Critique tirée de la rubrique « Diagonales » signée par Alain Dorémieux

     Diagonales avait signalé (n° 236, page 153) L'Amérique fantastique, copieuse anthologie de fantastique américain du XIX^e siècle, éditée par André Gérard. Cet avatar de luxe de la série Marabout poursuit avec une persistance remarquable l'exploration de ce domaine (celui du fantastique classique), puisque deux nouveaux titres ont complété ce premier volume : L'Allemagne fantastique (dont il sera question plus loin) et La France fantastique (dont je parle ici). Pour l'ensemble de ces trois ouvrages, même présentation : format imposant (23,5 x 16), nombre de pages abondant (dans les 400-450), jaquette « allurale » à fond noir gravé argent ou or ; et également même formule : un choix rassemblant des auteurs connus (ceux qu'on attendait inévitablement) et moins connus (ceux dont les textes constituent des découvertes). Parmi les premiers, on trouvera dans ce volume Balzac, Théophile Gautier, Nerval, Mérimée, Villiers de l'Isle-Adam, Maupassant, Erckmann-Chatrian. Parmi les seconds, Hector Berlioz... ce qui constitue une véritable curiosité ! A noter aussi la présence d'écrivains comme Pétrus Borel, Xavier Forneret, Marcel Schwob ou Pierre Louys. Cela dit, il serait hasardeux d'affirmer qu'au total le bilan de cette anthologie est positif. C'est que le fantastique en France au XIX^e siècle n'a jamais eu l'éclat ni la profondeur qu'il avait en Allemagne et dans les pays anglo-saxons ; il est le plus souvent resté exercice de style auquel on se consacrait en dilettante, à côté d'œuvres plus « sérieuses ». Et pour quelques chefs-d'œuvre incontestables et incontestés signés Mérimée ou Maupassant, combien nous offre-t-il de textes surannés et ampoulés, d'une lecture aujourd'hui pénible ? Jean-Baptiste Baronian (qui fait ici œuvre d*anthologiste mais qui est d'autre part directeur littéraire de la collection Marabout) semble d'ailleurs en avoir parfaitement conscience entre les lignes dans sa préface, tout en s'ingéniant à noyer le poisson pour démontrer que, malgré les apparences, ce n'est quand même pas si mal que ça. On retiendra quand même l'effort énorme que représente une anthologie de ce genre, et son intérêt documentaire qui de toute façon est indéniable.