Griffon

          Christian Grenier est arrivé ici quelques années avant moi, dans cette bâtisse blanche, « L'Aillyrette », longue comme le sont la plupart des maisons picardes.

          Comme il ne séjournait là que pendant les vacances, peu de personnes le connaissaient bien, on savait simple­ment qu'il était écrivain. Lorsque je me suis installé à Villers-sous-Ailly, mon épouse venait d'être nommée institutrice de la classe uni­que. M'occupant un peu du secrétariat de Mairie dont elle exerçait les fonc­tions, je fus rapidement intégré au vil­lage.

          C'est à partir de cette époque (1975) que j'ai rencontré Christian Grenier. Et c'est en 1978 qu'est née l'histoire de La guerre des poireaux. Par l'intermédiaire de M. Lafond, que l'on retrouve dans le roman, j'eus l'occasion d'être présenté à Christian ; et comme je m'occupais d'un bulletin d'informations locales, je le sol­licitai pour la rédaction d'articles. De notre collaboration à cette revue muni­cipale naquit notre amitié. J'appris à connaître ses livres, je rencontrai chez lui des écrivains et nous passâmes de longues soirées à échanger des idées.

          J'eus même le privilège, plus tard, de lire certains de ses manuscrits. Un jour, assistant à une discussion entre notre voisin commun et son fils au sujet d'un plat de poireaux que ce dernier prétendait ne pas manger, une idée lui vint : écrire un roman dont l'ac­tion se déroulerait à Villers-sous-Ailly ! Le dégoût du jeune Pascal pour ces légumes l'inspira, et une grande partie des habitants du village se retrouva dans le roman.

          Je serai toujours reconnaissant envers Christian Grenier pour le renom qu'il a apporté à notre commune. Depuis la publication de ce livre, nous échan­geons régulièrement des correspon­dances avec des écoles qui l'étudient et dont les enfants désirent savoir si les personnages ont véritablement existé.

          Nous leur expliquons qu'il y a, comme dans tout roman, une part de fiction : par exemple que M. Muzellier s'appelle en réalité Fuzellier, qu'il n'a jamais été l'instituteur du village mais le Maire, que sa fille s'appelle Virginie et non Bérénice, mais qu'à part ces détails, le fond de l'histoire est si proche de la mentalité de nos campagnes que nous ne craignons qu'une chose : c'est que pour les générations futures, ce roman ne devienne une partie de la véritable histoire de Villers-sous-Ally.

          Et puis, car lorsqu'on a connu l'époque où Sylvain, Pascal, Dorothée et Sophie fréquentaient l'école du village, on a tous le souvenir de l'avoir vécue notre... « guerre des poireaux » !