FLAMMARION
(Paris, France), coll. Imagine n° (23) Dépôt légal : mars 2001, Achevé d'imprimer : mars 2001 Première édition Recueil de nouvelles, 420 pages, catégorie / prix : 89 FF ISBN : 2-08-067743-8 Format : 13,0 x 20,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Une poupée indienne dénichée chez un brocanteur vous paraît un cadeau idéal pour un passionné d'anthropologie, une mouche vous importune, un poids lourd se traîne devant votre voiture... Rien de plus banal, et pourtant... vous voilà au seuil du cauchemar !
Ce dernier des cinq volumes constituant l'intégrale des fictions courtes de Matheson – présentées dans l'ordre de leur composition et dans des traductions nouvelles ou soigneusement revues – correspond aux années 62-88, une période où l'auteur, lancé dans une féconde carrière de scénariste, produit moins, mais avec un art qui a atteint son propre classicisme. Désormais, un objet trivial, un événement ordinaire, un rien lui suffit à ouvrir des abîmes, à faire naître le suspense et toute la gamme de la peur, de l'inquiétude insidieuse à la terreur.
A côté de dix inédits s'ajoutant à de petits chefs-d'œuvre comme Proie ou Duel, un imposant essai de Daniel Riche et une postface de l'auteur, en qui son fils salue « un sorcier... un mentor... une légende. »
Richard Matheson mène depuis 1950 une carrière jalonnée d'œuvres mémorables dans le domaine du roman (Je suis une légende, L'Homme qui rétrécit, La Maison des damnés, devenus des classiques et autant de films) et de la nouvelle (Né de l'homme et de la femme s'impose d'emblée comme un chef d'œuvre). Scénariste pour La Quatrième dimension, la mythique série télévisée, il a adapté les plus célèbres contes d'Edgar Poe pour le cinéaste Roger Corman et signé le scénario de Duel, le premier grand succès de Steven Spielberg.
30 - (non mentionné), Bibliographie, pages 405 à 412, bibliographie
Inédit. Première parution en 2001 (non référencée dans nooSFere).
Critiques
Avouons-le, on attendait ce cinquième volume de l'intégrale des fictions courtes de Richard Matheson avec autant d'impatience que d'appréhension. Impatience, car le bonhomme sait créer une accoutumance redoutable. Appréhension, car ce volume est le dernier. Ce qui signifie, si vous me suivez, qu'il n'y en aura plus après. Inutile d'implorer votre libraire favori : le maître ès short-story a bel et bien dit son dernier mot dans le domaine de la nouvelle depuis plus de dix ans.
Bon, observons le précieux objet. Première constatation : il est plus épais que les quatre précédents (Derrière l'écran, Intrusion, La poupée à tout faire et Le pays de l'ombre) : heureux lecteur, tu auras cette fois-ci vingt-six nouvelles à déguster, dont dix inédites en français, une proportion plus qu'honorable. Vingt-six nouvelles, c'est beaucoup, mais en définitive, ce n'est pas lourd sur une période de plus de 30 ans... Ajoutons à cela la sempiternelle préface dithyrambique (cette fois signée par le fiston Richard Christian, qui nous apprend qu'en plus d'être un sacré bon auteur, Matheson est un sacré bon papa). Puis une longue étude placée en fin de volume, œuvre de Daniel Riche, qui éclairera judicieusement le lecteur sur la carrière et les thématiques de l'auteur. Et enfin, le dernier mot revient comme de juste à Matheson himself, qui se retourne avec lucidité sur son œuvre de nouvelliste dans un savoureux message au lecteur.
Que dire de plus sur le contenu de cet ouvrage ? Certes, les vingt-six nouvelles ne sont pas toutes des chefs-d'œuvre, loin de là. Il contient même plus de lourdeurs que les volumes précédents. Matheson, dans cette période, est devenu un romancier et un scénariste à succès, et il rechigne de plus en plus à se pencher sur le texte court, un domaine qu'il a parcouru en long, en large et en travers plus de dix années durant (quatre tomes l'attestent). Qui l'en blâmerait ? On ne peut pourtant s'empêcher de se dire que l'auteur nous a habitués à plus d'originalité, à plus de mordant que cela...
Quelques points intéressants sont cependant à distinguer. Tout d'abord, il est manifeste que Matheson a définitivement perdu toute étiquette : il donne indifféremment dans la SF, le fantastique, le polar ou l'humour noir ; ensuite, il fait à nouveau dans la short-short-story (nouvelle de moins de dix pages, dont l'effet repose sur une chute frappante et inattendue), genre qui fit son succès dès Né de l'homme et de la femme, et qu'il avait quelque peu abandonné au profit d'histoires plus consistantes sur le plan psychologique. Parfois, c'est très réussi (Les inséparables, Le jeu du bouton, Thérèse). Parfois, les ficelles sont plus convenues (Le signe du Lion, Jusqu'à ce que la mort nous sépare, Uniquement sur rendez-vous). On retrouvera également au sommaire toute une série d'histoires très mathesoniennes, où le protagoniste lutte contre un élément de sa réalité qui menace à tout instant de le faire basculer dans la folie (un rafraîchissement introuvable dans Mon royaume pour un verre d'eau, une étudiante prétexte à tous les fantasmes dans Les visages de Julie, le célèbre semi-remorque de Duel qui inspira Spielberg, un bien inoffensif insecte dans Du vent, sale mouche ! ou encore un téléphone qui sonne à l'intérieur de la tête dans Messages personnels). On trouvera également quelques histoires à suspense dont le classicisme pourra surprendre sous la plume de Matheson : c'est le cas de Proie ou de La fille de mes rêves, au demeurant plutôt efficaces dans leur genre. Plus frappante, la nouvelle Deus ex machina commence comme du Philip K. Dick : un homme se coupe en se rasant et découvre qu'il saigne de l'huile de moteur... Bref, si le contenu de La touche finale couvre l'essentiel du spectre littéraire de l'auteur, il apparaît toutefois évident que le meilleur du texte court mathesonnien est à chercher dans les tomes antérieurs.
En définitive, ce volume un peu ronronnant prend toute sa valeur une fois replacé dans la perspective de l'intégrale des nouvelles de l'auteur : regardé isolément, il est bien loin de donner une image fidèle du cyclone Matheson qui a déboulé au début des années 50 dans le petit monde de la nouvelle fantastique. Et pourtant... du Matheson en petite forme, c'est encore supérieur à ce que bien des auteurs ne réussiront jamais à produire.
Allez, pour finir, un énorme regret : lecteur, tu pensais posséder, avec ce dernier tome, la totalité des nouvelles de Matheson. Erreur ! La bibliographie placée en fin de sommaire t'apprendra que sept d'entre elles ont été omises dans cette intégrale, qui n'en mérite donc plus le nom. Mais ne laissons pas la déception devenir la touche finale du palpitant voyage auquel l'auteur nous a conviés au long de ces cinq volumes. Disons-nous plutôt qu'il nous restera encore du short Matheson à lire. Et surtout, n'oublions pas que Richard Matheson n'a pas encore quitté notre planète (vous savez, la troisième à partir du soleil...) pour le pays de l'ombre. Il n'a certainement pas encore fini de s'amuser avec nos nerfs.