Une fois n'est pas coutume, c'est une belle couverture de Yann Minh, quasiment monochrome, qui illustre le numéro 40 de la revue
Galaxies. Pour ce qui est du contenu de l'objet, je passerai très vite sur la non-fiction ne se rattachant pas au « Dossier
cyberpunk » et qui se résume à un édito à côté de la plaque ; un reportage sur les Imaginales 2006 qui n'intéressera pas grand monde ; la rubrique « lectures » qui ne critique aucun livre, préférant les encenser en bloc, ce qui ne va pas aider les lecteurs à acheter leur came et, cerise sur le gâteau, « le courrier des lecteurs » toujours centré sur les deux plus grandes problématiques de la science-fiction francophone, à savoir : 1/ « Veuillez trouver mon chèque de réabonnement, car vous êtes grands, beaux et forts » ; 2/ « Comment puis-je me procurer le numéro 1 de votre
revue, car dès le début vous étiez forts, beaux et grands ».
Pour ce qui est des deux fictions hors-dossier, c'est Jacques Barbéri qui ouvre la bal avec
« La Guerre des étoiles n'aura pas lieu », un texte de trente pages plutôt sympathique, plein d'idées, de trouvailles et d'images, mais qui m'a laissé derrière les paupières un drôle de goût de « roman compressé ». Si la première scène se déroule à une vitesse disons raisonnable, la suite est franchement hystérique avec scènes en accéléré, explications en pointillés et retournements de situation en bouquets (plus aucune phase d'ambiance passées les cinq premières pages, à l'exception d'une courte scène de bar). Par ailleurs, on s'amusera à noter la surabondance du mot « viande » et de son dérivé « viandar » dans le texte, ainsi que la présence de quelques métaphores glissant sur le fil du scalpel au risque de s'y trancher les ailes. Jacques Barbéri a beaucoup de talent, personne ne l'apprendra ici ; il aurait fallu, du moins sur ce texte, qu'il ait davantage d'envie de raconter/poser son histoire ; il donne l'impression de s'en débarrasser et c'est bien dommage.
Si le texte un brin désinvolte de Barbéri déçoit, que dire de celui de Xavier Noÿ
« Chronique de la chute des mouches », qui se résume à une longue lettre mal écrite parlant de puces volantes ? On oublie très vite ce pensum sur la mercatique plus lourd que l'air.
Pour ce qui est du « Dossier
cyberpunk », le seul article présent, signé Sébastien Cevey traite des réalités virtuelles. Il s'agit d'un papier intéressant sans être transcendant qui regorge de titres et passages non traduits, mélange allégrement cinéma et littérature (y compris dans la bibliographie !). On sent que cet article publié pour la première fois en 2004 aurait dû être réécrit dans la perspective d'une publication en revue de SF. Ça n'a pas été fait (ou alors mal). Quand à l'interview de William Gibson... du haut de ses trois pages, elle ressemble à un reportage grolandais transcrit en sous-français (probablement le poisson d'avril 2006 publié avec retard, ou le millésime 2007 publié en avance). Restent les trois nouvelles
cyberpunk, qui sont pour le moins oubliables sans être scandaleuses, celle de Helmuth W. Mommers parle de sexe et d'amour, sans jamais surprendre ; celle de Johan Heliot, parle d'amour et de pouvoir, sans grande pertinence, avec un style minimum syndical assez pénible ; quant à la dernière, celle du chilien Pablo Castro Hermosilla, c'est la plus intrigante du lot, mais elle se réduit au final à une bouillie immobile de jeux vidéos et de paranoïa politique qui ne convaincra pas grand monde.
Un « Dossier
cyberpunk » sans historique de ce sous-genre, sans nouvelle anglo-saxonne de
Greg Egan,
Charles Stross,
Cory Doctorow ou
Vernor Vinge (
« The Cookie monster » aurait été parfait au sommaire ; on a quand même du mal à croire qu'aucun membre de l'équipe de
Galaxies n'ait lu ce
prix Hugo...), sans intervention des trois auteurs francophones les plus cyber, à savoir
Laurent Genefort,
Jean-Marc Ligny et
Claude Ecken, c'est tout simplement ridicule (surtout quand on compare ce prétendu dossier à ce qu'ont pondu les amateurs du site <
cafardcosmique.com> sur le même sujet, amateurs qui naviguent bien loin des prétentions de la « revue de référence »).
Au final, avec son dossier bidon de chez bidon (gravé sur crotte ?), sa partie critique fort longue mais qui ne sert à rien, aucun texte exceptionnel (ce qui est exceptionnel chez
Galaxies, reconnaissons-le), ce numéro 40 est le plus mauvais publié depuis que la revue existe... Quant à l'annonce par Stéphanie Nicot d'un numéro 42 réservé aux abonnés... cela ressemble à la chronique d'une mort annoncée, mais bon, c'est sans doute ma méchanceté naturelle qui s'exprime.