et délicat de révéler que je n'ai pas été convaincu par ce récit qui, partout, passe pour un chef d'œuvre :
     « Comment, tu n'as pas encore lu La Route ? »
     J'aime ne parler que des récits que j'apprécie. Mais parfois, on me reproche de ne pas dire ce que je pense des ouvrages qu'il faut avoir lus. Alors allons-y...
     Une certaine critique littéraire affirme que l'histoire n'est rien puisque tout a été dit, et que la qualité d'un récit réside dans son écriture. Soit.
     Ici, l'histoire tient en une phrase — voir plus haut.
     L'écriture sèche, dépouillée, phrases sans verbe, dialogues réduits au minimum ( « d'accord ! » ) ne suffit pas à soulever mon enthousiasme. Mes camarades écrivains, d'Anne-Laure Bondoux à Alain Wagneur, protestent : il s'agirait là d'une métaphore magistrale, serrée, dense et dépouillée sur la vie, le monde, le futur, l'écriture ( ? ). Ah, l'émotion dégagée par « le père et le fils qui porte(nt) le feu », la disparition de tout sentiment, de toute émotion dans les rapports humains... bon.
     Mais voilà : des récits sur l'apocalypse, j'en ai lu par dizaines ( Malevil de Robert Merle et... pas mal de Ballard ! ) ; j'en ai même publié ( Niourk de Stefan Wul ).
     L'écriture ? Euh... je suis passé par les cases Céline, Joyce et Claude Simon.
     Côté ambiance et dépaysement, Buzzati ( Le désert des Tartares ) et Beckett ( En attendant Godot ) ont déjà fait le boulot.
     Et dans le genre dépouillé, j'avoue préférer Désert de Le Clézio.
     La Route restera sûrement un chef d'œuvre dans l'histoire de la littérature, il se peut que j'aie tout raté. Mais ce « Mad Max littéraire » réduit au père et au fils pourrait se résumer par cet échange philosophique puisé du côté des pages 139/140 :
     C'est quoi nos objectifs à long terme ?
     J'sais pas.
     Non. Où as-tu entendu ça ?
     C'est toi qui l'as dit.
     Quand ?
     Il y a longtemps.
     Et c'était quoi la réponse ?
     J'sais pas.
     Eh bien. Moi non plus.
     Etrange qu'après Une brève histoire de l'avenir, j'évoque La Route. Ce roman pourrait être l'aboutissement des erreurs commises par l'humanité, la conséquence d'une consommation effrénée entraînant de multiples conflits.
     Conclusion provocatrice : pour éviter la situation de La Route... lisez plutôt l'essai d'Attali !



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