Griffon

          — Comme ça, X22, on dit que vous connaîtriez un extraterrestre ! Un certain Christian Grenier. Expli­quez-vous.

          — Extraterrestre, Chef, je sais pas. En tout cas, c'est pas un type ordi­naire. Tout a commencé en 77. On m'a demandé d'accompagner ce Christian Grenier, un écrivain, dans une classe. J'avais peur, Chef. Je m'attendais à ce qu'il regarde tout le monde de haut, normal. Eh bien, pas du tout ! Ce type m'a com­plètement emballé. Il s'est montré très humain.

          — Humain ou extraterrestre ? Fau­drait savoir !

          — Quand je parle d'humain, Chef, je veux dire qu'il m'a amené à saisir la dimension humaine du livre. Et puis, c'est un passionné, ce bon­homme, il aime le français et le fait drôlement bien passer auprès des mômes. Je vous raconte pas des blagues. Même que, lorsque je suis en animation, il me revient souvent en mémoire. Deux ans plus tard, je me suis mis à écrire. Là, croyez-moi, Chef, quand j'ai pris mon stylo la première fois, j'ai repensé à Christian et je me suis dit : « T'es prétentieux d'emprunter son che­min ».

          — Si je comprends bien, vous êtes parti dans le sillage de l'extrater­restre. Vous l'avez imité.

          — On n'imite pas un type comme ça, Chef ! On essaie de le suivre... même si c'est de très loin. Les années ont passé et, un jour, j'ai été publié. En juin 87, j'ai participé à ma première AG de la Charte. J'avais presque autant la trouille qu'en 77. D'autant que là, Christian a lancé son grand projet : la Saga. Il a été comme je me le rappelais : super, tout de passion pour défendre ce projet généreux où nous nous prendrions en charge, nous, les auteurs, livrant clé en main à l'éditeur un projet ambitieux. Je me rappelle, Chef, y avait des flammes dans son regard. Quel enthou­siasme ! C'est peut-être pour ça que j'ai osé me lancer dans l'aventure... même si j'étais l'apprenti de la bande. Cet enthousiasme a vrai­ment été le moteur de l'entreprise et je me souviens encore de la première réunion chez Christian, du premier bulletin dans lequel il écrivait : « L'es­prit de la Charte a soufflé, hier dimanche, de 10 heures à 21 heures, à Epinay-sur-Seine... » La Saga a été une formidable aventure même si, hélas, l'esprit a été en partie trahi sur la fin. Christian en a souffert et j'ai vraiment eu mal pour lui...

          — Alors, si je comprends bien, son idéal en a pris un coup...

          — Non, Chef ! Christian s'est un peu replié, mais je sais que le feu qui brûle en lui n'a pas changé. Ses coups de gueule dans le bulletin de la Charte le montrent. Il est ainsi : quand il souffre, il crie. Ses articles ne sont, hélas, pas toujours compris, mais ceux qui le connaissent décryptent son message et lisent son désir de voir perdurer « l'es­prit de la Charte », cet esprit qui lui res­semble : fait de générosité et d'en­traide.

          — Alors ! C'est un extraterrestre, ce Christian Grenier ?

          — Terrestre ou Terrien, je sais pas, Chef. En tout cas il est extra...