Christian Grenier, auteur jeunesse
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 SOMMAIRE 
C1 Présentation
C2 Profession du père : Ecrivain
Sophie Grenier
1 Christian Grenier le joueur de marelle
Yves Pinguilly
2 Planète enfance ou Christian Grenier questionné par ses deux enfants
Sophie Grenier et Sylvain Grenier
4 De la Terre à la Lune : L'avenir d'une illusion
Jacques Deitte
5 Les pieds sur Terre
Jean Coué
6 La planète Utopie
Raoul Dubois
7 La Mercedes à explorer le temps
Jacques Cassabois
8 La planète Robinson
Michel Jeury
9 Dans le sillage de l'extraterrestre
Philippe Barbeau
10 La planète des poireaux
Joël Fuzellier
10 Planète fraternité
René Trusses
11 Intersections d'orbites
Daniel Collobert
12 De temps en temps
Thierry Opillard
13 Le baladin de l'espace
Jean Ollivier
14 Christian Grenier et l'inquiètude du temps
Jean Perrot
15 Les dessous du G.R.E.N.I.E.R.
Christian Poslaniec
17 Imposteur ? Imposteur auteur
Christian Léourier
19 Le cochon de Noël
Christian Grenier
C4 Conjuguer l'enfance et la science-fiction ?
Jo Taboulet

Griffon

revue


De la Terre à la Lune : L'avenir d'une illusion



Jacques Deitte

Psychothérapeute, directeur de collection "Psychothérapies corporelles" (Masson éditeur). Auteur de plusieurs ouvrages théoriques et notemment "Les maux et l'écrit" (Masson)


          Christian Grenier est mon ami. Voilà 35 ans qu'il l'est, ce qui converti en années-lumière représente une dis­tance impressionnante dans le chemi­nement d'un Terrien moyen. Aussi, je saisis comme une aubaine cette esca­pade dans la machine à remonter le temps de notre enfance.
          C'est dans un collège de la rue Clignancourt, dans ce creuset fertile du XVIIIème arrondissement qui vit s'épa­nouir quelques génies notoires et enfanta plus encore de talents mécon­nus que s'éveillèrent en nous les pas­sions qui devaient nous faire entrer, lui dans la minorité du premier groupe, moi dans l'immense majorité du second. En cela, nos opinions politiques furent souvent divergentes mais là n'est pas la question. Au décours, donc, d'anecdotes mouvementées vécues dans ces salles de classe où flotte encore l'odeur de l'encre et de la cire des tables, je découvre et redécouvre là, en gestation, les œuvres du créateur qu'il est devenu et qui a nourri son talent de ces premières initiatives enthou­siastes : création d'une troupe de théâtre, réalisation artisanale de décors et de nos costumes et surtout répétitions assidues, rue Vauvenargues, sous la direction éclairée de M. Grenier-père, régisseur au Théâtre Français... Le Cid, L'Avare, Cyrano de Bergerac, Knock... histoire de se mettre en appétit et puis, très vite, des créa­tions personnelles encore inédites et dont je vous prédis l'exhumation pro­chaine d'une manière ou d'une autre, à moins qu'elles ne soient déjà présentes, en filigrane ou dans les titres de ses romans d'aujourd'hui publiés : La mai­son des saules (escapade policière dans les étangs picards), Mundus-scenario, Cache-cache parisien, L'homme de Gien (référence à une série d'aventures dont le héros -l'auteur lui-même — exploitait là ses talents de prestidigitateur), Les casseurs décadents, Sabotage dans la classe rouge, suivi de La bête est dans l'escalier (création originale qu'inspira le teckel de la concierge du collège dont le corps — celui du teckel et non celui de la concierge — avait la propriété d'épou­ser étroitement la forme des marches... La machine à scions (là, mes souvenirs ne sont plus très fidèles mais je crois bien qu'après avoir fondé une troupe de théâtre, deux bibliothèques, un ciné-club, quatre ateliers photo, une bourse aux disques et l'Association des Futurs Anciens Elèves, Christian Grenier avait aussi l'intention de fonder une société de pêche à la ligne et réfléchis­sait déjà au moyen de construire notre propre matériel (cette information reste toutefois à vérifier).

          Si j'ai choisi « De la Terre à la Lune : l'avenir d'une illusion » pour titre de cet article à toi consacré Christian, c'est pour y associer à notre image deux per­sonnages illustres qui sont un peu nos pères spirituels, l'un pour avoir popula­risé la littérature d'anticipation, l'autre parce qu'il est le fondateur de la psy­chanalyse et le révélateur de cette dimension cachée qu'est l'Inconscient. Hors de ces deux titres ici rassemblés, Jules Verne et Sigmund Freud n'ont a priori rien en commun si ce n'est d'avoir publié leurs œuvres maîtresses à la même époque, ce qui, après tout, n'est peut-être déjà plus un simple hasard ; mais si l'auteur du Voyage au centre de la Terre sut si bien s'évader en dehors des sentiers battus de l'ordre, de la logique et du rationnel (et nous associer surtout à ses voyages) comment ne pas céder à la fantaisie de lui adjoindre pour éminent partenaire celui qui le premier révéla à notre intelligence l'existence d'une instance supérieure, véritable Empyrée, haut-lieu chargé de la gestion de notre patri­moine affectif, de nos investissements désirants et par dessus tout de nos fan­tasmes ? Comment ne pas associer à l'Inconscient, sans doute structuré comme un langage (c'est-à-dire fonda­mentalement et spécifiquement hu­main) mais surtout insondable et mys­térieux, cet univers astral constitué sur le modèle de la matière mais dont l'ab­sence de limites concevables et l'ouver­ture possible à toute hypothèse, fut-elle déraisonnable, contribue à fasciner nos yeux d'enfants toujours rivés à l'ocu­laire de la lunette astronomique, en quête d'un espace de liberté totale, espace-temps absolu qui ne serait borné ni par le passé ni par l'avenir mais ouvert à tous nos fantasmes et propice à toutes nos explorations ?

          Matière-antimatière, réel-imaginaire, conscient-inconscient..., en SF comme en psychanalyse, domaines où l'on ne peut jamais se satisfaire de certitudes toujours aléatoires mais seulement pour jouir de questionnements souvent éclairants, ces mots indissociables s'op­posent, se heurtent, se combinent dans l'univers des sciences dites humaines comme celui de la fiction, dans les troubles psychologiques des hommes en souffrance du traumatisme originel à l'expresssion d'un symptôme, comme dans les arcanes de la métagalaxie, depuis le « big-bang » jusqu'au « big-crunch ». Tout ce qui n'a pas encore été explicité en matière de comportement humain se trouve certainement dans la parapsychologie ; de la même manière, tout ce qui n'a pu encore être observé, découvert, prouvé par nos sciences expérimentales et expérimentées se trouve probablement aujourd'hui en germe dans le potentiel créatif de nos auteurs de science-fiction. La preuve en est que les deux disciplines en ques­tion, SF et psychanalyse, ont toutes deux privilégié la symbolique mythologique pour nommer et illustrer leurs concepts de base et se retrou­vent déjà étroitement associées dans le principe anthropique de la cosmologie moderne. Si Christian Grenier a su échapper à l'emprise de la psychanalyse, ses passions et ses réalisations sont là pour nous montrer qu'il n'en est pas passé bien loin car après tout la prestidigitation, l'étude des langues, l'attrait vers la fiction, la mise en forme des images et plus encore la mise en mots du discours imaginai­re en peuvent être à l'occasion des matériaux de choix dont nous retrouvons trace dans chacun de ses romans.

          Mais sa vocation première, son talent le plus précieux, je l'estime pour ma part dans la rare compé­tence qu'il peut mettre à convaincre, simplement par la manière dont il nous communique son enthousias­me : lorsque nous fréquentions tous deux la classe de quatrième, mes aspirations musicales se bornaient à peu près aux œuvres des romantiques et l'architecture des cantates de Bach me paraissait beaucoup trop structurée pour pouvoir stimuler mes émotions. C'est Christian qui m'initia à la musique du Maître de Weiniar, tout simplement en me prêtant un peu de son exaltation chaque fois qu'il me parlait de lui ; plus tard, et de la même manière, il sut vaincre mes réticences à aborder l'œuvre de Chostakovitch et serait sans doute parvenu à me faire apprécier Berio si les circonstances et les kilomètres ne s'étaient pas liés pour nous éloigner l'un de l'autre. Et tout cela sans jamais asphyxier chez l'autre les opposi­tions indispensables à son autonomie sans lesquelles aucune éducation ne peut être transcendée, c'est-à-dire en respectant toujours la salutaire remise en question de « l'institutionnel » (où la parole demeure le privilège du Prince) par une nécessaire entreprise de « révolution » (restitution de cette parole au peuple) ce qui, pour un passionné d'astronomie, est, il est vrai, la moindre des choses. En cela, Christian Grenier est beaucoup plus qu'un enseignant, c'est un péda­gogue ; car mieux qu'un savoir, il se plaît à communiquer son dynamis­me, son enthousiasme, ses passions..., et lorsqu' inévitablement nous nous retrouvons ainsi contami­nés, nous nous sentons nous aussi pousser des ailes, avec une furieuse envie d'aller faire un tour, avec lui, dans les étoiles.



Jacques Deitte
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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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